LA FRANCE PITTORESQUE
Berthe de Bourgogne
(née vers 964, morte en 1031)
(Épouse Robert II en 996)
Publié le lundi 1er février 2010, par LA RÉDACTION
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Fille de Conrad, roi de Bourgogne, et de Mathilde, fille de Louis IV d’Outremer, Berthe de Bourgogne était issue de grandes familles. Lorsque Robert II l’épousa après la mort de Hugues Capet (996), Robert II avait vingt-six ans ; depuis plusieurs années il portait le titre de roi, car Hugues avait pris la sage précaution de l’associer au trône afin que son droit ne fût pas contesté ; déjà les peuples l’aimaient. « Il semblait, dit Helgaud, fait pour porter la couronne ; nul n’avait plus d’habileté à manier les armes, on le voyait se tenir debout sur l’étrier sans perdre jamais l’équilibre et sans plier le genou ». Robert avait d’autres titres à l’amour de ses sujets ; son esprit, éloigné de toute dissimulation, son cœur, rempli d’une douce indulgence, la vivacité de sa foi, la ferveur de sa piété firent chérir sa personne, et affermirent l’autorité de la dynastie capétienne ; ces vertus douces s’alliaient à l’amour de l’étude qui en fit un des hommes les plus savants de son temps.

Berthe était la veuve de Eudes, comte de Blois. Mathilde, mère de cette princesse, était fille de Louis d’Outremer et de Gerberge de Saxe, et se trouvait cousine de Robert au deuxième degré ; plus malheureusement encore, Robert avait tenu, sur les fonts de baptême, un des enfants du premier lit de Berthe ; ce double empêchement n’avait point arrêté le mariage : la liaison de Berthe et Robert était ancienne, ayant pris corps du vivant de Hugues Capet ; Robert aimait Berthe, dont l’humeur était douce et la beauté remarquable.

Pour rendre régulier un mariage que prohibaient les canons, on convoqua un synode qui fournit une dispense, et Archambaud de Sully, archevêque de Tours, les maria. Mais à peine les époux avaient-ils goûté le bonheur d’être ensemble que le pape Grégoire V appelé au trône quelque temps plus tôt réunit en 996 un synode à Pavie, où il fut décrété : « Le roi Robert, qui, malgré l’interdiction apostolique, a épousé sa parente, doit se rendre auprès de Nous pour Nous donner satisfaction, de même que les évêques qui ont autorisé ces noces incestueuses ; s’ils refusent de venir, qu’ils soient privés de la communion ». Le roi essaya inutilement de négocier, envoyant à Rome un ambassadeur réputé pour son habileté : « Nous avons certaines affaires en litiges avec le Saint-Siège, dit-il ; assurez Grégoire V que je lui donnerai satisfaction sur tous les points s’il me laisse ma femme ». Le pape refusa le compromis et ordonna, une fois encore, à Robert de quitter Berthe.

Robert II le Pieux et Berthe de Bourgogne après l'excommunication du souverain en 998 Peinture de Jean-Paul Laurens (XIXe siècle)

Robert II le Pieux et Berthe de Bourgogne
après l’excommunication du souverain en 998
Peinture de Jean-Paul Laurens (XIXe siècle)

L’ambassadeur revint à la cour de France, où le roi accueillit son message avec une grande colère : « Jamais je ne me séparerai de ma femme, dit-il. Elle m’est plus chère que tout au monde ! Je veux que l’univers entier le sache ! » Quelques mois passèrent, et le pape, en voyant l’obstination de Robert, convoqua à Rome en 998 un concile général qui rendit les graves sentences suivantes. Canon I : « Le roi Robert quittera Berthe, sa parente, qu’il a épousée contre les lois. Il fera une pénitence de sept années, selon la discipline de l’Église. S’il refuse, qu’il soit anathème. La même sentence est rendue contre Berthe ». Canon II : « Archambaud, archevêque de Tours, qui a consacré cette union, et tous les évêques qui ont assisté à ce mariage incestueux sont suspendus de la sainte communion jusqu’à ce qu’il soient venus à Rome pour y donner satisfaction ».

