LA FRANCE PITTORESQUE
2 février 1660 : mort de
Gaston (Jean-Baptiste de France),
duc d’Orléans
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Publié le mercredi 17 février 2010, par LA RÉDACTION
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Ce prince, fils de Henri IV, était né le 25 avril 1608. Dans ses premières années, il annonçait des inclinations qui, dit le P. d’AVrigny, lui auraient fait honneur, si elles avaient été mieux cultivées. La jalousie précoce de Louis XIII contre un frère de dix ans lit avorter ces dispositions. Le premier gouverneur de Gaston, de Brèves, honnête homme, avait accoutumé d’attacher des verges à sa ceinture, quoiqu’il s’en servit rarement  : on trouva qu’il s’en servait encore trop. Mandé dans ce qu’on appelait alors le Conseil étroit, il fut loué, remercie’ et renvoyé. On livra le prince à un courtisan, chargé de le faire vieillir dans une longue enfance. Les leçons du comte de Lude réussirent : son élève ne fut jamais un homme.

Le cardinal de Retz a caractérisé Gaston, en l’appelant l’homme du monde qui aimait le plus le commencement des affaires, comme il était l’homme du monde qui, des affaires, en craignait plus la fin  ; et il a en même temps résumé toute la vie politique du prince, en disant ailleurs qu’il entra dans toutes les affaires, parce qu’il n’avait pas la force de résister à ceux qui l’y entraînaient, et qu’il en sortit toujours avec honte, parce qu’il n’avait pas le courage de les soutenir.

Cette vie politique se divise en deux parties bien distinctes, quoique aussi peu glorieuses l’une que l’autre : la première va jusqu’à la mort de Louis XIII, et l’autre jusqu’à l’extinction des troubles de la Fronde. C’est un spectacle tour à tour terrible et comique que de voir ce prince pusillanime et irrésolu aux prises d’abord avec le sanglant despotisme de Richelieu, et ensuite avec l’astucieuse intrigue de Mazavin,

Si la seconde période le fait paraître ridicule, il y gagne ; car la première l’avait rendu odieux. Se mutinant contre Richelieu, comme un écolier dépité, et tremblant bientôt devant ses menaces, il lui livra tous ceux qui s’étaient associés à lui : ses dépositions seules envoyèrent à l’échafaud Cinq-Mars et (tache ineffaçable ! ) le vertueux et innocent de Thou. La peur, disait Chavigny, est un excellent orateur pour persuader à Gaston tout ce qu’on veut de lui. Montrésor confirme dans ses Mémoires cette flétrissure. Gaston, dit-il, n’avait de crainte que pour sa personne. Je ne lui en ai jamais vu pour aucun des tiens, en quelques, périls qu’ils fussent exposés pour lui.

Son grand malheur en politique fut d’être constamment le jouet de quelques favoris intrigants et ambitieux. Puy-Laurens et l’abbé de la Rivière sont, aux yeux de l’histoire, responsables d’une partie de ses fautes, que rendent si graves leurs fatales conséquences pour quelques personnages célèbres et pour la France elle-même. Tous deux furent faits ducs et pairs, et l’abbé eut de plus un chapeau rouge. C’est à lui, selon Brossette, que Boileau fait allusion dans ces vers de la première satire :

Le sort hurlesqne, en ce siècle de fer
D’un pédant, quand il veut, sait faire un duc et pair.

Un jour qu’il louait Gaston devant sa fille, Mademoiselle, en disant que ce prince valait beaucoup : — vous devez le savoir, répondit-elle, car vous l’avez vendu assez de fois.

Dans les premiers temps de la minorité de Louis XIV, Gaston, nommé lieutenant-général du roi mineur, releva sa réputation par quelques succès militaires obtenus contre les Espagnols qui lui avaient donné asile quand il fuyait Richelieu. Mais la Fronde le rejeta dans son ancien avilissement, lorsqu’on le vit, avec une versatilité déplorable, se déclarer tour à tour pour Mazarin, les princes, ou le Parlement, et ne savoir pas même servir avec résolution le parti qu’il avait momentanément embrassé lui-même ; il avait honte de sa gaucherie et de sa timidité. Je n’entends rien, disait-il, à cette guerre de cailloux ; je me sens même poltron pour toutes les occasions de tumulte populaire. Malheureusement il ne se sentait pas plus brave dans des occasions plus importantes.

Il éprouva quelques chagrins dans sa vie privée : le plus grand de tous fut au sujet de son second mariage, qui se rattachait à des considérations politiques. Louis XIII n’avait point d’enfants, et craignait que son frère, s’il donnait des héritiers à la couronne, n’acquît trop de prépondérance : aussi le retint-il longtemps dans un veuvage obligé, dont le motif n’échappait pas à Gaston, qui raillait quelquefois son souverain de la stérilité de la reine. Anne d’Autriche venait de faire une neuvaine pour avoir des enfants (1627). Madame, lui dit Gaston en riant, vous venez de solliciter vos juges contre moi ; je consens que vous gagniez le procès, si le roi a assez de crédit pour cela.

Dans une de ses échappées hors du royaume, il épousa secrètement en secondes noces la princesse Marguerite, sœur du duc de Lorraine. La validité de ce mariage fut long-temps contestée en France, où plutôt ne fut reconnue par Louis XIII qu’à son lit de mort, et avec la clause d’une nouvelle célébration, qui eut lieu douze jours après la mort du roi.

La fille de Gaston, Mademoiselle, née d’un premier lit (voy. 5 Mars 1693 ), eut avec son père de tristes discussions d’intérêt, et ils restèrent longtemps sans se voir. Elle a raconté dans ses Mémoires leur réconciliation d’une manière piquante et qui achèvera de peindre le caractère de Gaston : J’allai droit dans la chambre de Monsieur : il me salua, et me dit qu’il était bien aise de me voir ; je lui répondis que j’étais ravie d’avoir cet honneur : il était embarrassé au dernier point.... S. A. R. ne savait que dire, et sans mes chiens, dont l’un s’appelle Reine et l’autre Souris, toutes deux levrettes, on n’aurait dit mot.

Gaston ne manquait cependant pas d’esprit ; on cite de lui plusieurs reparties vives, qui rappellent les saillies de Henri IV. Apprenant l’arrestation du grand Condé, du prince de Conti et du duc de Longueville, il s’écria : Voilà un beau coup de filet ; on vient de prendre un lion, un singe et un renard.

Paul Duport.

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