LA FRANCE PITTORESQUE
Ultrogothe
(née en 497, morte après 561)
(Épouse Childebert Ier (alors roi de Paris) en 522)
Publié le mercredi 13 octobre 2010, par Redaction
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A la suite de plusieurs crimes, Childebert et Clotaire demeurèrent les seuls maîtres du royaume des Francs. Childebert avait épousé une femme d’une piété remarquable, Ultrogothe, dont le nom lui-même signifie Secours de Dieu, fille de Widéric, prince Ostrogoth.

Grégoire de Tours a loué cette reine qui fonda avec son mari l’église de Saint-Germain-l’Auxerrois et un hospice à Lyon. Fortunat, évêque de Poitiers vivant au VIe siècle et l’un des meilleurs poètes de ces temps encore empreints de barbarie, parle dans ses écrits d’un jardin planté par Childebert et qui aurait été donné en douaire à Ultrogothe, qui en fit ses délices. Ultrogothe ne prit aucune part aux déplorables événements qui agitèrent toute la période du règne de son mari qui, lui, semble s’être cru obligé de répondre à la signification de son nom : Brillant dans le combat.

La vie d’Ultrogothe fut paisible et s’écoula dans les occupations des reines épouses des Mérovingiens : manier la quenouille, faire aux leudes les honneurs du palais, leur faire présenter la coupe d’hydromel, suivre la chasse à cheval dans les forêts, tels étaient leurs plaisirs. Mais une curieuse légende relative à sa mort nous la montre usant de magie face à saint Samson.

Issu de parents distingués de la Grande-Bretagne, saint Samson naquit, selon quelques-uns au pays de Galles vers 480, selon d’autres près de Vannes et de parents illustres et riches en 495. Il se réfugia dans le royaume des Francs lors de l’invasion des Anglo-Saxons, s’acquit l’amitié du roi Childebert Ier et fut promu, sur sa recommandation, à l’évêché de Dol en Bretagne, province alors gouvernée par un roi nommé Jonas. Ce trône fut usurpé peu de temps après par Canao, comte de Nantes, qui tua Jonas et prit la place du fils du défunt, Judual, héritier légitime.

Ultrogothe

Ultrogothe

Judal se réfugia à la cour de Childebert, et lui demanda son appui : saint Samson vint à son tour, vers 554, solliciter le roi de Paris de renvoyer ce jeune prince en Bretagne en lui confiant une armée ; mais la vue de l’illustre exilé avait inspiré un tout autre intérêt à la reine Ultrogothe. Désespérée du départ prochain que le pieux évêque sollicitait si vivement, elle ne trouva pas de meilleur moyen, pour rompre cette négociation, que de chercher à se débarrasser du négociateur.

Elle lui fit présenter du poison à la table même du roi. Samson, avant de prendre la coupe, l’ayant bénie d’un signe de croix, le vase se rompit en morceaux, le poison fut répandu, et la main de l’officier qui le présentait se trouva à l’instant couverte d’ulcères ; mais le saint eut la bonté de la guérir par un signe de croix. Dans son Histoire de Bretagne parue en 1826, Daru rapporte qu’Ultrogothe, qui était dit-on une grande magicienne, « ne se tint pas pour battue ; elle fit apparaître un lion énorme qui vint barrer le passage au voyageur, mais qui s’écarta avec respect dès que le saint eut prononcé le nom de Notre Seigneur ».

Tous ces miracles, « signes évidens » de la sainteté de l’évêque breton, charmaient le roi sans lui donner le moindre soupçon sur l’infidélité de la reine. Il déclara au bon évêque qu’il allait faire partir Judual avec les forces nécessaires pour reconquérir ses états, ne demandant à Samson qu’une grâce, celle de dire une messe avant son départ afin que toute la cour pût y assister. La reine ne sut pas dissimuler son dépit, tournant le dos à l’autel pendant le sacrifice.

Mais au moment où le prêtre prononça l’agnus Dei, elle sentit ses yeux se gonfler, crever, sortir de sa tête ; le sang jaillit à longs flots, et elle expira avant que la messe fût achevée. Ajoutons que saint Samson ne voulut plus retourner à son diocèse, poursuivi, affirme-t-on, par de violents chagrins, et que le roi lui fit alors présent du territoire qui avoisine l’embouchure de la Risle, entre Brionne et Pont-Audemer, en Normandie. C’est là qu’il vint bâtir le monastère de Pentalle (aujourd’hui détruit) ainsi qu’une église, qui par la suite porta son nom et lui fut consacrée. Plusieurs familles s’établirent insensiblement non loin de ce sanctuaire, formant peu à peu le village de Saint-Samson.

On sait pourtant qu’Ultrogothe était toujours vivante à la mort de Childebert (558), et qu’elle fut au demeurant exilée par Clotaire pour éviter toute prétention de sa part, la loi salique n’interdisant pas formellement aux femmes d’hériter du royaume. Caribert la rappela à Paris une fois roi (561), et la laissa jouir des domaines que son mari lui avait laissés. Elle fut inhumée, après 561, à l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés qu’on nommait alors Saint-Vincent, avec ses deux filles Chrotberge et Chrotswinde (ou Chrodesinde), Childebert et son épouse n’ayant pas eu d’enfant du sexe masculin.

La statue de la reine Ultrogothe et celle de son époux, sculptées au portail de Saint-Germain dès le siècle suivant, sont un témoignage de la part qu’ils ont prise à l’érection de cet antique édifice. Le portrait de cette reine a été placé auprès du tombeau de Childebert ; il paraît qu’elle fut l’unique épouse de ce roi. Les dons qu’il lui fit, le soin qu’on a eu de la rappeler toujours dans le souvenir des dotations pieuses du roi, semblent être des indices de l’affection qu’il lui porta.

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