LA FRANCE PITTORESQUE
2 février 1717 : mort du chancelier
Daniel-François Voisin
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Publié le jeudi 18 février 2010, par LA RÉDACTION
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Ce ministre, qui a laissé un souvenir peu honorable, dut sa première élévation à l’amitié que madame de Maintenon avait prise pour sa femme. Parvenu au ministère de la guerre en remplacement de Chamillart, dans un temps de crise et de détresse, il paraît qu’il fit de louables efforts pour réparer l’étrange désordre que son prédécesseur avait jeté dans les approvisionnements de l’armée : c’est au moins le témoignage que lui rend Villars dans ses Mémoires. Du reste, quoique élevé par la faveur, il était maladroit courtisan, et s’attira une vive semonce de Louis XIV, dont il avait blessé l’orgueil. Il avait reçu de Villars cinq plans de campagne ; il s’empresse de les porter au roi, et, s’excusant sur son ignorance, il prie Sa Majesté de vouloir bien choisir en attendant qu’il en sût davantage. Le monarque altier, qui avait déclaré dans sa jeunesse qu’il régnerait seul et par lui-même, accueillit très- mal cette prière. « Apprenez, dit-il, et retenez bien, pour ne l’oublier jamais, que votre devoir est de prendre mes ordres et de les expédier, et le mien d’ordonner de toutes choses, et de décider des plus grandes et des plus petites. »

L’adresse de madame de Maintenon calma le roi, et, par le crédit de sa protectrice, Voysin joignit eu 1714 au ministère de la guerre, la place de chancelier vacante par la retraite de Pontchartrain. Ce ne fut pas seulement le zèle de l’amitié qui porta madame de Maintenon à lui faire conférer cette grande dignité : elle avait besoin d’un ministre docile, pour l’aire présenter au Parlement l’édit qui appelait au trône les princes légitimés à défaut de princes du sang. Elle l’employa encore pour obtenir du roi un testament favorable à ses élèves. Voysin se chargeait de tout, et n’était fidèle en rien. Il écrivit lui-même le testament de Louis XIV, et, quelques jours après, fit offrir au duc d’Orléans de lui en révéler le contenu, si ce prince voulait s’engager à lui conserver les sceaux. Ce scandaleux marché fut conclu par l’entremise du maréchal Villeroi, gouverneur de Louis XV.

A peine Louis XIV avait-il fermé les yeux, que Voysin vint au Parlement (voy. 12 Septembre 1715) faire casse rie testament qu’il avait suggéré à son souverain. Il entra au conseil de régence tout couvert d’infamie. Le Régent le méprisa, mais lui tint parole. Voysin mourut d’apoplexie à l’âge de soixante-deux ans. On assure qu’il avait des vertus privées : il est malheureux pour sa mémoire que la fortune ait fait de lui un homme public.

Tout ce qu’on vient de lire réfute l’anecdote suivante, dont la plupart des dictionnaires lui font honneur. Un jour, à les en croire, ayant appris qu’un scélérat avait obtenu par protection des lettres de grâce, Voysin osa refuser de les sceller. « Je les ai promises, dit Louis XIV ; allez me chercher les sceaux. — Mais, Sire.... — Faites ce que je veux. » Le chancelier apporte les sceaux, et le roi, après les avoir apposés sur les lettres de grâce, les lui remet, « Ils sont pollués, dit Voysin en les repoussant sur la table ; je ne les reprends plus. — Quel homme ! s’écria le roi, et il jette les lettres de grâce au feu. — Je reprends les sceaux, dit alors le chancelier ; le feu purifie tout. »

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