LA FRANCE PITTORESQUE
Aller au diable, au diable Auvert ou Vauvert
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Publié le dimanche 20 septembre 2015, par Redaction
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Aller loin, Aller se faire voir. L’expression signifie à l’origine faire une expédition dangereuse
 

Auvert est une corruption de Vauvert ; on disait autrefois : Aller au diable Vauvert. Le V a été mangé dans la rapidité du discours, et il a fini par disparaître, si bien qu’on a été amené à couper en deux, pour lui donner une sorte de sens, le reste du mot : auvert. Le château de Vauvert ou Val-Vert situé près de Paris, du côté de la barrière d’Enfer, avait été habité par Philippe-Auguste après son excommunication ; il passait depuis cette époque pour être hanté par des revenants et des démons. Le roi Saint-Louis, pour désensorceler ce château, le donna aux Chartreux en 1257.

En effet, près de l’emplacement où est actuellement construit l’Observatoire de Paris, le roi Robert (Xe siècle) avait jadis fait bâtir une habitation de plaisance dans un lieu appelé Vauvert, c’est-à-dire val vert, vallis viridis, vallée verdoyante (al se prononçait alors au). La maison fut, dans la suite, abandonnée, en voici la raison :

Non loin de cette propriété, il y avait des carrières où le vent s’engouffrait avec un grand bruit et le peuple d’alors, qui était tout bourré de superstitions, croyait que tous les diables de l’enfer se réunissaient dans cet endroit. Les Chartreux qui logeaient près de là, dont la maison fut détruite en 1789 et les jardins réunis au Luxembourg, convoitaient cette propriété et, pour se la faire donner, ils exploitèrent la terreur qu’inspiraient ces carrières. Ils mirent ainsi le diable de leur côté, comme le meilleur moyen d’arriver à leurs fins.

Ils exploitèrent tant et tant la frayeur causée par un tel vacarme dans les environs du vieux château, que bientôt personne n’osa plus en approcher. Aussi, l’opinion générale fut-elle que les moines seuls étaient capables de conjurer les esprits infernaux et de disputer la maison aux revenants. Saint Louis (XIIIe siècle) fut même tout heureux de rencontrer ces bons moines pour se débarrasser d’une propriété si gênante.

Du reste, voici l’extrait de cette donation telle qu’elle se trouve dans le Dictionnaire de Paris, de Hurtaut et Magny (tome II) : « Le roi leur accorda la demande et non seulement leur donna l’emplacement de l’hôtel de Vauvert, mais encore toutes ses dépendances et ses appartenances. Non seulement il leur laissa la maison, mais encore les terres et les vignes où il les avait établis à Gentilly. »

Les bons moines avaient atteint leur but ; ils furent doublement propriétaires. On ne doute pas qu’ils acceptèrent sans aucune hésitation. Comme on le pense bien le tintamarre cessa à Vauvert aussitôt la donation faite (elle est datée du mois de mai 1259).

Avec le XVIe siècle, le diable de Vauvert disparut complètement et l’on n’employa plus le mot de diable que dans ces locutions usitées si fréquemment comme : S’en aller au diable ou Envoyer à tous les diables. La Fontaine, dans l’une de ses tables, s’est servi de cette expression. On trouve dans l’ouvrage de Gaignières (tome V) ces deux vers :

Fait bien le diable de Vauvert,
Qui brusle tout et qui tout perd.

D’autres pensent que le mot enfer n’est autre chose ici qu’un tronçon de mot corrompu. La rue Saint-Jacques s’est nommée Via superior ; la rue d’Enfer, qui lui est parallèle, fut désignée, par opposition, sous le nom de Via inferior, Via infera ; c’est le mot infera altéré qui serait resté comme dernière dénomination à la rue d’Enfer.

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