LA FRANCE PITTORESQUE
11 février 641 : mort d’Héraclius,
empereur d’Orient
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Publié le vendredi 19 mars 2010, par LA RÉDACTION
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Héraclius, fils d’un gouverneur d’Afrique, naquit vers l’an 575, et pour la première fois, en 610, figura sur la scène de l’histoire. A. cette époque, Phocas occupait le trône impérial, où il était monté en massacrant l’empereur Maurice et ses cinq enfants. Les excès de sa tyrannie, ses débauches, ses actes de cruauté rendaient son joug Insupportable. Dans cette extrémité, le sénat de Constantinople écrivit au gouverneur d’Afrique et le pria de lui envoyer des forces suffisantes pour délivrer l’empire de ce tyran. Ce gouverneur arma une flotte et en confia le commandement à son fils Héraclius ; cette flotte débarqua le 4 octobre 610 à Constantinople.

Alors Phocas, sans amis, sans soutien, saisi d’effroi, se réfugia dans une église : on ne respecta point cet asile sacré, et on l’y arrêta pour le mener au supplice. Sa main droite fut coupée, sa tête tranchée, et son corps brûlé au marché aux Bœufs. Avant sa mort, Honorius lui adressa ce reproche : Etait-ce donc pour faire tant de maux au peuple que tu as usurpé l’empire ? Phocas lui répondit : Gouverne-le mieux.

Le 7 octobre 610, trois jours après son débarquement, Héraclius fut proclamé empereur d’Orient et couronné par le patriarche Sergius ; le même jour il épousa Eudoxie, sa fiancée. Après ces cérémonies, le nouvel empereur s’occupa de rétablir l’ordre dans l’administration civile et la discipline dans l’armée. Ces mesures, toujours nécessaires après un règne désastreux, l’étaient surtout par le besoin de repousser les armées de Chosroès II, roi de Perse, qui ravageaient alors les terres de l’Empire. Cette guerre, commencée sous le règne de Phocas, continuait sous Héraclius. Les Perses avaient envahi et pillé Jérusalem, Alexandrie, l’Egypte, la Libye et l’Ethiopie ; ils en emmenèrent un. grand nombre de captifs avec un butin immense. Un de leurs corps d’armée s’était avancé jusqu’à la ville de Chalcédoine. Héraclius s’y rendit, proposa la paix au général ennemi, le combla de présents, l’engagea à se retirer, écrivit même au roi Chosroès dans le même but, en rejetant sur Phocas la cause de la guerre. Ces démarches étant sans succès, Héraclius envoya des ambassadeurs à Chosroès ; celui-ci leur fit cette réponse : Tant que vous ne renoncerez pas au crucifie dont vous faites votre dieu, tant que vous n’adorerez pas le soleil, je ne cesserai de vous combattre. On voit que le fanatisme était la cause ou le prétexte de cette guerre.

Héraclius, forcé de combattre, étant sans finances et sans crédit, eut recours à l’argenterie des églises de Constantinople pour faire de la monnaie. Avec ces secours il parvint à organiser une armée dont il enflamma le zèle religieux par une énergique, allocution et, en l’an 622, il marcha contre les Perses. Après avoir obtenu plusieurs avantages, il leur livra, en 628, une grande bataille en Arménie, et, ayant mis ses ennemis en déroute, il pénétra en Perse, y prit la ville de Gaza, renommée par un temple dédié au feu sacré, et par un palais de Chosroès. Dans le palais,se voyait la figure de ce roi, assise sous un dôme représentant la voûte azurée du ciel, le soleil, la lune et les étoiles ; des anges étaient debout et tenaient en leurs mains plusieurs sceptres : par un mécanisme pratiqué dans ce dôme, on faisait à volonté tomber la pluie et gronder le tonnerre.

Héraclius fit disparaître ces aliments de superstition, ces fraudes pieuses, en détruisant le palais, le temple et la ville tout entière. L’intention était bonne ; mais le moyen portait le caractère de l’aveugle brutalité du fanatisme ; on ne change point, on fortifie les opinions invétérées ; on ne détruit point les superstitions en démolissant des édifices. Mais Héraclius, en condamnant les pratiques superstitieuses de ses ennemis, se montra lui-même très superstitieux ; en voici la preuve. Il crut que son armée, par son séjour à Gaza, avait contracté des souillures ; il la fit purifier pendant trois jours. Pour savoir en quel lieu il devait passer son quartier d’hiver, il eut recours à une pratique païenne, appelée sort virgilien, sort homérique, et que les chrétiens, qui l’avaient adoptée en Orient comme eu Occident, nommèrent sort des saints. Il ouvrit fortuitement le livre des évangiles, et à la première ligne de la première page il reconnut qu’il devait hiverner en Albanie.

Depuis ces premiers succès, Héraclius en obtint toujours de nouveaux sur les armées de Chosroès. Ce roi vers la fin de l’an 627, rassembla tout ce qui lui restait de forces et livra une bataille décisive qui dura onze heures. L’armée des Perses fut mise en pleine déroute. Chosroès se réfugia dans sa capitale, où d’autres malheurs l’attendaient. Il avait exclu du trône son fils aîné, Syroès ; celui-ci profita des désastres de son père, prit lès armes contre lui, le fit prisonnier, monta sur son trône, et conclut avec Héraclius un traité de paix par lequel il consentit à restituer à cet empereur tout ce que son père lui avait enlevé, ainsi que plusieurs objets sacrés dont Chosroès avait dépouillé les églises chrétiennes, notamment la relique connue sous le nom de la vraie croix, et que son père avait ravie à l’église de Jérusalem. On ne doute pas que cette croix restituée par Syroès ne fût la même que celle qui fut-emportée cinq ow six années auparavant par les soldats de Chosroès.

Héraclius, après ces exploits et cette paix, se reposa. Persuadé qu’il n’avait plus rien à craindre des nations barbares qui avoisinaient son empire, il s’endormit dans une fausse sécurité, et se livra à de misérables querelles de théologie. Pendant qu’il s’en occupait, les Sarrasins lui enlevaient une partie de ses états, envahissaient la Syrie, la Palestine et l’Egypte. La controverse qui alors l’occupait entièrement consistait à savoir si Jésus-Christ avait eu deux volontés ou une seule. L’empereur, endoctriné par quelques patriarches, pensait qu’il n’y avait qu’une seule volonté en Jésus-Christ. L’an 638, il donna un édit appelé exthèse, où-il établit sa croyance à ce sujet, et convoqua, dans la même année ou dans la suivante, un concile à Constantinople, dans lequel il fut décidé que deux natures étaient en Jésus-Christ, mais non deux volontés. C’était l’opinion ou l’erreur des monothélites ; cette opinion fut, en 640 ; condamnée par le pape de Rome, Séverin, Héraclius se rétracta et accusa le patriarche Sergius de l’avoir induit en erreur. Son esprit était déjà malade, son corps le devint bientôt.

Cet empereur, attaqué d’hydropisie, mourut le 11 février de l’an 641, après trente ans et quatre mois d’un règne glorieux dans ses commencements et honteux vers sa fin. Il ne savait pas que si un souverain peut s’informer des controverses religieuses qui agitent les esprits, il ne doit jamais s’en mêler.

Cet empereur eut de sa première femme, Flavie Eudoxie, un fils, qui lui succéda sous le nom d’Héraclius Constantin.

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