LA FRANCE PITTORESQUE
François II
(né le 19 janvier 1544,
mort le 5 décembre 1560)
(Roi de France : règne 1559-1560)
Publié le vendredi 5 février 2010, par LA RÉDACTION
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Fils de Henri II et de Catherine de Médicis, il naquit à Fontainebleau le 19 janvier 1544, sous le règne de François Ier, son aïeul. Il épousa en 1558 Marie Stuart, reine d’Écosse et nièce des Guise, dont le crédit était déjà puissant et l’ambition redoutable. Ce mariage, projeté depuis dix ans, fut célébré avec magnificence ; les ambassadeurs d’Ecosse, au nom des états, déférèrent la couronne à l’époux de leur reine, qui prit le titre de Roi-Dauphin.

François II monta sur le trône le 10 juillet 1559. II était alors dans sa seizième année, et par conséquent, il avait atteint l’âge fixé pour la majorité des rois de France ; mais une santé chancelante, un caractère timide, un esprit lent et peu cultivé, le rendaient peu propre à gouverner le royaume, menacé d’un prochain ébranlement. Le trésor était obéré ; le calvinisme, vainement combattu par les rigueurs du dernier règne, étendait de jour en jour ses conquêtes et comptait parmi la noblesse d’illustres prosélytes.

François II. Gravure extraite du Recueil des effigies des rois de France avec un sommaire des généalogies, faits et gestes d'iceux (1567)

François II. Gravure extraite du Recueil des effigies des rois de France
avec un sommaire des généalogies, faits et gestes d’iceux
(1567)

Aux sectateurs de la nouvelle doctrine, naturellement opposés à la cour, se joignaient des personnages d’un grand nom qui avaient occupé des charges les plus importantes sous François Ier et sous Henri II, et qui supportaient impatiemment la domination des Guise. Les deux aînés de cette famille avaient en main toute la puissance : François duc de Guise régnait sur l’armée, et le cardinal de Lorraine disposait des finances et des affaires de l’Église.

Les princes du sang, Antoine de Bourbon, roi de Navarre, et son frère le prince de Condé, ne voyaient pas sans une profonde jalousie un trône qu’ils regardaient comme leur héritage occupé par d’ambitieux étrangers, sous le nom d’un roi sans force et sans expérience. Catherine de Médicis ne cherchait qu’a entretenir les divisions. La jeune reine, maîtresse du cœur de son époux, était elle-même gouvernée par les Guise ses oncles, et le roi semblait voué à une tutelle éternelle.

Il fut sacré à Reims par le cardinal de Lorraine (21 septembre 1559) : cette solennité fut une nouvelle occasion de triomphe pour les Guise ; ils déterminèrent le roi à céder au duc de Lorraine, leur neveu, la souveraineté du duché de Bar. On murmurait ; on voyait avec scandale le cardinal de Lorraine accumuler les bénéfices et jouir avec faste d’une fortune immense, qu’on supposait être le fruit de ses malversations.

Des écrits anonymes dans lesquels on accusait les Guise d’usurper la puissance royale entretenaient le mécontentement public et irritaient la cour : ces écrits étaient attribués aux protestants, et les persécutions religieuses redoublaient d’activité. Il fut établi dans chaque parlement une chambre ardente, ainsi nommée parce qu’elle condamnait au feu les hérétiques.

Cependant la santé du roi se raffermissait ; il fut délivré d’une fièvre lente qui depuis longtemps le réduisait à un état de langueur. On s’attendait à le voir bientôt saisir les rênes de l’État et s’affranchir de l’ascendant des Guise ; mais cet effort, qui eût exigé toute l’énergie d’une volonté puissante, ne pouvait être tenté par l’indolent François II. Une passion unique consumait le peu de chaleur qu’avait son âme : c’était son amour pour Marie Stuart, la plus belle et la plus aimable princesse de l’Europe. Les exercices de la chasse, quelques voyages dans les maisons royales, occupaient les instants qu’il ne passait point auprès de la jeune reine.

Tout concourait à l’éloigner des affaires et à consolider entre les mains des Guise une autorité qui rappelait trop le règne des maires du palais. On vit le cardinal de Lorraine en abuser avec une insolence brutale. La cour était à Fontainebleau : un grand nombre de gentilshommes et de gens de guerre y venaient de toutes les provinces solliciter des grâces et des récompenses. Pour se délivrer de leur importunité, le cardinal de Lorraine fit dresser une potence aux environs du château et publier à son de trompe un édit du roi par lequel il était enjoint à tous ceux qui se trouvaient à Fontainebleau pour présenter des demandes d’en sortir dans les vingt-quatre heures sous peine d’être pendus.

Une insulte aussi atroce révolta la nation et fut la principale cause de la conjuration d’Amboise. L’histoire laisse douter quels furent les auteurs de cette levée d’armes, prélude des guerres civiles qui ensanglantèrent la France sous les derniers Valois. Une trame dont les fils aboutissaient à presque tous les points du royaume et correspondaient avec l’Angleterre, la Suisse et l’Allemagne, fut ourdie avec le plus grand mystère. La cour recevait des avis alarmants, mais vagues et incertains.

