LA FRANCE PITTORESQUE
Histoire du département du Rhône
(Région Rhône-Alpes)
Publié le samedi 30 janvier 2010, par LA RÉDACTION
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Le territoire qui forme le département du Rhône avait été habité primitivement par les Ségusiens, peuple gaulois de la clientèle des Éduens. Inférieurs, pour l’importance politique, aux Éduens, aux Arvernes et aux Séquanais, les Ségusiens n’ont pas eu une histoire particulière ; ils se sont attachés à la destinée du peuple qui étendait sur eux son vaste patronage et ont eu le même sort.

Le voisinage des colonies phéniciennes et phocéennes de la Méditerranée et de la province romaine exerça quelque influence sur leurs moeurs et leur caractère ; ils se montrèrent mieux disposés que le reste des populations gauloises à subir la domination de Rome. On sait que, 124 ans avant Jésus-Christ, le consul Domitius Ahenobarbus était intervenu, par l’intermédiaire de Marseille, dans un démêlé survenu entre la confédération des Éduens et celle des Arvernes unie aux Allobroges. Biteuth, roi des Arvernes, fut vaincu dans une grande bataille.

C’est dans cette occasion qu’il fut donné aux Ségusiens de voir pour la première fois les légions romaines ; ils n’avaient encore qu’un seul établissement de quelque importance, Forum Segusianorum (Feurs). César compta ce peuple au nombre de ses alliés lorsqu’il soumit les Gaules ; une seule fois ils se soulevèrent ; ce fut en l’an 52, dans cette dernière grande campagne où toutes les confédérations galliques, si longtemps divisées, se réunirent autour de l’Arverne Vercingétorix.

Mais le héros de l’indépendance gauloise succomba, et les anciens alliés de Rome se firent aisément a la domination nouvelle. Ils n’eurent d’ailleurs pas a se plaindre d’avoir subi ce joug ; peuplade secondaire de la Gaule, au temps de leur indépendance, ils acquirent tout d’un coup, par la fondation d’une ville, la plus haute importance ; Rome leur donna Lyon. Les Ségusiens furent compris par Auguste dans la province Lyonnaise, puis dans la première Lyonnaise, par Dioclétien, lors de la nouvelle division de l’empire (292).

A la dissolution de l’empire romain, ce pays fut l’un des premiers qui vit les invasions barbares ; les Burgondes s’établirent au milieu d’eux de 413 à 419. Le contact des barbares fut pénible à ce peuple presque façonné à la politesse romaine, si l’on en croit le portrait que le poète de Lyon, au Ve siècle, Sidoine Apollinaire, trace des nouveaux venus : « ... Que faire au milieu de ces géants de sept pieds ? Est-il permis d’écrire rien d’élégant au milieu de soldats dont la longue chevelure est imprégnée de beurre aigre, et qui parlent une langue que nous ne comprenons pas ? Peut-on chanter quand on a l’âme et le visage tristes ? Vos yeux sont bien heureux de ne pas voir des gens semblables, et vos oreilles de ne pas les entendre ! Heureux surtout votre odorat de ne pas sentir ces hommes puants qui mangent par jour dix bottes d’oignons ! Quelle muse se ferait comprendre au milieu d’ivrognes criant toujours pour égayer leurs débauches ! De tels dominateurs, comme vous le pensez, mettent de terribles obstacles au désir qu’on aurait d’être joyeux. Mais je m’arrête de peur qu’on ne prenne ceci pour une satire et qu’on ne me dénonce aux Bourguignons. »

Les anciens Ségusiens n’étaient cependant pas les plus mal partagés des peuples de la Gaule, et leurs maîtres étaient réputés les plus doux entre les barbares ; Paul Orose prétend qu’ils traitaient les Gaulois parmi lesquels ils vivaient moins en . sujets qu’en frères, et tout en faisant la part de l’exagération de ce témoignage, nous avons la certitude qu’ils se montrèrent moins durs envers les populations conquises que les Wisigoths, et surtout que les Francs.

