LA FRANCE PITTORESQUE
17 Janvier 356 : mort de saint Antoine, instituteur de la vie monastique
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Publié le vendredi 20 novembre 2009, par LA RÉDACTION
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La vie monastique, selon M. de Chateaubriand, remonte aux premiers âges du monde. « Elie, fuyant la corruption d’Israël, se retira le long du Jourdain, où il vécut d’herbes et de racines, avec quelques disciples... De là la vie monastique, par un héritage admirable, descend à travers Elisée, les prophètes, et saint Jean-Baptiste, jusqu’à Jésus-Christ, qui se dérobait souvent au monde pour aller prier sur les montagnes. Bientôt les Thérapeutes, embrassant les perfections de la retraite, offrirent, près du lac Mœris en Egypte, les premiers modèles des monastères chrétiens. Enfin, sous saint Antoine et saint Pacôme, paraissent ces fameux solitaires de la Thébaïde, qui remplirent le Carmel et le Liban de tous les chefs-d’œuvre de la pénitence. »

Sans adopter ni blâmer l’enthousiasme de ces paroles, disons que l’Egyptien Antoine, lié en 251 dans le village de Corne, près d’Héraclée, se trouvant sans famille et possesseur d’une grande fortune à l’âge de 18 ans, suivit à la lettre les paroles que Jésus-Christ adresse au jeune homme de l’Evangile : « Si vous voulez être parfait, allez, vendez tout ce que vous avez, donnez-le aux pauvres ; puis venez, et me suivez, et vous aurez un trésor dans le ciel. »

Antoine n’avait reçu de ses parents d’autres lumières que celles de la foi : c’est aussi par ces seules lumières qu’il faut juger les miracles de sa vie. Si l’on en croit les traditions, l’esprit tentateur vint le troubler dans sa solitude, en se présentant à lui, tantôt sous l’aspect de femmes séduisantes, tantôt sous la forme de spectres hideux, de monstres féroces, et en ébranlant les airs de bruits formidables. Peut-être ne doit-on voir dans ces récits qu’une ingénieuse allégorie : l’esprit tentateur pourrait bien n’être au fond que l’imagination du saint, qui, pour l’arracher de sa retraite, lui aurait offert tour à tour les joies du monde et les horreurs du désert sous des images sensibles : ce qui porte à le croire, c’est qu’après vingt ans de combats et de résistance, l’esprit tentateur disparut, précisément à l’âge où l’imagination se calme et s’éteint.

Quoi qu’il en soit, les disciples se pressèrent bientôt en si grand nombre autour de la cellule d’Antoine, qu’il les rassembla dans un monastère composé de huttes et de cabanes éparses. S’étant enfoncé plus avant dans le désert, on l’y suivit encore, et de nouveaux monastères s’élevèrent au pied de la montagne, dont il habitait le sommet escarpé. A la mort d’Antoine, cette partie de la Thébaïde comptait plus de quinze mille habitants. Saint Athanase, que la persécution contraignit souvent de se réfugier dans ces pieuses colonies, en retrace ainsi le tableau : « Les monastères, comme autant de temples, sont remplis de personnes dont la vie se passe à chanter des psaumes, à lire, à prier, à jeûner, à veiller ; qui mettent toutes leurs espérances dans les biens à venir, sont unies par les liens d’une charité admirable, et travaillent, moins pour leur propre entretien que pour celui des pauvres : c’est comme une vaste région absolument séparée du monde, et dont les heureux habitants n’ont d’autre soin que celui de s’exercer dans la justice et dans la piété. » Antoine conserva, toute sa vie la direction supérieure des établissements fondés par lui. Il en était le chef spirituel et l’oracle.

Deux fois seulement il quitta le désert, et se rendit à Alexandrie ; la première, pendant la persécution de Maximin, pour exhorter les chrétiens à persévérer dans la foi de Nicée, et à mourir avec courage ; la seconde, à la prière de saint Athanase, pour confondre les Ariens. Quant il sentit sa fin approcher, il visita pour la dernière fois tous ses monastères ; puis, rentré dans sa cellule, et n’ayant auprès de lui que ses deux disciples, Macaire et Athamas, qui le servaient depuis quinze ans, il leur recommanda d’ensevelir eux-mêmes ses restes inanimés, pour les soustraire aux superstitions égyptiennes : « Partagez mes habits, ajouta-t-il ; donnez à l’évêque Athanase une de mes peaux de brebis, avec le manteau sur lequel je couche, qu’il m’a donné tout neuf, et ; que j’ai usé ; donnez à l’évêque Sérapion l’autre peau de brebis, et gardez pour vous mon cilice. Adieu mes enfants, Antoine s’en va, et n’est plus avec vous. »

Ainsi mourut Antoine, à l’âge de cent cinq ans, sans avoir jamais senti les infirmités de la vieillesse. « Quoiqu’il ne sût lire, ni écrire, dit l’abbé Fleury, il reste de lui quelques ouvrages qu’il » avait dictés en sa langue égyptienne, et qui furent traduits en grec et du grec en latin. Ces ouvrages consistent en sept lettres apostoliques adressées à divers monastères, et une règle en quarante-huit articles, destinée aux moines de Nacalon. La vie de saint Antoine a été écrite par saint Athanase.

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