LA FRANCE PITTORESQUE
Journée des Barricades
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Publié le mardi 13 avril 2010, par Redaction
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Deux insurrections populaires portent ce nom dans notre histoire. La première eut lieu le 12 mai 1588. Henri III avait fait entrer, dès la pointe du jour, dans Paris quatre mille Suisses, qu’il avait fait venir de Lagny, pour les loger au faubourg Saint-Denis. Ils avaient été distribués, avec les gardes françaises et les gardes de la ville, dans divers quartiers. Le parti de la Ligue, voyant ces dispositions, se rassembla, tendit les chaînes de chaque rue, les fortifia avec des tonneaux pleins de terre, et forma ainsi des barricades, dont la première fut établie sur la place Maubert.

Les gardes de la ville se joignirent aux ligueurs. Un Suisse tira un coup de mousquet ; le combat s’engagea. Henri III, effrayé, envoya auprès du duc de Guise, pour le prier d’arrêter le mouvement populaire, et de calmer le conseil des Seize, qui dirigeait la Ligue ; mais il n’était plus temps. Le lendemain, 13 mai, après avoir tenu conseil, le roi se sauva des Tuileries, où il ne rentra plus.

La seconde Journée des Barricades de notre histoire éclata au mois d’août 1648. Anne d’Autriche, régente pendant la minorité de Louis XIV, et son ministre Mazarin, irrités de la résistance qu’ils trouvaient dans le parlement, firent arrêter le conseiller Broussel et deux autres magistrats. Cette nouvelle, répandue à Paris, y causa une extrême agitation. « Le mouvement, dit le cardinal de Retz dans ses Mémoires, fut comme un incendie subit et violent qui se prit du Pont-Neuf à toute la ville. Tout le monde, sans exception, prit les armes. L’on voyoit les enfants de cinq et six ans avec les poignards à la main ; on voyoit les mères qui les leur apportoient elles-mêmes. Il y eut dans Paris plus de douze cents barricades en moins de deux heures, bordées de drapeaux et de toutes les armes que la ligue avoit laissées entières.

« Je vis entre autres une lance traînée plutôt que portée par un petit garçon de huit ou dix ans, qui étoit assurément de l’ancienne guerre des Anglois. Mais j’y vis encore quelque chose de plus curieux. M. de Brissac me fit remarquer un hausse-cou de vermeil doré, sur lequel la figure du jacobin qui tua Henri III étoit gravée avec cette inscription : Saint Jacques Clément. Je fis une réprimande à l’officier qui le portoit, et je fis rompre le hausse-cou à coups de marteau publiquement sur l’enclume d’un maréchal. Tout le monde cria : Vive le roi ! mais l’écho répondit : Point de Mazarin ! »

Le tumulte dura deux jours. La reine, furieuse, fut forcée de relâcher Broussel, et à peine fut-il délivré que les barricades disparurent et que tout rentra dans l’ordre. De nombreuses pièces de vers furent faites à cette occasion ; nous donnons ici une chanson, Alleluya sur les barricades :

Ce fut une estrange rumeur,
Lorsque paris tout en fureur,
S’émeust et se barricada.
Alleluya !

Sur les deux heures après dîné,
Dans la rue Saint-Honoré,
Toutes les vitres on cassa.
Alleluya !

Le maréchal de L’Hospital
(François de L’Hospital, comte de Rosnay)
Fut sur le Pont-Neuf à cheval,
Afin de mettre le holà.
Alleluya !

Un tas de coquins en émoi
Lui fit crier : Vive le roy !
Tant de fois qu’il s’en enrhuma
Alleluya !

Aussitôt le grand-maître y vint
(le duc de La Meilleuraye),
Suivi de braves plus de vingt,
Montés chacun sur un dada.
Alleluya !

Mais pour faire trop l’arrogant,
Et n’estre pas si complaisant,
Bien lui prit qu’il s’en retourna
Alleluya !

......

On vit monsieur le cardinal,
De rage que tout alloit mal,
Ronger les glands de son rabat.
Alleluya !

On entendit toute la nuit
Par la ville un étrange bruit
De courtauts disant : Qui va là ?
Alleluya !

Chastillon se trouva surpris,
Lorsqu’en arrivant à Paris,
Un corps de garde l’arresta.
Alleluya !

Il leur dit, chapeau bas, ainsi :
Vive le roi, Broussel aussi,
Et tel autre qu’il vous plaira !
Alleluya !

Si les bourgeois eussent voulu,
Le cardinal estoit pendu ;
Mais son bonnet on respecta
Alleluya !

Or, prions tous notre Seigneur
Pour cet illustre sénateur (Broussel),
Dont à jamais on parlera.
Alleluya !

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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