Les Ségusiens purent comparer les dominations Burgonde et franque quand, en 534, à la suite des démêlés des fils de Clovis et de Gondemar, fils et successeur de Gondebaud, ils eurent pour maître Childebert, roi de Paris. A la mort de ce roi (558), ils furent réunis au reste de la monarchie franque par Clotaire et, après ce dernier, ils passèrent à son fils Gontran (561).

Les maux de toute nature fondirent à cette époque sur le pays ; ce furent d’abord les fleuves qui débordèrent, puis une disette générale suivie de la peste ; enfin une nouvelle invasion aussi terrible que les précédentes, celle des Sarrasins, qui s’emparèrent de la capitale du pays et n’en furent chassés que par Charles Martel (732). Au temps de Charlemagne, le Lyonnais respira sous la bienfaisante administration du sage et savant. Leydrade, ami du roi germain, qui lui-même, dit-on, eut un instant l’intention de venir habiter, près de Lyon, le célèbre monastère de l’île Barbe.

Le Lyonnais échut a Lothaire, par suite du traité de Verdun (843). Cet empereur le laissa à son fils Charles, qui le transmit a son second fils Lothaire II le Jeune ; puis, un an après la mort de ce prince, la province lyonnaise et le Beaujolais qui se trouve plus au nord, et qui jusque-là avait suivi les mêmes vicissitudes, entrèrent, par le traité de Mersen (870), dans le partage de Charles le Chauve.

Cette même année, ces deux provinces, réunies au Forez, furent données au comte Guillaume Ier, dont le fils, Guillaume Il , rendit la dignité de comte de Lyon héréditaire dans sa famille. Guillaume II eut deux fils, Artaud et Bernard ; l’aîné, comte de Forez, réunit a cette province le comté de Lyon ; Bernard eut pour sa part le Beaujolais, qui, à partir de ce moment, eut une existence distincte et une histoire particulière (920).

A la faveur des troubles que les incursions normandes, la déposition de l’empereur Charles le Gros et l’établissement de la féodalité amenèrent sur tout le sol gaulois, un seigneur, Rodolphe, fils de Conrad, comte d’Auxerre, s’était fait proclamer roi de la Bourgogne transjurane (888).

Son fils Rodolphe II avait réuni la Provence à ses États. Le Lyonnais, situé dans une position intermédiaire entre la France et ce royaume de Provence, devint d’autant mieux un fief indépendant que les derniers Carlovingiens et les nouveaux rois d’Arles s’en disputaient la mouvance. Lothaire, fils de Louis d’Outre-mer, mariant sa sœur Mathilde au roi d’Arles Conrad le Pacifique (955), lui donna en dot ses droits de suzeraineté sur le comté de Lyon.

Le comte était alors Artaud, qui gouverna de 920 a 960. Giraud Ier (960-990), puis Artaud II, l’un des bienfaiteurs de l’abbaye de Cluny (990-1007), lui succédèrent. Ce dernier laissait deux fils en bas âge ; l’aîné, Artaud III, succéda à son père dans le Lyonnais. Le gouvernement d’Artaud III fut plein de vicissitudes. Lyon avait pour archevêque un membre de la famille suzeraine des rois d’Arles, Burchard, fils de Conrad le Pacifique et frère de Rodolphe III, dernier prince qui régna. Ce Burchard regarda le comté de Lyon comme son apanage et en fit hommage a l’empereur allemand Conrad le Salique, le même qui, à la mort de Rodolphe III, hérita de la Bourgogne transjurane et du royaume d’Arles.

Chassé du Lyonnais, son héritage, Artaud III y rentra les armes à la main avec l’appui de son frère et peut-être aussi à la sollicitation secrète des Capétiens de France, qui pouvaient ne pas voir avec plaisir la suzeraineté du Lyonnais passer à l’empire. Burchard fut a son tour chassé, puis il revint par la toute-puissante protection de sa famille, et un accord fut conclu entre le comte et l’archevêque.

