LA FRANCE PITTORESQUE
7 février 1824 : mort de Gaveaux,
acteur et compositeur
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Publié le vendredi 26 février 2010, par LA RÉDACTION
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Gaveaux naquit, en 1761, dans la ville de Béziers. A sept ans, on le fit enfant de chœur à la maîtrise de l’évêché. Il y passa douze ans ; ses études y furent bonnes. Il se destinait à l’état ecclésiastique, et le chapitre lui promettait un bénéfice. En rappelant à ses amis le temps où il portait la petite calotte rouge, Gaveaux avait coutume de dire : J’étais avec ces bons vivons dont parle Boileau,

… Qui laissaient en leur lieu
A des chantres gagés le soin de louer Dieu.

Gaveaux possédait à un tel degré l’influence secrète du chant, qu’il devint excellent musicien en s’égosillant au lutrin. Sa voix était et resta long-temps charmante ; mais, après avoir retenti sous la nef d’une cathédrale, elle se fit entendre dans des lieux profanes. Gaveaux abandonna les antiennes pour étudier Grétry, et il prit enfin la profession de comédien.

Ses débuts à Bordeaux et autres villes du midi le firent connaître assez avantageusement pour qu’il fût appelé au théâtre de Monsieur, aujourd’hui le théâtre Feydeau. Là il joua les premiers amoureux jusques à la réunion de Favart et Feydeau, et devint enfin sociétaire de l’Opéra-Comique. Acteur dévoué à sa compagnie, il l’enrichit encore par de nombreux ouvrages dont il composa les partitions. Ses chants sont remplis de naturel, de grâce et de mélodie. On traite aujourd’hui ces mêmes chants de petite musique. Soit ; si Gaveaux vivait encore, il se consolerait de ce dédain, puisqu’il verrait traiter Grétry, Monsigny, Dalayrac et même Boyeldieu avec la même irrévérence. Rien, en effet, n’est plus variable que le goût musical. N’a-t-on pas entendu le célèbre chanteur Garai appelé le Barbier de Séville de Paësiello, chef-d’œuvre admirable !... et, deux ans après, soutenir qu’il n’en pouvait plus entendre une note depuis qu’il connaissait celui de M. Rossini ? Quantum mutatus, etc.

Quoi qu’il en soit, Gaveaux obtint beaucoup de succès avec l’Amour filial, le Petit matelot, la Famille indigente, les Deux Ermites, Sophie et Moncars, le Traité nul, le Locataire, le Bouffe et Ie Tailleur, l’Echelle de soie, le Diable couleur de rosé, etc., etc.

Il aimait la lecture : sa bibliothèque était choisie, sa conversation aimable et douce, son cœur excellent. Il faisait du bien à toute sa famille, et elle était considérable. On ne saurait être plus parfaitement honnête homme dans toute l’étendue de ce mot. Il recueillit le prix de ses qualités, en voyant une foule immense accourir à sa représentation de retraite, quoiqu’il fût depuis longtemps acteur presque ignoré, c’est-à-dire jouant les utilités. Mais, toujours content de son rôle, il endossait l’éternel frac vert pomme, à boutonnières dorées, du seigneur de Biaise et Babel, avec autant de zèle qu’il avait eu jadis de plaisir à faire jouer sur sa tête la toque élégante de Roméo.

Une maladie cruelle, et qui dura long-temps, attaqua sa raison à l’âge de cinquante ans environ. Durant des moments lucides, il attribuait ses souffrances au doigt de Dieu, qui le punissait d’avoir déserté les saints concerts. Les esprits forts du siècle verront dans ce scrupule une nouvelle preuve de démence ; les âmes pieuses et d’une foi vive y trouveront un motif charitable d’honorer la mémoire de Gaveaux.

— E. De Planard.

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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