LA FRANCE PITTORESQUE
Otgive ou Ogive ou Edwige
(née vers 905, morte en 951)
(Épouse Charles III le Simple (roi de France) en 919)
Publié le lundi 1er février 2010, par LA RÉDACTION
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Après la mort de Frédérune, Charles le Simple épousa en 919 Edwige d’Angleterre (nommée indifféremment Otgive ou encore Ogive), fille du roi d’Angleterre Édouard Ier, et d’Elfléda de Bernicie. Si l’histoire ne dit rien de cette reine le temps du règne faible et méprisé de son époux, hormis le fait qu’elle eut le temps de donner naissance au futur héritier du trône, Louis IV d’Outremer, il n’en est pas de même après que Charles fût déposé en 922.

Otgive vit le roi déchu réduit à errer de château en château sans qu’elle pût lui prêter aucun secours ; elle espérait en Herbert, comte de Vermandois, qui appelait le souverain et lui promettait de le rétablir sur le trône ; mais ce seigneur le trahit et le constitua prisonnier au fort de Ham, près de Péronne ; alors l’infortunée Ogive n’eut de ressource que de prendre son enfant et de chercher quelque
Otgive
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navire auquel elle pût confier sa fortune pour aller en Angleterre, où régnait son frère Athelstan, qui l’accueillit comme une sœur chérie ; elle vécut treize ans dans l’exil.

Otgive

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Pendant ce temps Raoul, duc de Bourgogne sacré roi de France en 923, régnait sur l’héritage de Charles le Simple, et Charles languissait dans sa prison. C’est Emma, petite-fille de Robert le Fort, fille du roi de France Robert Ier (frère d’Eudes) élu en 922, et femme de Raoul, qui avait donné la couronne à son mari ; car Hugues dit le Grand (ou le Blanc ou l’Abbé), frère d’Emma et père du futur Hugues Capet, ayant demandé à cette princesse qui elle aimait mieux voir couronner de lui ou de Raoul, elle dit, en baissant son voile : « J’aime mieux baiser les genoux de mon époux que ceux de mon frère » nous apprend la Chronique de Raoul Glaber ; et Hugues, héritier de l’influence de Eudes, détermina l’élection de Raoul : Emma fut sacrée avec son mari.

Mais comme Charles vivait encore et que Herbert, tout en le retenant prisonnier, en faisait un épouvantail toujours prêt à effrayer Raoul, il fallait avoir Herbert pour soi. Essayant de tirer parti de cette position, Otgive mariait sa sœur Edith avec Hugues le Grand, cherchant par là à se faire un appui de cet homme puissant qui faisait les rois. Herbert désirait avoir dans son domaine la ville de Laon que Raoul ne lui voulait pas céder ; il en fit le siège, et la reine Emma, qui s’y trouvait renfermée, la défendit avec une habileté au-dessus de son sexe.

Les deux reines employèrent alors des armes diverses. Otgive pressait les négociations, Emma combattait en attendant le secours que lui préparait son mari ; Herbert tira Charles le Simple de sa prison pour le conduire à Reims, et donner au roi Raoul Ier la crainte de le voir couronner de nouveau. Les événements devenaient graves, et le choc paraissait imminent. Raoul accourut sur les bords de l’Oise avec une armée pour seconder les efforts de la reine Emma, dont rien n’avait pu ébranler le courage ; alors Hugues, qui ne voulait fortifier aucun parti, se posa comme médiateur entre Herbert et Raoul, et détermina celui-ci à céder enfin la ville de Laon ; Emma, non sans regret, remit la place aux mains d’Herbert, qui renouvela son serment à Raoul, et ramena le simple Charles à Ham.

Toutes les espérances d’Otgive semblaient encore une fois perdues ; mais elle conservait, au fond de son cœur, le désir de faire plus tard pour son fils, ce qu’elle n’avait pu faire pour son mari. Charles mourut en 929, abusé à la fois par Raoul et par Herbert, qui tour à tour lui rendaient de vains respects, sans que ni l’un ni l’autre eussent le dessein de le rétablir. La puissance du comte de Vermandois alla toujours décroissant. L’inquiétude s’empara de son cœur ; il mourut enfin, accablé de chagrins et laissant voir quelle part le remords avait à son trouble, car ceux qui l’assistèrent dans les derniers jours de sa maladie le virent s’agiter douloureusement sur sa couche en répétant : « Hélas ! Nous étions douze qui trahîmes le roi ! », rapporte la Chronique de Raoul Glaber.

Quand vint la mort de Raoul (936), Hugues le Grand n’osa ou ne voulut pas prendre la couronne. Il jugea plus prudent de se donner un roi qui lui devrait tout, et au nom duquel il pourrait régner ; il détermina les seigneurs à envoyer une députation de comtes et de prélats en Angleterre. Guillaume, archevêque de Sens, porta la parole : il se présenta devant Otgive et lui demanda son fils (le futur Louis IV) au nom de toute la France ; Athelstan, frère d’Otgive, n’osait livrer son neveu, il craignait une trahison ; mais Ogive jugea mieux, elle le donna avec une joie extrême. Hugues vint recevoir le jeune prince avec tous les seigneurs à Boulogne, lui rendit hommage sur la grève même, et le mena sacrer à Laon par Artaud, archevêque de Reims, dépouillé naguère par Herbert, et depuis peu rentré dans son archevêché.

Otgive vint rejoindre son fils et l’aida longtemps de ses conseils ; mais plus tard, Louis se brouilla avec Hugues, se lassa des avis de sa mère, qu’il retint à Laon, où elle se regardait presque comme prisonnière ; cette conduite de son fils est peut-être une des causes qui inspirèrent à Otgive une démarche qui laisse à ses dernières années une renommée moins honorable : elle fuit de Laon pour épouser en 941 un des fils de Herbert, de ce même comte qui avait tenu Charles III prisonnier. On ne connaît pas très bien les raisons de cette alliance.

Elle mourut peu après lors d’un accouchement (951), laissant après elle, avec une réputation de sagesse et d’habileté, la honte de cette alliance qui lui fut reprochée ; elle n’avait point eu d’autre fils que Louis d’Outremer avec Charles. Emma, femme de Raoul, était morte un peu plus d’un an avant son époux Raoul.

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