Le comte abandonna grand nombre de ses droits seigneuriaux sur sa riche capitale, Lyon, et reçut, en échange, des terres que l’archevêque possédait dans le Forez. Artaud survécut peu à cet arrangement ; à sa mort, son frère Giraud joignit le titre de comte du Lyonnais a ceux de comtes de Roannais et de Forez qu’il possédait déjà ; mais ce titre fut plus nominal que réel.

L’archevêque Burchard mourut en 1031 et eut pour successeur son neveu Burchard, qui considérait le titre de son oncle comme un droit héréditaire. Giraud prit les armes, expulsa le nouvel archevêque et voulut le remplacer par un de ses fils ; mais Burchard recourut a l’empereur allemand Conrad, auquel il avait renouvelé l’hommage et le serment déjà prêté par son oncle. Conrad envoya une armée , chassa Giraud et son fils, rétablit Burchard et lui donna toute autorité. C’est ainsi que la ville de Lyon échangea la domination immédiate de ses comtes contre celle de ses archevêques ; Giraud ne reparut plus dans la ville, et son fils, Artaud IV, tout en prenant le titre de comte du Lyonnais (1058-1076), fit du Forez, qu’il possédait également, le lieu habituel de son séjour.

Rien n’égale la barbarie et la brutalité de cette époque ; la misère était générale parmi les populations du Lyonnais ; les dissensions des seigneurs, loin de profiter a leur repos, redoublaient la tyrannie et les exactions que chacun se croyait en droit d’exercer. La plus haute classe de cette société féodale n’échappait pas a la sauvage férocité des moeurs germaines que la religion était insuffisante à contenir, et que ne tempérait pas encore la politesse de la chevalerie et de ses institutions.

Entre autres enfants, Giraud II, père d’Artaud IV, avait eu deux filles ; l’une d’elles, Rotulfe, épousa Guignes de L’Arieu, l’un des principaux seigneurs du Forez. L’autre, Prève, bien que d’une éclatante beauté et recherchée par de fiers barons, fut touchée de la grâce et ne voulut avoir que le Seigneur pour époux, dit la légende.

Ses jours s’écoulaient dans un monastère au milieu des prières et d’un pieux recueillement, quand un des chevaliers qui avaient brigué sa main s’en vint la trouver et s’efforça de l’arracher a sa retraite ; vainement Prève lui rappela qu’elle avait consacré à Dieu sa virginité et que tenter de la détourner de ses devoirs était une entreprise sacrilège ; ni larmes ni touchantes raisons ne purent convaincre celui qui l’obsédait. Alors, la fille du comte lyonnais s’enferma dans une noble fierté et chassa de sa présence un homme qui ne craignait pas d’outrager Dieu et l’une de ses servantes jusque dans son sanctuaire.

Le chevalier, plein de courroux, partit méditant une terrible vengeance ; il vint à la cour de Giraud et alla trouver ses trois fils Artaud, Geoffroy-Guillaume et Conrad. « Savez-vous, leur dit-il, pourquoi votre soeur Prève a rejeté avec mépris les plus braves de vos amis et tous les seigneurs des deux comtés ? C’était pour se retirer, sous prétexte de religion, dans un lieu reculé et y vivre en débauche avec serfs et vilains. »

Les jeunes gens le crurent ; ils prirent leurs armes, montèrent vite leurs chevaux et coururent au monastère. Prève était en prière ; mais, sans vouloir rien voir et rien entendre : « La voila donc ! s’écrièrent-ils, celle qui déshonore le comte et les fils du comte ! » Et ils lui plongèrent une épée dans les reins, puis ils coupèrent sa tète et jetèrent le cadavre dans un puits ; ensuite ils revinrent contents d’avoir vengé leur honneur.

