C’est en 1968 que fut officiellement constitué le département de la Seine-Saint-Denis, composé de communes appartenant aux anciens départements de la Seine et de la Seine-et-Oise.
L’île étroite qui fut le berceau de Paris n’a dû paraître au-dessus des eaux du fleuve qu’après les révolutions géologiques dont la contrée fut le théâtre vers la fin de la période tertiaire et lorsque notre continent eut reçu à peu près sa configuration actuelle ; la série des siècles qui constituent la période quaternaire dessina ensuite, par la retraite des glaces et des eaux, les vallées et les plaines qui constituent le vaste bassin dont cette île, qui sortit de l’abaissement de la mer, occupe la partie centrale et forme aujourd’hui la Cité.
Elle faisait originairement partie d’un groupe de cinq îles dont trois ont été successivement supprimées par des travaux d’utilité générale. Une seule reste près de la première : c’est l’île Saint-Louis ou Notre-Dame. La surface du bassin de Paris est limitée sur une partie considérable de son contour par des collines plus ou moins élevées qui lui font une enceinte ; la Seine, qui coule au milieu, reçoit les eaux de la Bièvre, faible rivière qui a creusé une étroite vallée, et à l’est, en amont, la Marne vient joindre son cours à celui du fleuve.
Les observations géologiques faites dans le sol de ce bassin ainsi déterminé ont démontré que les eaux de l’Océan y séjournèrent à une époque inconnue : les huîtres, les coquilles, les oursins, les squelettes de poissons, les os de baleines, les dents de squales, les empreintes de plantes marines, etc., qu’on y a découverts démontrent d’une manière indubitable la présence et l’action prolongée des eaux de la mer en ces parages.
Quand celle-ci se retira, le fleuve dut s’étendre sur une surface considérable et y former des. dépôts fluvio-marins ; puis les alluvions s’entassèrent ; le dessèchement progressif créa des marais ; enfin la Seine et la Marne tracèrent leurs lits tels à peu près qu’on les voit aujourd’hui. Une végétation abondante, étrangère aux essences qui s’y trouvent maintenant, envahit le sol récemment découvert ; les animaux purent y vivre.
Notre grand Cuvier, à l’aide des ossements qu’ils ont laissés dans les carrières du bassin de Paris, a pu faire reparaître une quinzaine de quadrupèdes et d’oiseaux qui durent habiter cette contrée à cette époque reculée. L’homme y vint alors, et, pour défendre sa misérable existence, il dut disputer aux animaux féroces, lions, tigres, etc., dont on a retrouvé les restes, les cavernes qui leur servaient de retraites.
C’est à ce moment qu’apparaissent les premières traces d’industrie. L’exploitation des sables voisins du Champ-de-Mars a décelé la présence d’instruments de chasse en silex grossièrement taillé. Bientôt une industrie un peu plus avancée permit aux sauvages habitants des rives de la Seine de creuser des barques dans le tronc d’un arbre (on a retrouvé un de ces bateaux monoxyles dans les alluvions de l’île des Cygnes) ; le fleuve fut traversé et des cabanes de terre et de branchages établies dans l’île.
Des fouilles opérées dans l’ancien sol, en mettant à découvert des instruments de silex d’un travail plus perfectionné que ceux de l’époque antérieure, montrent que l’habitation de l’île de la Seine date d’une haute antiquité. Les monuments mégalithiques et les sépultures datant des époques antéhistoriques découvertes de nos jours au bois de Vincennes, à La Varenne-Saint-Hilaire, sur les bords de la Marne, sur ceux de la Seine à Paris, à Meudon, à Marly, auprès de Saint-Germain-en-Laye, à Argenteuil et jusqu’à l’embouchure de l’Oise, à Conflans-Sainte-Honorine, démontrent combien les hommes qui occupèrent alors le territoire qui devint plus lard celui des Parisii surent profiter des avantages que leur offrait la situation de la région qu’ils habitaient.
Des conquérants galls, celtes ou kymris se rendirent maîtres de cette région ; plus civilisée que celle dont elle était héritière, cette population nouvelle construisit des ponts qui rendirent faciles les communications entre l’île et les deux rives du fleuve ; elle cultivait le froment, l’orge et l’avoine et menait paître de nombreux troupeaux d’animaux domestiques dans les terrains de la rive gauche.
Quand César vint à l’assemblée des peuples de la Gaule convoqués par lui à Lutèce (tel était le nom de l’île de la Seine et de la bourgade qu’on y avait élevée), les habitants, descendus des Celtes, des Galls ou des Kymris, arrivés successivement d’Asie, faisaient partie d’un clan ou tribu dont l’auteur des Commentaires nomme les membres Parisii.
Le Moyen Age inventa une origine troyenne à ce nom devenu si célèbre : Francus, fils d’Hector, vint fonder Troyes en Champagne et une ville dans une île de la Seine à laquelle il appliqua pieusement le nom de son oncle Pâris ; l’imparfaite et puérile érudition de nos pères en fait d’étymologie était frappée d’une concordance de nom comme d’une preuve historique irréfragable. Troyes en Champagne et Paris en France devaient nécessairement dériver de la Troie de l’Iliade et du Pâris qui ravit Hélène.
Au XVIe siècle, une érudition grecque un peu plus avancée et le désir de trouver dans une étymologie la consécration d’un droit déjà bien cher à nos compatriotes firent imaginer que Paris venait du mot parrhisia, qui signifie le franc parler : « chose autant propre aux Parisiens qu’à nation quelconque, » comme dit le vieux moine octogénaire Du Breul, qui s’intitule avec tant de soin Parisien sur le titre de ses Antiquités de Paris, ainsi que l’avaient fait d’ailleurs Gilles Corrozet et Nicolas Bonfons, les premiers historiens de la grande cité.