L’arrêt du concile l’avait frappé d’excommunication, lui et sa femme, les rejetant ainsi de l’Église s’ils refusaient de se soumettre ; l’anathème, qui était la plus forte peine que le pape pût prononcer, condamnait vivant à la damnation éternelle. Profondément pieux, Robert pourtant ne céda point et garda son épouse qu’il préférait au salut de son âme. En voyant qu’il persistait, le pape fit plus : il lança un interdit sur toutes les terres du domaine du roi et mit sa menace à exécution, condamnant le souverain à sept ans de pénitence. Après la cérémonie d’excommunication, Robert et Berthe, glacés d’épouvante, s’enfermèrent dans leur palais.

C’était la première fois qu’un tel arrêt frappait des populations entières : plus de chants sacrés, plus d’offices saints, plus de sacrements. On administrait seulement la pénitence aux malades et le baptême aux enfants en danger de mort ; on ne célébrait plus les saints mystères, les églises étaient fermées, les images des saints voilées ; la cloche n’annonçait plus l’approche d’une fête, le mariage d’un ami, ni l’agonie d’un frère ; une consternation muette frappa tous les cœurs ; on supplia le roi de céder. Robert, en proie à une douleur amère, regardait tantôt son épouse aimée, tantôt son peuple en souffrance ; il voyait les seigneurs et les habitants de la cité fuir sa présence naguère tant chérie ; son palais était devenu désert. Ce jardin, si souvent rempli de la foule des pauvres que la libéralité du bon roi entretenait, était silencieux ; les pauvres mêmes redoutaient de goûter aux restes d’un excommunié ; ces restes étaient jetés comme souillés, et les vases qui les avaient contenus devaient être purifiés par le feu ; de toute la maison du roi, il n’était resté que deux serviteurs qui préparaient ces tristes aliments ; Berthe et Robert mangeaient le pain de la douleur dans l’amertume et dans les larmes.

Cependant Berthe allait devenir mère, le roi se flattait que la naissance d’un héritier de son sceptre désarmerait la sévérité du pontife et ferait ratifier son union ; mais l’inquiétude et le chagrin avaient tari, dans le sein de la mère, les sources de la vie de l’enfant ; Berthe mit au monde un enfant mort, et le bruit, dont Abbon se fait l’écho dans ses chroniques, se répandit parmi la multitude crédule que la reine était accouchée d’un monstre qui avait les pattes et le cou d’une oie.

Plus de bornes alors au désespoir des Parisiens, la clameur publique s’élève contre le couple royal ; la douleur des fidèles ne pouvait plus croître ; Robert céda enfin, laissant partir en 1001 la reine qui commençait à dépérir. Le jour des adieux, dès que Berthe eût franchi le seuil du palais et qu’elle fût hors de l’enceinte des murs de la cité, un cri de joie signala son départ ; les cloches en branle se firent entendre, la foule remplit les églises et de là se porta sous les fenêtres du roi pour le remercier.

Si quelque chose put le consoler de son sacrifice, ce fut le bonheur qu’il vit renaître autour de lui ; mais s’il répudia Berthe, fournissant pour prétexte qu’elle ne lui avait pas donné d’enfant, il ne souffrit pas que l’honneur de celle qu’il avait appelée son épouse pût être terni ; il voulut qu’elle conservât le titre de reine et qu’elle fût entourée des mêmes respects que si elle était restée sur le trône. Berthe continua ainsi à voir son ancien époux, partageant secrètement sa couche chaque nuit. En 1008, après l’assassinat du favori du roi, elle effectua même avec Robert II un voyage à Rome où ils tentèrent d’obtenir du pape Sylvestre II l’annulation du mariage du roi avec Constance d’Arles qu’il avait épousée en 1003. Mais le souverain pontife refusa. Berthe mourut en 1031, peut-être au château de Melun. Robert, inconsolable, ne lui survécut que quelques mois.

Berthe n’eut aucun enfant avec Robert II.

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