Mais voilà que la stérilité frappa toute la contrée et que des signes de feu annonçaient dans le ciel le courroux céleste ; si on cherchait de l’eau dans le puits où avait été jeté le corps de l’innocente, on n’en tirait que du sang, et, à l’endroit où avait roulé sa tête, sur une dalle de pierre, avait fleuri un lis d’une éclatante blancheur ; en même temps, une voix du ciel ne cessait de répéter aux fils de Giraud : « Votre soeur n’était pas coupable. » Convaincus par ces manifestations de la volonté divine, ils s’en retournèrent au couvent, donnèrent la sépulture au corps de la jeune fille, lui consacrèrent une fondation pieuse, et depuis ce temps Prève compte, dans le martyrologe, au nombre des vierges saintes.

A Burchard succéda, dans l’évêché de Lyon, Humbert, et c’est par suite de l’arrangement convenu entre lui et Artaud IV que ce dernier quitta Lyon. Les successeurs d’Artaud IV ne furent guère comtes du Lyonnais que nominalement ; Wedelin, 1076 ; Artaud V, 1078 ; Guillaume III, 1085 ; Ide Raimonde et son époux Guignes ou Guy de Viennois, 1097 ; Guignes II, 1109 , ne résidèrent pas dans le pays.

Mais Guignes III, qui remplaça dans le titre de comte son père Guigues II en 1137, et qui, après avoir atteint, sous la tutelle du roi de France, Louis VII le Jeune, l’âge de majorité, fit une guerre heureuse à Guillaume II, comte de Nevers, prétendit revenir sur les anciennes conventions passées entre son aïeul Artaud IV et l’archevêque Humbert. C’était, dit un historien de la vie de saint Bernard , une grande injustice envers l’Église ; dans la guerre que Guignes avait soutenue contre le comte de Nevers, bien inférieur en force à son adversaire, il aurait été infailliblement battu sans les prières du saint et la protection manifeste que Dieu accorda à son intercession.

Quoi qu’il en soit, Guignes ne se montra pas reconnaissant. Héraclius de Montboissier, archevêque de Lyon, avait obtenu, en 1157, de l’empereur Frédéric Ier, par une bulle d’or, datée d’Arbois le 19 novembre, l’exarchat du royaume de Bourgogne, avec tous les droits régaliens sur la ville de Lyon. Guignes, qui voulait conserver au moins sa prépondérance, sinon gouverner seul, dans cette capitale de l’un de ses comtés et ne reconnaître d’autre suzeraineté que celle de Louis VII, s’offensa de cette concession et entra dans Lyon a main armée ; les partisans du prélat furent maltraités ; les clercs surtout furent malmenés grandement ; on pilla leurs maisons, et l’archevêque fut obligé de sortir de la ville où il ne rentra que l’année suivante, exerçant un pouvoir précaire jusqu’a sa mort (1163), sans cesser un instant d’être molesté par son terrible adversaire.

L’empereur Frédéric, qui n’avait aucunement abandonné ses droits de suzeraineté sur sa capitale du Lyonnais, malgré la prétention de Guignes à se reconnaître vassal de Louis VII, voulut l’année suivante élever une forteresse sur le territoire de Lyon. Le comte chassa les ouvriers et les menaça, s’ils revenaient, de les faire tous pendre. En même temps, il entretenait les dissensions qui, a la mort d’Héraclius, s’étaient élevées dans le chapitre, pour le choix de son successeur, et s’installa dans la ville ; mais il en fut chassé par Drogon, l’un des deux candidats a l’archevêché, qui, après l’avoir emporté sur son rival Guichard, recourut au comte de Mâcon, arma ses partisans et chassa le comte.

Guignes recourut alors à son protecteur naturel, Louis VII, qui faisait en Auvergne la guerre au comte Guillaume. « Seigneur, lui écrivit-il, je m’étonne qu’étant votre homme a tant de titres, qu’ayant été fait chevalier par Votre Majesté, laissé par mon père sous votre garde, et d’ailleurs votre vassal, je n’aie rien appris de votre arrivée en Auvergne ; cependant je serais dans votre armée sans le comte de Mâcon , Girard, et les schismatiques de Lyon qui sont entrés à main armée sur ma terre ; ils sont venus non seulement pour me dépouiller s’ils le pouvaient, mais encore pour transporter mon comté, qui relève de votre couronne, à l’empire teutonique. S’ils y réussissaient, ce serait un outrage sanglant qu’ils vous feraient en face et au mépris des armes que vous avez entre les mains. Que Votre Majesté prenne donc les mesures convenables pour mettre son honneur à couvert et mes domaines en sûreté. »