L’opinion qui fait dériver le nom de notre capitale du celtique par ou bar, frontière, offre, à défaut de certitude, plus de vraisemblance. On suppose que les Parisii, originaires de la Belgique, vinrent se fixer sur les bords de la Seine après en avoir obtenu la permission des Senones ; ils se soumirent même, pour s’assurer la protection de celte nation puissante, à une certaine dépendance. Leur territoire, borné à une circonférence de dix à douze lieues, était enclavé entre les Silvanectes au nord, les Meldi à l’est, les Senones au sud-est, les Carnutes au sud-ouest.
Telle était la situation où César trouva les Parisii en l’an 54 avant Jésus-Christ. Lui-même raconte dans ses Commentaires qu’il convoqua dans leur ville une assemblée de chefs gaulois, desquels il obtint une levée de cavalerie. L’année suivante, une insurrection générale ayant éclaté, Labiénus se vit arrêter au confluent de la Seine et de la Marne par l’armée confédérée, sous les ordres du vieux Camulogène, chef des Aulerci.
Après avoir remonté le cours du fleuve pour s’emparer de Melun, il le redescendit, mais par la rive gauche, et vint camper sur le mont Leucotitius (montagne Sainte-Geneviève). C’est là que les Parisiens, après avoir mis le feu à leur ville, vinrent se réunir à l’armée gauloise que la marche du général romain avait forcée de se replier. Les Gaulois furent vaincus dans une bataille livrée dans les terrains qui se trouvent compris aujourd’hui entre lssy et Vaugirard. Camulogène fut tué dans l’action.
Quoique César présente les Parisii comme un peuple dont l’alliance lui est acquise, il est permis d’en douter lorsqu’on les voit fournir ensuite leur contingent à la grande armée de Vercingétorix ; faible contingent, à la vérité, et qui démontre leur peu d’importance. Réunis aux Pictaves, aux Turones et aux Suessiones, ils ne fournirent que huit mille hommes. La conquête des Gaules achevée, il ne fut plus question des Parisii, si ce n’est dans la distribution en provinces qui les rangea dans la Lyonnaise.
L’excellente position des Parisii, déjà remarquée par César, leur valut l’honneur de voir plusieurs empereurs habiter parmi eux, comme nous aurons occasion de le dire en parlant de Paris. L’importance que leur ville acquit se conserva sous les Francs vainqueurs, qui en firent une de leurs capitales. L’invasion austrasienne dépouilla les Parisii de cet honneur. Ils eurent simplement parmi eux des comtes, et leur territoire forma un comté qui dépendait du duché de France.
Gérard était comte de Paris en 759. Étienne, qui lui succéda, figure dans les capitulaires. Son successeur, Bigon ou Pécopin, épousa une fille de Louis le Débonnaire. Vers ce temps, les comtes de Paris devinrent héréditaires. C’est : Gérard II, qui se déclara pour Lothaire ; Conrad, que l’abbé Gozlin entraîna dans le parti de Louis le Germanique ; Odo ou Eudes, qui défendit si bien Paris en 885 et devint roi ; Robert, qui fut roi aussi ; Hugues le Grand, qui se contenta du titre de duc de France, et enfin Hugues Capet, qui fixa définitivement sur sa tête et sur celles de ses descendants la couronne royale en 987. Devenus depuis longtemps de grands personnages, les comtes de Paris se déchargeaient sur des vicomtes de l’administration particulière de la ville. Dès l’an 900, nous trouvons un vicomte de Paris, Grimoard.
A partir de la révolution de 987, qui assura à Paris le rang de capitale de la France future, l’histoire du comté de Paris se confond avec celle du royaume entier. Nous arrêtons donc nécessairement ici ce que nous avons à dire en général du département de la Seine, dont l’histoire se retrouvera dans celle de Paris et des localités qui l’entourent, nous bornant à signaler l’héroïque patriotisme dont notre banlieue donna plus d’une fois l’exemple, principalement en 1814 et 1815, à la barrière Clichy et sur les huttes Chaumont.
Toutefois, nous ne pouvons nous dispenser de dire un mot des terribles événements dont le département de la Seine a été théâtre et victime durant la guerre franco-allemande de 1870-1871. Dès le 5 septembre 1870, à l’approche des troupes ennemies, des commencements de fortifications avaient été ordonnés aux alentours de Paris ; mais on avait malheureusement négligé le plateau de Châtillon, qui domine le fort d’Issy et où les Prussiens devaient plus tard .établir de formidables batteries pour cette oeuvre odieuse du bombardement. de la capitale, devant laquelle leur haine envieuse ne devait pas reculer.
Le 16 septembre, la marche des corps composant les deux armées allemandes chargées des opérations contre Paris se dessinant de plus en plus, un mouvement d’émigration se prononce, en même temps qu’un mouvement en sens inverse se produit. L’investissement, commencé le 18, continue le 19 et est complet le 21. L’implacable blocus devait durer près de cinq mois. On conçoit quel dut être le sort des malheureux habitants de la banlieue parisienne qui n’avaient pas abandonné leurs foyers devant le flot de l’invasion.
On sait aussi quelles ruines amoncelèrent les soldats allemands autour de la ville assiégée ; mais il est difficile de raconter les souffrances de tout genre qu’endura la population qui y vécut enfermée durant ce long espace de temps. Pourtant, au cours de l’article que nous consacrons ci-dessous à Paris, nous dirons les douloureuses péripéties de ce siège mémorable, ainsi que les combats qui eurent lieu aux environs de la place.
Parmi les départements envahis, le département de la Seine est celui qui eut le plus à souffrir ; ses pertes se sont élevées à la somme énorme de 269 496 022 francs.
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