LA FRANCE PITTORESQUE
21 janvier 1824 : défaite d’un corps anglais par les Ashantées ; mort de sir Charles Maccarthy
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Publié le dimanche 22 novembre 2009, par LA RÉDACTION
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Par des traités conclus en 1817 et confirmés depuis, la Compagnie anglaise avait reconnu la suzeraineté du roi de la peuplade africaine des Ashantées sur toutes les tribus indépendantes des Fantées établies entre ses états et la côte. Il avait même été stipulé que la Compagnie paierait au roi des Ashantées, à titre de présent ou de réparation, une certaine quantité d’onces d’or pour les établissemens formés par elle au cap Coast, et en divers autres lieux. « Là, comme partout où se forme une colonies anglaise, on n’avait pas tardé à pratiquer des liaisons avec les tribus voisines. Les Fantées, qui avaient beaucoup à souffrir des incursions des Ashantées et du gouvernement tyrannique de leur roi (Assai-Tootoo-Quamina), s’habituaient à considérer les Anglais comme des protecteurs. Bientôt le roi des Ashantées, qui se regardait comme le maître du territoire occupé par les uns et par les autres, avait fait demander, en 1819, au commandant du cap Coast, onze cents onces d’or pour le fort et autant pour la ville ; on avait refusé ou éludé de répondre à sa demande. On était déjà menacé d’une rupture excitée, dit-on, par les Hollandais d’Elmina, lorsque le gouvernement anglais, voyant l’importance de l’établissement, et voulant sans doute aussi, dans ses vues pour la suppression de la traite, mettre toute la côte, où elle se faisait encore, sous la même surveillance, réunit, en 1821, les établissements de la Côte d’Or au gouvernement de Sierra- Leone. Depuis cette époque, le gouverneur, sir Charles Maccarthy, séjournait alternativement dans les deux parties de son gouvernement, séparées par une distance de deux cents milles, veillant partout au maintien de l’abolition de la traite et à la prospérité de la colonie nouvelle, formée à Sierra-Léone, des nègres délivrés, dont on portait déjà le nombre à dix-sept mille, tous devenus chrétiens, cultivateurs et mariés. Dès son premier voyage au cap Coast, il était parvenu à gagner l’amitié de plusieurs tribus de Fantées, qui se mirent ouvertement sous sa protection, par la confiance que leur avait inspirée la supériorité des troupes anglaises sur celles des Ashantées. » Cependant ces derniers se préparaient à la guerre ; ils l’ouvrirent en mettant à mort un sergent anglais, malgré les réclamations de sir Charles Maccarthy. Dans les premières rencontres, les Anglais battirent les troupes de Quamina ; des propositions de paix lui furent faites, mais inutilement. Le roi des Ashantées, avouant hautement le meurtre du sergent anglais, que d’abord il avait rejeté sur les tribus voisines, fit dire à sir Charles Maccarthy que sa chevelure servirait bientôt de panache au grand tambour de guerre des Ashantées. Le gouverneur ne fit que rire de cette menace, et les deux parus se séparèrent pour rassembler des troupes nouvelles. Dans le cours de 1823, les Fantées, dirigés par des officiers anglais, formèrent deux camps, chacun d’environ dix mille hommes. Un détachement de troupes régulières arriva d’Angleterre au cap Coast, et peu de jours après sir Charles Maccarthy lui-même y débarqua. « Les Fantées, qui s’étaient imaginé que le grand gouverneur allait revenir avec une flotte chargée d’artillerie et de soldats blancs, ne purent dissimuler leur désappointement, et se moquèrent de le voir débarquer d’un petit canot avec deux ou trois officiers, sept fusils et un pistolet ! Mais la confiance des habitants du cap Coast n’en fut point ébranlée. On était en possession de tout le territoire à cinquante milles à la ronde ; les Ashantées n’osaient plus se montrer, disait-on : on allait marcher sur Coomassie, où déjà le tyran, saisi d’effroi, immolait tous les jours dix jeunes vierges à son Fétiche pour le salut de son empire, et sir Charles Maccarthy, se laissant entraîner à ces illusions, résolut de faire l’expédition qu’on lui représentait comme si facile.

Les forces dont il pouvait disposer au commencement de 1824 ne s’élevaient pas au-delà de neuf cents hommes de troupes européennes, ou du régiment d’Afrique ; il avait quinze à vingt mille Fantées mal armés, indisciplinés et déjà découragés. Sir Maccarthy en laissa une partie pour garder le cap Coast, et se mit en marche avec le reste dans la direction de Coomassie, capitale des Ashantées, éloignée du cap Coast d’environ cent quatre-vingts milles. »

Après quelques jours de marche, sir Charles Maccarthy, qui avait commis la faute de détacher deux colonnes de son corps d’armée, et qui n’avait plus sous ses ordres que quinze mille hommes environ, rencontra tout-à-coup les Ashantées qui s’avançaient en bon ordre, et qui se préparaient à traverser la rivière de Boosom-Pra, large de vingt à trente pieds. « II s’engagea des deux côtés un feu bien nourri ; mais les munitions venant à manquer aux Anglais, et les Fantées épouvantés s’ébranlant déjà, sir Charles ordonna la retraite. Les Anglais, forcés de céder le passage de la rivière, faisaient leur retraite en bon ordre, lorsqu’ils furent attaqués par un corps de deux mille hommes envoyé sur leurs derrières ; alors les Fantées se dispersèrent ; les Anglais, entourés, enfoncés de toutes parts, se défendirent à la baïonnette en désespérés, et succombèrent presque tous. A peine s’en sauva-t-il quelques-uns pour porter au cap Coast la nouvelle de leur défaite et de la mort du malheureux sir Charles Maccarthy, qui fut tué dans la mêlée, et sur qui le féroce Tootoo-Quamina a en effet réalisé sa menace. »

Après cette victoire, les Ashantées se précipitèrent sur le territoire de la tribu vaincue, où ils portèrent le fer et la flamme. Il se passa six mois, avant que les Anglais pussent se relever, de leur défaite, et venger la mort de leur infortuné gouverneur. (voy. 11 Juillet 1824.)

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