LA FRANCE PITTORESQUE
1er janvier 1818 : indépendance du Chili
()
Publié le mercredi 11 novembre 2009, par LA RÉDACTION
Imprimer cet article

Ce peuple fut le premier devant lequel, au XVIe siècle, la conquête espagnole s’arrêta. Avant de résister aux armes de Pizarre, il avait repoussé les entreprises d’un empire voisin, que sa civilisation naissante élevait au-dessus des autres nations du Nouveau-Monde. C’est à peine si les Péruviens purent lui enlever quelques provinces. Plus tard son courage, ses longs efforts, son héroïque résistance au joug étranger furent attestés par un poème célèbre : Alonzo d’Ercilla, l’Homère de l’Espagne, combattit et chanta sur les rochers même de l’Arauco, dont la chaîne immense, qui s’élève au sud de cette contrée, servit de théâtre à une guerre sanglante et de dernier asile à la liberté.

Une singularité remarquable, c’est que cette même peuplade d’Araucans, immortalisée par les vers du poète, et si passionnée alors pour la liberté, a récemment combattu contre elle. Séparée de ses compatriotes et guidée par un chef extraordinaire, le farouche Bénavidès, on l’a vue servir d’auxiliaire aux Espagnols dans les combats où s’agitait la grande question de l’indépendance générale. (voy. 23 septembre 1823.)

C’est en 1810 qu’éclata la révolution du Nouveau-Monde (voyez 10 Septembre). Les abus du régime colonial se faisaient sentir au Chili plus durement que partout ailleurs. Le commerce, l’agriculture, l’industrie appelaient des réformes qui ne s’exécutèrent pas sans trouble, ni sans orage. Un congrès fut établi, puis dissous au gré de trois ambitieux, les frères Carrera, dont l’influence demeura toute puissante jusqu’à l’apparition du colonel O Higgins, auquel on déféra le commandement de l’armée.

Alors deux partis se formèrent, celui des Carreras et celui des Llarraius ayant O Higgins à leur tête. Le premier commit de grandes fautes et montra peu de talens : dans un moment où il avait ressaisi le pouvoir, les indépendants furent complètement défaits le 2 octobre 1814, à la bataille de Racanga, et obligés de s’enfuir jusqu’aux Andes.

C’en était fait de la liberté, si Buenos Aires n’eût envoyé le général Saint-Martin au secours des Chiliens vaincus. La victoire de Chacabuco (12 février 1816) changea rapidement la face des affaires. A ce beau fait d’armes commence la seconde époque de la révolution du Chili. Le parti Carrera fut abattu ; on offrit le pouvoir suprême au général Saint-Martin ; mais il le refusa, en désignant le colonel 0 Higgins comme digne de le recevoir à sa place.

Le premier jour de l’année suivante le Chili déclara son indépendance. Cette déclaration avait besoin d’être appuyée par des victoires ; elle le fut aussi (voy. 29 Mars, Bataille de Talca ; 5 Avril, Bataille de Maïpo). Depuis cette époque, des guerres et des factions ont troublé la tranquillité dont le Chili semblait destiné à jouir. La dictature a changé de mains : le général Freyre a renversé O’Higgins (22 février), et lui-même a deux fois renoncé au pouvoir (20 mai). Tous ces événemens seront traités à leur date. Le Chili, par sa position géographique, par la fertilité de son sol, par la richesse de ses mines, est digne de fixer l’attention de l’Amérique et de l’Europe : malheureusement il se passera encore bien des années avant qu’il sorte de l’état d’abrutissement où l’entretenait la domination espagnole.

Sur une population d’environ douze cent mille âmes, on compte plus de dix mille moines ou religieuses. Le clergé possède un tiers des propriétés du pays. Outre cela, il perçoit la dîme et les annates ou premiers fruits, ce qui rapporte à chaque curé deux ou trois cents dollars par an. L’agriculture et les arts mécaniques sont encore dans l’enfance.

Ce n’est qu’au commencement de la révolution, et sous la faction des Carreras, que l’imprimerie fut introduite au Chili. Avant cette époque, aucun livre ne pouvait y pénétrer, sans avoir été approuvé par l’Inquisition d’Espagne ou de Lima.

Dès l’année 1818 il s’imprimait à Santiago quatre journaux hebdomadaires : il n’y en avait pas d’autres dans tout le Chili, et le gouvernement faisait les premiers frais de l’impression. (Rapport de M. Bland, l’un des commissaires envoyés par les Etats- Unis.) D’après ces données, il est facile d’entrevoir ce que l’on peut espérer ou craindre pour la prospérité future du Chili. - Edouard Monnais.

Copyright © LA FRANCE PITTORESQUE
Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

Imprimer cet article

LA FRANCE PITTORESQUE