LA FRANCE PITTORESQUE
Révolte des Croquants
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Publié le mercredi 14 avril 2010, par Redaction
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Henri IV venait à peine de recevoir la soumission de Paris, le 21 mars 1594, quand « il advint, dit Palma Cayet dans sa Chronologie novenaire, un grand remuement vers le pays de Limosin, Périgord, Agenais, Quercy et pays circonvoisins, par un soulèvement général qui s’y fit d’un grand nombre de peuple prenant pour prétexte qu’ils étaient trop chargés de taille et pillés par la noblesse. Du commencement, on appela ce peuple mutiné les tard-avisés, parce que l’on disoit qu’ils s’avisoient trop tard de prendre les armes, vu que chacun n’aspiroit plus qu’à la paix ; et ce peuple appeloit la noblesse croquants, disant qu’ils ne demandoient qu’à croquer le peuple. Mais la noblesse tourna ce sobriquet croquant sur ce peuple mutiné, à qui le nom de croquants demeura. »

On donne ordinairement au mot croquant une autre étymologie ; on le fait dériver de la petite ville de Crocq (Creuse), qui fut, dit-on, le berceau de l’insurrection, mais dont néanmoins il n’est pas une seule fois question dans la relation fort détaillée de Cayet. La révolte gagna bientôt les provinces voisines ; et les insurgés, bien qu’ils eussent été battus plusieurs fois, cherchèrent à former une confédération. On a retrouvé une circulaire adressée par eux aux officiers commandant les châtellenies des provinces nommées plus haut. Dans cette circulaire, il est enjoint à ces derniers de s’armer et de se tenir prêts à se joindre aux insurgés lors de leur passage ; autrement, y est-il dit, vous nous aurez sur les bras dans trois jours, après la réception de ces présentes, pour y être contraints par la rigueur des armes.

La noblesse comprit vite de quel péril elle était menacée. Malgré les dissensions qui la divisaient alors, elle forma à son tour une ligue à laquelle furent tenus d’adhérer tous les gentilshommes du pays. La convention qu’ils signèrent à ce sujet renferme des passages curieux : « Attendu que les peuples ont voulu renverser la monarchie, et établir une démocratie à l’exemple des Suisses ; qu’ils ont conspiré contre nos vies, et se sont voulu ôter de la subjection en laquelle Dieu les a ordonnés, etc. »

Les croquants ne furent soumis qu’au bout de deux ans. Ils se révoltèrent de nouveau en 1637, et prirent un gentilhomme nommé La Motte-la-Forêt, qu’ils forcèrent de se mettre à leur tête, en le menaçant, s’il refusait, de le tuer, lui, sa femme et ses enfants. Le cardinal de La Valette accourut bien vite, et, grâce à la trahison de leur général, reprit sur eux les villes de Sauvetat et de Bergerac, dont ils s’étaient emparés. Une amnistie accordée par le roi acheva de pacifier la contrée.

Pendant tout le dix-septième siècle, comme on peut le voir dans les fables de La Fontaine, le nom de croquant fut synonyme de paysan. Ce même nom avait été donné, sous Henri IV, aux traitants et financiers. On prétend que ce roi dit un jour en mettant dans son chapeau une somme d’argent qu’il venait de gagner à la paume : « Mes croquants ne me la prendront point ».

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