LA FRANCE PITTORESQUE
Lothaire II
(né vers 825, mort le 8 août 869)
(Roi de Lotharingie : règne 855-869)
Publié le lundi 11 octobre 2010, par Redaction
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Roi de Lorraine, il était le second fils de l’empereur Lothaire Ier. Son père convoqua ses grands vassaux, l’an 855, et, en leur présence, partagea ses États à ses enfants : c’était alors le seul moyen d’éviter les troubles qui éclataient au moment de la vacance du trône. Louis, l’aîné, eut l’Allemagne et l’Italie, avec le titre d’empereur (Louis II le Jeune), et Charles, le cadet, le royaume de Provence ; quant à Lothaire, il obtint tout le pays situé entre le Rhin et la Meuse, qui prit de son nom celui de Lotharingia, dont la langue française a fait Lorraine.

Lothaire, après avoir reçu le serment de fidélité de ses nouveaux sujets, alla voir, à Francfort, son oncle Louis de Germanie, dont il désirait se faire un appui : il épousa, en 856, Theutberge, fille de Théodebert, l’un des descendants de Childebrand, frère de Charles Martel, et il se rendit ensuite à Orbe, ville de la Bourgogne transjurane, pour régler avec ses frères quelque contestation qui s’était déjà élevée entre eux. Il se réunit ensuite à Louis pour dépouiller Charles de ses États et l’obliger d’entrer dans un couvent ; mais ce jeune prince s’échappe de leurs mains, et retourne en Provence.

Lothaire se ligue avec Louis de Germanie pour faire la guerre à leurs voisins ; puis, mécontent de la part qu’il devait avoir dans les dépouilles, il renonce à cette alliance, et va offrir ses services à Charles le Chauve contre les Normands. Tandis qu’ils étaient occupés au siège de l’île d’Oissel (858), Louis de Germanie pénètre dans l’Alsace, s’avance en vainqueur jusqu’à Sens, et convoque un concile à Attigny pour faire déposer Charles le Chauve, roi de Francie occidentale.

Lothaire II (855-869)

Lothaire II (855-869)

Lothaire se hâte de faire la paix avec Louis, et de retourner dans ses États ; mais dès que Charles eut recouvré son royaume, il s’allia de nouveau avec lui contre Louis de Germanie, leur ennemi commun. Un an après son mariage, Lothaire avait chassé de sa cour Theutberge ; et il vivait publiquement avec Valdrade, sœur de Gonthier, archevêque de Cologne. Les parents de Theutberge lui représentèrent l’injustice et le scandale de sa conduite ; et, pour les apaiser, il consentit à recevoir Theutberge dans son palais.

Mais, résolu de l’éloigner irrévocablement, il suscita un délateur, qui affirma par serment qu’avant son mariage la reine avait eu des habitudes criminelles avec son frère le duc Humbert. Theutberge offrit de se justifier par l’épreuve de l’eau bouillante, et présenta un champion qui entra pour elle dans une cuve remplie d’eau, dont il sortit sans avoir éprouvé le moindre mal. La princesse fut aussitôt reconduite en triomphe dans son palais et rétablie dans tous ses honneurs.

Craignant néanmoins que Lothaire ne finît par attenter à sa vie, elle se détermina depuis à s’avouer coupable du crime qu’on lui imputait. Elle renouvela cet aveu au concile d’Aix-la-Chapelle, en 860, et y fut condamnée à une pénitence publique ; mais elle s’enfuit en France, où son frère avait déjà trouvé un asile. Deux conciles confirmèrent successivement la décision de celui d’Aix, et autorisèrent Lothaire à se remarier : il se hâta d’en donner connaissance au pape ; et, sans attendre sa réponse, il épousa Valdrade en 862. Craignant que Charles le Chauve ne prît la défense de Theutberge, il renouvelle ses anciens traités avec Louis de Germanie et lui cède l’Alsace, sous la seule condition qu’il serait aidé par lui dans toutes les guerres qu’il aurait à soutenir.