Louis écouta favorablement son baron ; il alla le trouver dans la capitale du Forez, et, en retour de la bonne réception que lui fit le comte, il lui accorda, sur sa demande, l’investiture de l’abbaye de Savigny. Mais ce fut dans le pays une source de querelles ; Humbert II, sire de Beaujeu, protecteur et patron, en vertu de ses droits héréditaires, de l’abbaye de Savigny, s’opposa à cette concession et força Guignes d’y renoncer solennellement en présence même de Louis et de sa cour. Le roi, pour dédommager son serviteur, lui donna la garde des grands chemins, dans l’étendue des deux comtés du Forez et du Lyonnais.

Cette concession est d’une haute importance dans l’histoire générale de la France ; elle nous apprend, en effet, qu’à une époque qui précède le règne de Philippe-Auguste, et où la féodalité était encore toute puissante, le roi conservait la garde des grands chemins dans toute l’étendue du royaume, et que les seigneurs particuliers ne la tenaient dans leurs domaines qu’en fief et de la munificence royale. C’est que ce droit était l’un des plus importants et de ceux que la royauté n’a perdus que localement et qu’elle s’est efforcée le plus tôt de reconquérir ; il donnait la connaissance et justice des crimes commis sur les grands chemins.

L’archevêque Drogon fut chassé par Guichard ; mais la contestation pour la prééminence dans Lyon continua entre Guignes et le nouveau prélat. Il y eut un- premier accord en 1167, à la suite duquel la querelle s’envenima de nouveau et ne s’apaisa qu’en 1173 par la cession absolue que le comte fit de ses droits en échange d’une somme d’argent et de terres dans le Forez.

Cet accord fut approuvé par les papes Alexandre III et Lucius III et ratifié par Philippe-Auguste, en 1183 , qui reçut de Jean aux belles mains, alors archevêque, hommage pour la partie de la ville située sur la rive droite de la Saône, tandis que l’empereur Frédéric se faisait prêter serment pour le territoire de la rive gauche. C’est ainsi que fut consacrée cette distinction qui, de nos jours, s’est maintenue par la tradition et subsiste encore parmi les bateliers du fleuve dans leurs dénominations de France et Empire appliquées en opposition à l’une et l’autre rive.

Les habitants de Lyon ne se prêtèrent pas à cet arrangement et, se soulevant à de fréquentes reprises contre leurs archevêques, ils essayèrent de faire prévaloir une sorte d’administration républicaine. Au milieu de cette guerre dont Lyon fut le théâtre entre les habitants et les archevêques, les rois de France commencèrent à intervenir et à jeter les fondements de leur domination prochaine.

Lyon était alors tout le Lyonnais ; Guignes, qui abdiqua la dignité en 1199, et ses successeurs se bornèrent à la possession du Forez ; ils retenaient bien quelques restes de leur ancienne suprématie sur le comté de Lyon, mais ces droits se bornaient à peu de chose et s’amoindrissaient chaque jour. C’est ainsi que Guignes V reconnut par une charte, en 1224, que plusieurs lieux, Saint-Rambert, Bonson, Chambles, Saint-Cyprien et Saint-Just, où ses successeurs et lui avaient le droit de taille à volonté, étaient francs-alleux de l’abbaye de l’île Barbe. Il s’en désista et accorda aux habitants le pouvoir de donner, vendre, obliger, aliéner leurs fonds sans retenir pour lui autre chose que ses droits saufs et sa pleine seigneurie sur les biens que ces mêmes habitants auraient dans d’autres paroisses.

Quant à la capitale, elle continua d’être agitée par les discordes des habitants et de leur prélat. Une constitution du pape Grégoire X, en 1273, ne mit pas un terme aux animosités ; les Lyonnais, à l’occasion d’une rivalité qui s’était glissée dans l’église entre l’archevêque et les chanoines, au sujet de l’exercice de la justice, recoururent au roi de France et lui demandèrent protection.

