LA FRANCE PITTORESQUE
19 février 1659 : mort du poète et académicien Guillaume Colletet
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Publié le lundi 18 février 2013, par Redaction
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Guillaume Colletet, membre de l’Académie française, était l’un des cinq poètes dramatiques que le cardinal de Richelieu employait comme des commis à la composition des pièces qu’il faisait jouer à la cour, et dont il donnait souvent le sujet et le canevas. C’est dans celle qui a pour titre les Tuileries, que sont les six vers pour lesquels le cardinal lui donna six cents livres, en ajoutant que le roi n’était pas assez riche pour payer le reste. De ces six vers, voici les trois que le cardinal admirait le plus :

La canne s’humectant de la bourbe de l’eau,
D’une voix enrouée, et d’un battement d’aile,
Anime le canard qui languit auprès d’elle.

Le cardinal voulait ainsi changer le premier vers : La canne barbotant dans la bourbe de l’eau, trouvant sans doute que tous ces b faisaient un effet poétique. Colletet, non content d’avoir disputé sur ce point contre le cardinal, lui écrivit une grande lettre pour défendre son opinion ; le cardinal avait des affaires plus importantes ; la France venait de remporter une victoire, et les courtisans en le complimentant sur ce succès, l’assuraient que rien ne pouvait résister à son éminence : « Vous vous trompez, leur dit-il ; à Paris même je trouve un homme qui me résiste. » On demande quel est ce téméraire, quel est cet ennemi de l’Etat et du roi ? C’était Collelet.

Les deux meilleurs vers qu’il ait faits, sont ceux-ci, au sujet de la libéralité du cardinal :

Armand, qui pour six vers m’a donné six cents livres :
Que ne puis-je à ce prix te vendre tous mes livres !

Soit que Colletet ne fît pas souvent des vers à six cents francs le sixain, soit qu’il fût, comme on le dit, un dissipateur, il mourut très pauvre, et légua cette pauvreté avec son talent poétique, à son fils.

Colletet avait épousé successivement ses servantes. Les gages qu’il leur devait formaient leur dot. La troisième qu’il épousa s’appelait Claudine. Pour honorer ce choix, il fit paraître sous ce nom plusieurs pièces de vers. La Fontaine se moqua de cette nouvelle Sapho, dans les vers suivants :

Les oracles ont cessé :
Colletet est trépassé.

Dès qu’il eut la bouche close,
Sa femme ne dit plus rien ;
Elle enterra vers et prose
Avec le pauvre chrétien.
Sans gloser sur le mystère
Des madrigaux qu’elle a faits,
Ne lui parlons désormais,
Qu’en la langue de sa mère.

Les oracles ont cessé :
Colletet est trépassé.

On a recueilli ses Œuvres ; mais le nom de Colletet n’est plus connu que par ces deux vers, assez peu délicats, de Boileau, sur Colletet le fils :

Tandis que Colletet, crotté jusqu’à I’échine,
S’en va chercher son pain de cuisine en cuisine.

Il faut qu’un poète qui a dîné, trouve bien du plaisir à insulter un poète à jeûn, puisqu’on voit encore Boileau dans l’Art poétique, inquiéter le pauvre Colletet, au sujet de son dîner :

Un auteur qui, pressé d’un besoin importun,
Le soir entend crier ses entrailles à jeûn,
Goûte peu d’Hélicon les douces promenades :
Horace a bu son saoul quand il voit les Menades ;
Et libre du souci qui trouble Colletet,
N’attend pas pour dîner le succès d’un sonnet.

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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