Cependant, le pape Nicolas Ier, instruit du divorce de Lothaire, indique un nouveau concile à Metz pour examiner cette affaire. Les légats envoyés pour le présider se laissent séduire, et l’assemblée confirme toutes les décisions prises dans les précédentes. Le pape, de plus en plus persuadé de l’innocence de Theutberge, et secrètement excité par des émissaires de Charles le Chauve, qui voulait profiter de cette dissension pour dépouiller son neveu, assemble à Rome un concile, qui casse les actes de celui de Metz et excommunie tous les évêques qui ont pris part à leur rédaction.

Lothaire, abandonné des évêques de son royaume, écrit au pape pour justifier sa conduite ; mais le pape lui répond qu’il a donné au monde entier, par son divorce, un scandale qu’il doit réparer en reprenant son épouse, et le menace de l’excommunication s’il n’obéit. La crainte d’un châtiment dont les effets étaient alors terribles détermine Lothaire à se soumettre : il va au-devant de Theutberge, à Gondreville (864), et jure, en présence du légat et de toute la cour, de la recevoir pour épouse et de la traiter comme telle.

Mais, dès que le légat est parti, il fait revenir Valdrade, qu’il avait éloignée par bienséance, et relègue Theutberge dans un coin de son palais. La reine s’échappe et retourne à la cour de France. En 867, Lothaire conduit en Italie une armée au secours de l’empereur Louis, son frère, attaqué par les Sarrasins. Il avait le projet d’aller à Rome, se flattant de vaincre l’inflexibilité du pape et de le faire consentir à son divorce : mais Nicolas Ier étant mort (décembre 867) il se contenta d’écrire une lettre de soumission à son successeur, Adrien II, et se hâta de revenir dans ses États, où sa présence était nécessaire.

Ayant pris toutes les mesures propres à assurer la tranquillité de son royaume pendant son absence, il repassa en Italie, en 868, eut une entrevue à Rome avec le pape Adrien, lui fit des présents considérables, et en reçut de grands témoignages d’amitié. Avant de l’admettre à la communion, le pape lui fit jurer sur l’hostie, ainsi qu’aux seigneurs de sa suite, qu’il avait suivi exactement les ordres de son prédécesseur, et que sa rupture avec Valdrade était sincère et sans retour.

Le serment sur l’eucharistie était alors au nombre des épreuves ou jugements de Dieu, en vertu des paroles de saint Paul, que celui qui reçoit indignement le corps et le sang de Jésus-Christ mange et boit son jugement. On croyait en conséquence que quiconque osait ainsi se parjurer mourrait infailliblement dans l’année.

Lothaire et ses Français, surpris, effrayés, mais trop avancés pour pouvoir reculer, prononcèrent en tremblant le serment redoutable ; et le roi reçut du pontife une palme qui représentait la réussite de toutes ses entreprises, une férule indiquant le pouvoir de chasser les évêques qui s’opposeraient à ses desseins, et enfin une lionne qui représentait Valdrade. Mais, en quittant Rome, il fut attaqué d’une fièvre violente, et, s’étant fait transporter à Plaisance, il y mourut le 8 août 869. On ne manqua pas, d’après les préjugés du temps, d’attribuer cette mort à son parjure. La reine Theutberge se retira au monastère de Sainte-Glossinde de Metz, dont elle était abbesse et où elle est enterrée.

Lothaire avait de Valdrade deux filles et un fils, nommé Hugues, auquel il donna le duché d’Alsace, qu’il avait racheté ; mais ce jeune prince ne put pas en prendre possession. Le règne de Lothaire II forme une époque remarquable dans notre histoire. La malheureuse passion qu’il ne put vaincre, et à laquelle il fit sans hésiter les plus grands sacrifices, contribua beaucoup à accélérer la ruine de la seconde dynastie. Il abaissa son autorité devant celle du clergé ; et à cette erreur, qui était celle de son temps, et qui fut aussi celle de ses frères et de ses oncles, il ajouta le tort de faire à ces derniers des concessions non moins funestes.

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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