LA FRANCE PITTORESQUE
20 Janvier 1565 : mort de Jacques Lainez, second général de l’ordre des Jésuites
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Publié le samedi 21 novembre 2009, par LA RÉDACTION
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S’il était permis de considérer Ignace Loyola comme le Romulus de l’ordre des jésuites, Jacques Lainez en serait le Numa. C’est à ce dernier qu’on attribue le plan et la rédaction de ces constitutions fameuses qui ont porté si loin et si haut l’empire de la Société de Jésus. On prétend que Jacques Lainez n’avait point d’ambition personnelle, parce qu’il refusa la pourpre de cardinal, et l’on oublie que dans le même temps il organisait le despotisme le plus compacte et le plus absolu que jamais société humaine puisse admettre, et dont, après la mort de Loyola, la survivance ne pouvait lui échapper.

Pour sentir combien l’œuvre de Lainez est incompatible avec nos institutions modernes, il suffit de connaître sa pensée primitive et pour ainsi dire unique ; elle est tout entière dans cette proposition qu’il soutenait au concile de Trente. Suivant lui, « la hiérarchie est renfermée dans la personne du pape ; les évêques n’ont de juridiction et de pouvoir qu’autant qu’ils le tiennent de lui ; Jésus-Christ n’a donné sa mission qu’à saint Pierre, de qui les autres apôtres ont reçu la leur : le tribunal du pape sur la terre est le même que celui de Jésus-Christ dans le ciel, a la même étendue, etc. » Comme on le voit, cette proposition renferme un résumé complet des maximes de l’ultramontanisme.

Parvenu au généralat, la première démarche de Lainez tendit à faire déclarer ce pouvoir perpétuel, et Paul IV s’y prêta, bien qu’il en entrevît le danger. La seconde eut pour objet de faire accorder au général, 1° le droit de passer toute sorte de contrats sans délibération commune ; 2° de donner l’autorité et l’authenticité aux commentaires et aux déclarations sur les constitutions ; 3° le pouvoir d’en faire de nouvelles, de changer et d’interpréter les anciennes ; 4° celui d’avoir des prisons. Dans toutes ces prétentions, que le succès couronna, on n’aperçoit nullement une âme dégagée d’ambition temporelle.

Jacques Lainez avait reçu le jour en 1512 dans un village de Castille. La renommée d’Ignace Loyola l’entraîna vers cet homme singulier, qui s’était réfugié à Paris ; tous deux ils devaient porter l’Evangile en Turquie ; mais des circontances s’étant opposées à leur départ, ils s’occupèrent du plan de leur institution, qui fut approuvée en 1540. En 1558, Lainez succéda à Loyola (voy. 28 JuilIet) ; trois fois Lainez parut au concile de Trente comme avocat du saint Siège. En 1561, le légat du pape l’amena au colloque de Poissy (voy. 9 Septembre ), dans lequel, ne sachant pas un mot de français, il disputa en italien. Il osa dire à la reine Catherine de Médicis qu’il ne lui appartenait pas de convoquer de pareilles assemblées, et qu’elle usurpait le droit du souverain pontife. A propos de l’Eucharistie, il dit que Dieu était à la place du pain et du vin, comme un roi qui se fait lui-même son ambassadeur.

Quoique son audace eût révolté et que sa puérilité eût fait rire, les talents de Lainez se déployèrent avec tant d’avantage, qu’après le colloque il obtint facilement l’introduction de sa société en France. Lainez mourut à Rome, âgé seulement de cinquante-trois ans, mais épuisé de travaux et de fatigues.

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