Philippe le Bel, qui régnait alors, saisit avec joie ce prétexte d’intervention ; il établit, en 1292, un gardiateur de la ville, magistrat chargé de recevoir et de juger au nom du roi les appels des bourgeois. Six ans plus tard, le roi de France agrandit ses prétentions ; il exigea de l’archevêque qui venait d’être nommé l’hommage illimité et le serment de fidélité tel que le prêtaient les autres prélats du royaume. Henri de Villers, archevêque, réclama auprès de l’ennemi de Philippe le Bel, Boniface VIII, contre cette autorité et ces prétentions qui lui semblaient exagérées.

Boniface avait fait droit aux réclamations de l’archevêque ; il y eut conflit entre ses officiers et ceux du roi. Philippe, qui ne souffrait ni atteinte à ses volontés ni contestation de ses droits réels, s’arrogea, par deux édits datés de Pontoise (1307), l’exercice de la double jurisprudence archiépiscopale et royale. Il y était dit que le roi, dans toute la ville et cité de Lyon, et dans toute la baronnie de l’église de Lyon, en deçà de la Saône, connaîtrait des appellations et des sentences définitives données par le juge lay (laïque), et que ces appellations seraient jugées au parlement par plusieurs conseillers royaux, suivant le droit écrit, et que l’archevêque ferait au roi serment de fidélité, sans toutefois que les biens de son église fussent censés être du fief du roi.

Henri de Villers se soumit ; mais son successeur, Pierre de Savoie, qui monta sur le siège archiépiscopal en 1308, débuta par réclamer contre les deux édits et s’apprêta a soutenir ses réclamations par les armes. Louis le Hutin, fils aîné de Philippe, fut envoyé contre lui en 1310, et fit le siège de cette ville. Pierre, pressé par les ennemis, fut obligé de se rendre ; conduit a Paris, il demanda pardon au roi, qui lui fit grâce, et termina le différend en 1313 par la cession absolue de tous les droits de l’église sur la ville, en échange de quelques terres ; le château de Pierre-Scise demeura seul sous la juridiction ecclésiastique.

C’est ainsi que le Lyonnais et sa ville, après avoir subi sous ses comtes, puis ses archevêques, la domination des rois de Bourgogne transjurane et de Provence, et ensuite de l’Empire depuis le temps où Lothaire l’avait donné à sa sœur Mathilde, rentra sous la domination des rois de France, non plus comme un fief lointain et de mouvance incertaine, mais comme partie intégrante de la France royale. Une condition expresse de l’acte de réunion était que jamais un roi ne pourrait aliéner cette province et la donner en apanage.

En traitant l’histoire du Lyonnais, nous avons forcément laissé de côté cette autre partie du département actuel qui a été prise au Beaujolais. Nous avons vu que le Beaujolais (Bellojocensis ager), borné au nord par le Charolais et la Mâconnais, au sud par le Lyonnais et le Forez, à l’est par la Saône et à l’ouest par le Forez, avait commencé à jouir d’une existence distincte en 920, avec Bérard ou Bernard, fils puîné de Guillaume, comte de Lyonnais et de Forez. Son histoire et celle de la seigneurie ne sont pas connues jusqu’à Guichard, successeur d’un Béraud II, qui mourut vers 967.

Ce fut pendant longtemps une race pieuse que celle des sires de Beaujolais : Guichard Ier fit à l’abbaye de Cluny de nombreuses donations ; son fils, Guichard II, possédé du désir de visiter les Lieux saints, accorda, avant son départ, à l’église de Mâcon, réparation de quelques exactions et concéda à son évêque de grands privilèges ; Humbert Ier ne fut pas moins libéral, et voici en quels termes son fils Guichard III, qui lui succéda, rapporte dans la charte de fondation les motifs qui l’engagèrent à élever, en 1115, le prieuré du Joug-Dieu qui, en 1137, fut érigé en abbaye, et a été sécularisé à la fin du VIIe siècle, par sa réunion à la collégiale de Villefranche.