On savait que des assemblées secrètes se tenaient à Vendôme chez le roi de Navarre, et à la Ferté-sous-Jouarre chez le prince de Condé ; mais on était loin de soupçonner l’imminence du péril. La conspiration était près d’éclater lorsqu’elle fut découverte. Un avocat protestant, nommé Avenelle, se fit introduire auprès du cardinal de Lorraine, et l’avertit d’un complot formé pour surprendre la cour qui se trouvait à Blois, ville ouverte et mal gardée.

On voulait surtout s’emparer des Guise ; six cents conjurés étaient en marche ; une partie des provinces devaient prendre les armes le même jour. Quel était le chef de cette entreprise ? Un gentilhomme périgourdin nommé Bari de la Renaudie, qui lui-même avait confié à Avenelle le secret de la conspiration : mais le nom des principaux conjurés, leurs forces, leur nombre, leurs moyens d’exécution, étaient encore autant de mystères. Le cardinal, épouvanté de cette confidence, s’efforçait de ne pas y croire : François II lui demandait conseil et ne voyait dans ses yeux que trouble et qu’irrésolution. Les deux reines étaient tremblantes.

Le seul duc de Guise montrait du calme et de l’intrépidité sa prévoyance, son activité, au défaut de renseignements positifs, lui suggèrent de salutaires mesures. Il conseille ou plutôt il ordonne au roi et aux deux reines de quitter Blois et de se rendre au château d’Amboise, où il sera plus facile de se défendre : il arme tout ce qu’il peut réunir de soldats, de gentilshommes. de domestiques, et se repose du reste sur sa valeur.

La cour attendait l’événement sans savoir de quel côté venait l’orage. On se perdait en conjectures. Les soupçons se portaient principalement sur les Châtillon, qui professaient ouvertement le calvinisme, sur le roi de Navarre et plus encore sur le prince de Condé, dont on connaissait le mécontentement et l’humeur turbulente. L’amiral de Coligny fut mandé : il déclara, en présence de la reine mère et du chancelier Olivier, que la tyrannie des princes lorrains et les violences exercées contre les protestants avaient seules armé les sujets du roi ; qu’il fallait éloigner les Guise et adoucir la rigueur des lois contre les religionnaires.

Le roi fut ébranlé. « Qu’ai-je donc fait à mon peuple, dit-il aux Guise, pour qu’il attente à mes jours ! Je veux entendre ses doléances et y faire droit. J’entends dire partout qu’on n’en veut qu’à vous : ne saurai-je donc pas qui de vous ou de moi est l’objet de la haine publique ? » Le chancelier Olivier proposa des moyens de douceur ; la reine mère se rangea de son avis.

Le roi publia en faveur des calvinistes un édit d’amnistie, dont furent exceptés les prédicants et les auteurs de la conjuration. Cependant la Renaudie marchait sur Amboise et devait l’attaquer le 16 mars 1560. Un des conjurés, Lignières, trahit ses compagnons et livra leur plan à la cour. Alors le duc de Guise fut certain de la victoire : il envoya des ordres dans toutes les provinces pour arrêter les insurrections partielles. La Renaudie périt dans le combat, de la main de son parent, le baron de Pardaillan. Un autre chef, Castelnau, qui occupait le château de Noisai, fut forcé de capituler. Les prisonniers périrent dans les supplices : les uns étaient précipités dans la Loire, les autres pendus aux murs mêmes du château.

Le plaisir de se venger poussa les Guise jusqu’à l’oubli de toute bienséance : ils firent exécuter les chefs sous les fenêtres du roi ; les reines et les dames de leur cour assistèrent à cet affreux spectacle. Enfin on cessa de faire des prisonniers, et au mépris d’une amnistie on égorgeait ou l’on pendait aux arbres tout ce qu’on pouvait saisir de rebelles armés ou de fuyards.

Condé manquait encore à la vengeance des Guise. Ce prince avait reçu l’ordre de se rendre au château d’Amboise ; chargé du commandement d’un corps de troupes royales, il s’était vu forcé de combattre des hommes armés pour sa cause. Les Guise le signalaient au roi comme le chef des rebelles, comme un ambitieux qui en voulait à sa couronne et à sa vie ; cette prévention l’emportait sur le bon naturel de François II et excitait en lui une haine violente contre son parent.

Mais il n’existe contre le prince de Condé d’autres indices que des dépositions vagues, arrachées par les tortures à quelques-uns des conjurés. Il demanda au roi à se justifier publiquement en présence de la reine mère, des princes de Lorraine, des ambassadeurs et des princes étrangers. La faction des Guise le vit avec joie se soumettre à une épreuve dont elle ne croyait pas qu’il pût sortir victorieux ; mais il évita l’écueil d’une justification difficile.

