LA FRANCE PITTORESQUE
16 janvier 1681 : mort d’ Olivier Patru
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Publié le vendredi 20 novembre 2009, par LA RÉDACTION
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Comme littérateur et comme avocat, Patru n’a laissé qu’une réputation dénuée de titres : le recueil de ses œuvres n’est lisible pour personne aujourd’hui. Son esprit méthodique et froid ne pouvait guère s’élever au-dessus du mécanisme de la langue, dont on assure qu’il possédait tous les secrets ; aussi attachait-il une importance extrême à la correction minutieuse du moindre écrit sorti de sa plume : à cette époque les plaidoyers même n’étaient autre chose que des écrits.

Comme critique, Olivier Patru exerça une grande influence sur ses contemporains, et il est permis de croire que cette influence ne fut pas toujours heureuse, quand on se rappelle qu’il détournait La Fontaine de composer des fables, et Boileau d’écrire l’Art poétique. Patru fut l’un des apôtres de cette morale littéraire, presque universellement adoptée en France depuis deux siècles, et qui tient plus de compte de l’absence d’un défaut que de la présence d’une beauté. Boileau, qui en rédigea le code, se plaignait lui-même de la sévérité de Patru. Dans une lettre à Racine il lui disait plaisamment : Ne sis Patru (patruus ) mihi.

Le temps considérable que Patru mettait à polir ses ouvrages rendit ses succès au barreau peu productifs, en les rendant très rares. Tombé dans un état voisin de l’indigence, il allait sacrifier sa bibliothèque ; mais Boileau l’acheta et lui en laissa l’usage. Malheureusement le satirique gâta ce bienfait par une épigramme.

Je l’assistai dans l’indigence,
Il ne me rendit jamais rien ;
Et quoiqu’il me dût tout son bien,
Sans peine il souffrait ma présence :
O la rare reconnaissance !

Les éloges que Patru prodigua au cardinal de Richelieu, dans une Épître dédicatoire, lui valurent une place à l’Académie : son discours de réception fut regardé comme un modèle digne de servir de type à ceux de tous les récipiendaires futurs ; on ne peut en dire autant de son Compliment à la reine Christine lorsqu’elle visita l’Académie. Quelques lignes de Pascal, adressées à la même reine, effacent tout le verbiage de l’avocat.

Voici, selon nous, le chef-d’œuvre de Patru ; il ne consiste qu’en une simple phrase ; mais cette phrase contient un petit apologue plein d’esprit et de finesse. Un grand seigneur illettré osait solliciter la place de l’académicien Courart : Patru, obligé de donner son avis, s’exprima en ces termes : « Un ancien Grec avait une lyre à laquelle se rompit une corde ; au lieu d’en ajouter une de boyau, il en voulut une d’argent, et la lyre perdit son harmonie. » Repoussé par cette logique spirituelle, lé grand seigneur ne fut pas admis.

Patru était accusé de scepticisme. Bossuet l’ayant visite au lit de mort, et le pressant de détromper le public par des discours sincères et religieux, on assure que Patru lui répondit : « Il vaut mieux que je me taise : on ne parle dans ces derniers moments que par faiblesse ou vanité. »

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