« Une nuit, dit la charte accordée en l’an 1118, étant seul dans ma demeure de Thamais, j’eus la vision suivante : six hommes vénérables, tout resplendissants de lumière, m’apparurent ayant des jougs à leur cou et tirant une charrue sur laquelle était appuyé le saint homme Bernard, abbé de Tyron, un aiguillon à la main, dont il les piquait pour leur faire tracer un sillon droit. A mesure qu’ils avançaient, je voyais sortir des fruits en abondance. Après avoir longtemps songé a cette vision, j’allai trouver l’abbé Bernard à qui j’offris ce même lieu de Thamais, avec ses dépendances pour y mettre des hommes qui, sous le joug du Seigneur, prieront continuellement pour moi et les miens ; ce qu’il m’accorda volontiers, et, pour conserver la mémoire de la vision dont je viens’ de parler, je veux que ce monastère s’appelle le Joug-Dieu. »

En 1129, le même Guichard eut l’honneur de recevoir dans son château de Beaujeu le pape Innocent II, lorsque l’antipape Anaclet se fut rendu maître de Rome ; puis, mettant le comble à sa piété, il prit l’habit de religieux a Cluny, où il mourut en 1137.

Son fils Humbert II ne suivit d’abord pas la même voie de salut que ses prédécesseurs ; sa conduite fut d’une extrême licence ; mais bientôt touché de repentir, il passa en terre sainte et entra dans l’ordre des Templiers. Sa femme Alix, fille du comte de Savoie, sans le consentement de laquelle il avait pris ce parti, obtint du pape Eugène III, par le crédit de l’archevêque de Lyon et de l’abbé de Cluny, qu’il fût rendu à la vie séculière, sous la seule condition de faire une fondation pieuse.

Humbert revint alors de terre sainte et son retour fut un grand triomphe pour le clergé. « Les brigands, dit à ce sujet Pierre le Vénérable, abbé de Cluny, les pillards des biens de l’Église, des veuves et de tout le pauvre peuple qui était sans défense, tremblèrent en le voyant reparaître. Il ne trompa l’attente ni des uns ni des autres. Il atterra tellement le vicomte de Mâcon, ce loup qui, le matin, le soir et la nuit ravageait nos terres, qu’il lui fut permis de dire avec Job : Je brisais les mâchoires du méchant et j’arrachais la proie de ses dents. »

Humbert n’avait pas perdu, en se convertissant, ses habitudes guerrières et son caractère ambitieux ; il porta ses armes chez les seigneurs voisins et se fit céder par Renaud III, sire de Beaugé de Bresse et d’une partie de Dombes, quelques châteaux et ce dernier pays. Nous avons vu comment Humbert sut empêcher les effets de la concession surprise par le comte de Lyonnais et de Forez au roi Louis VII, pour l’abbaye de Savigny. Sur la fin de ses jours, ce puissant baron se retira a Cluny, où il mourut en 1174.

Humbert III, son successeur, n’eut pas la piété de ses aïeux ; il continua la guerre contre le seigneur de Bresse et ne craignit pas de porter aussi ses armes sur les terres de cette abbaye de Cluny, où son père était mort et où reposaient ses cendres. Mais il fut le fondateur de Villefranche qui depuis est devenue la capitale du Beaujolais et joignit a ses domaines la seigneurie de Montpensier.

Guichard IV, fils de Humbert II, épousa la soeur de Philippe-Auguste et prit part à la croisade contre les Albigeois, avec Louis de France, plus tard Louis VIII. Ce sire de Beaujolais joua un rôle important dans la politique du temps ; il alla comme ambassadeur du roi de France trouver le pape Innocent III et l’empereur de Constantinople, qui le renvoya chargé de riches présents.