Il s’avança au milieu de l’assemblée et dit d’une voix fière : « Quiconque ose m’accuser d’avoir conspiré contre le roi, si ce n’est le roi lui-même, ou l’un des princes ses frères, en a faussement et malheureusement menti. Qu’il se présente, et mettant à part ma qualité de prince du sang, je suis prêt à le combattre. » L’assemblée, étonnée de cette apologie chevaleresque, regardait le duc de Guise, à qui s’adressait le défi. Il se leva et pria le prince de l’accepter pour second s’il avait un combat à soutenir.

Aucune voix ne s’éleva dans l’assemblée, qui ne savait que penser d’une telle générosité ou d’une telle politique. « Sire, dit Condé après un moment de silence, puisqu’il n’existe contre moi ni accusateurs, ni preuves, ni indices, je vous supplie de me tenir pour un sujet fidèle. » Le roi restait interdit : le cardinal de Lorraine lui fit un signe ; il rompit l’assemblée. Peu de temps après, Condé fut mis en liberté. Le roi parut persuadé de son innocence.

L’édit de Romorantin suivit de près la victoire remportée sur les protestants. La connaissance du crime de l’hérésie fut par cet édit retirée aux parlements, et attribuée exclusivement aux évêques. Au mois d’août de la même année le roi, d’après le conseil de sa mère, convoqua une assemblée de notables, pour prendre leurs avis sur les moyens de prévenir les troubles dont la religion était la cause ou le prétexte.

Cette assemblée dura quatre jours. Coligny parla en faveur des protestants et demanda hautement l’expulsion des Guise. Il fut décidé que les états généraux seraient convoqués et se tiendraient à Orléans. Les Bourbons ne s’étaient pas trouvés à l’assemblée de Fontainebleau. Le prince de Condé s’était retiré auprès de son frère, dans le Béarn. De son asile il soulevait les provinces par le moyen de ses agents. Le roi mit sur pied des troupes nombreuses et augmenta sa garde, à laquelle il joignit des Italiens. Il fit son entrée dans Orléans avec un appareil formidable, qui prouvait avec quel soin les Guise entretenaient ses alarmes.

Les Bourbons reçurent l’ordre de se rendre aux états d’Orléans : on les assura qu’il n’y avait aucun danger pour leur liberté ni pour leur vie ; ils obéirent sur la foi de la promesse royale, et ils furent arrêtés. Une commission nommée pour juger le prince de Condé le condamna à mort ; Eléonore de Roye, épouse de ce prince, était venue se jeter aux genoux du roi pour implorer la grâce de son seigneur mari : « Non, répondit François II, je ne ferai jamais grâce à un parent qui a voulu m’ôter la couronne et la vie. »

L’historien de Thou rapporte, mais avec l’expression du doute, que le duc de Guise, dans le temps où il poursuivait le prince de Condé, voulut faire assassiner Antoine de Bourbon par le roi de France lui-même ; que François II, près d’exécuter ce crime, en eut horreur et ne put s’y résoudre, et que le duc de Guise, indigné de cette faiblesse, s’écria : « O le roi lâche et poltron ! » Ce fait, que de Thou a puisé dans un écrit publié sous le nom de Jeanne d’Albret, reine de Navarre, ne porte aucun caractère d’authenticité.

Les Guise attendaient avec impatience le supplice du prince de Condé. L’exécution devait avoir lieu le 26 novembre : le roi, pour n’en pas être témoin, était sorti de la ville, lorsqu’il fut tout à coup saisi d’un mal violent causé par un abcès qui s’était formé derrière l’oreille. Les médecins désespérèrent de sa vie. Il expira le 5 décembre 1560, âgé de dix-sept ans, dix mois et un jour, après un règne de dix-sept mois et vingt jours. Il n’eut point d’enfants de la reine, et il laissa le trône à l’aîné de ses frères.

Sa mort sauva le prince de Condé. Elle fut attribuée au poison par des bruits populaires, si communs dans les temps de trouble ; mais la mauvaise santé de ce monarque dispense d’ajouter foi à de telles accusations. Lorsqu’il eut fermé les yeux, l’agitation fut si grande à la cour, que ni sa mère, ni ses oncles, ni aucun prince de sa famille, ne songèrent à lui rendre les derniers devoirs, et le corps du roi de France fut porté à Saint-Denis, accompagné seulement de deux gentilshommes, qui avaient été ses gouverneurs, et de l’évêque de Senlis, qui était aveugle.

On trouva sur le cercueil du roi cette inscription : Tannegui du Châtel, où es-tu. Tannegui du Châtel avait été un des plus fidèles serviteurs de Charles VII. Il vivait loin de la cour lorsqu’il apprit la mort du roi ; à cette nouvelle, il sortit de son exil pour rendre à son maître les honneurs funèbres et lui faire à ses frais des obsèques magnifiques. Citer un tel nom, c’était faire une satire sanglante de la conduite des Guise. François II fut en quelque sorte étranger à son règne ; l’histoire ne peut ni lui reprocher les malheurs produits par les dissensions des grands, ni le louer pour quelques sages édits, ouvrage des chanceliers Olivier et l’Hôpital.

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