Première représentation d’Esther, tragédie de Racine, au couvent de Saint-Cyr. Racine était à l’apogée de sa célébrité et s’était offert le luxe de prendre Boileau comme metteur en scène et Lulli comme compositeur.
Les représentations furent brillantes à faire pâlir de jalousie de vrais directeurs de théâtre. Dans la salle, entourant le roi et le dauphin, on voyait de nombreux évêques et tous les hautes dignitaires de la Cour. Le succès fut total et les interprètes, autrement dit les jeunes filles de Saint-Cyr, furent grisées. Elles reçurent des billets doux, des rendez-vous. Il y eut même des tentatives d’enlèvement... Effrayée, Madame de Maintenon fit arrêter toutes les représentations et la pièce suivante, Athalie, fut jouée, toutes portes closes, avec comme seul public les pensionnnaires elles-mêmes. A ce propose, Mme de Maintenon écrivait aux Dames de Saint-Cyr :
« il sera toujours dangereux de faire voir à des hommes, des jeunes filles bien faites... N’y souffrez donc aucun homme ni pauvre, ni riche, ni vieux, ni jeune, ni prêtre, ni séculier, je dis même ni saint, s’il y en a sur la terre. »
Les jeunes filles ne devaient se préparer qu’au mariage, institution dont Mme de Maintenon leur faisait cette sombre description : « La plupart des maris reviennent plus d’une fois dans la journée, et ils reviennent en faisant toujours sentir qu’ils sont les maîtres, ils entrent en faisant un bruit désespéré, souvent avec je ne sais combien d’autres hommes, ils vous amènent des chiens qui gâtent tous les meubles, il faut qu’une femme les souffre ; elle n’est pas la maîtresse de fermer une fenêtre, si son mari rentre tard il faut qu’elle l’attende pour se coucher ; il la fait dîner quand il lui plaît, enfin, elle n’est comptée pour rien. »
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