A son retour par Assise, il obtint de saint François trois religieux de son ordre qu’il amena a Villefranche, où il fonda pour eux le premier couvent que cet ordre ait eu en France. Sur les murs du cloître, encore subsistant a la fin du XIIIe siècle, on lisait : Guichard de Beaujeu, revenant ambassadeur de Constantinople, ramena trois compagnons de saint François d’Assise, fonda leur couvent de Pouillé-le-Châtel, l’an 1210, où ils demeurèrent six ans ; de là, furent amenés et fondés en ce lieu, par le même Guichard, l’an 1216. Entièrement dévoué à la maison de France, Guichard retourna avec Louis, en 1215, dans le Languedoc, puis l’accompagna dans son expédition d’Angleterre, où il mourut à Douvres (1216).

Son fils, Humbert IV, continua les relations d’amitié qui unissaient sa famille à la maison de France ; il fut nommé gouverneur du Languedoc par Louis VIII, et ce titre lui fut confirmé par Louis IX en 1227. Humbert prit part à toute la guerre désastreuse du Midi, et nous le reverrons dans ces départements malheureux qu’a ravagés la guerre des Albigeois. Baudouin II, empereur latin de Constantinople, ayant fait un voyage en Europe, en 1239, pour chercher du secours, fut reconduit dans ses États par Humbert. La dignité de connétable, que son cousin, le roi de France, saint Louis, lui accorda à son retour l’année suivante, fut la récompense de tous les services qu’il avait rendus à la maison royale. En 1248, le sire de Beaujeu suivit le roi dans son expédition en Égypte, et il y trouva la mort en 1250.

Après lui, Guichard V gouverna jusqu’en 1265 et, dit une vieille chronique, « fut fort plaint et regretté de toutes manières do gens quand il trespassa, car ce fut en son tems ung sage prince et de bonne conduite : par quoy ce fut une moult grant perte tant pour le royaume que pour son pays et ses parens. »

Humbert mourut sans postérité mâle ; sa fille, Isabelle, lui succéda, non sans contestation de la part de ses neveux, et transmit la seigneurie a son second fils Louis de Forez, qu’elle avait eu de son mariage avec Renaud, comte de Forez. Louis eut quelques démêlés avec les seigneurs voisins et les archevêques de Lyon, et mourut en 1290 ou 1291.

Son successeur, Guichard VI, gouverna jusqu’en 1331 et mérita d’être surnommé le Grand ; ses guerres furent nombreuses ; il prit part, entre autres, à celle de Flandre, avec Philippe de Valois, et commanda un corps d’armée à la bataille de Cassel, en 1228. Il mourut dans cette guerre, et son corps fut rapporté dans sa seigneurie et inhumé dans un tombeau qu’il avait fait faire exprès, dès sa jeunesse, à l’église de Belleville. Son épitaphe est curieuse ; nous la donnons comme un spécimen du latin de cette époque :

Ter et milleno primo ter quoque deno,
Princeps Guichardus, leo corde, gigas, leopardus,
Audax bellator et nobilitatis amator,
Nunquam devictus bello, pro militia ictus,
Vincitur a morte : coeli pateant sibi porta !

L’an mille trois [cent] et aussi trois fois dix plus un, le seigneur Guichard, lion par le cœur, géant, léopard, audacieux guerrier et ami de la noblesse, jamais vaincu à la guerre, frappé dans les combats, est vaincu par la mort ; que les portes du ciel s’ouvrent à lui !

Il avait été grand chambellan et seigneur gouverneur des rois Philippe le Bel, Louis le Hutin, Philippe le Long, Charles le Bel et Philippe de Valois. Son fils, Édouard Ier (1331-1351), « estoit fort dévot à la vierge Marie ; il mena quantité de gentils-hommes au voyage d’oultre-mer à ses propres couts et dépens et batailla longtemps contre ceux qui tenoient la loi de Mahomet. » Il fit aussi la guerre aux Anglais et périt dans un combat près d’Ardres, fidèle a l’alliance de sa famille avec la maison de France. Antoine, son fils, se distingua à la bataille de Cocherel (1364), puis s’attacha à la fortune de Bertrand Du Guesclin et mourut en 1374, a Montpellier.

Antoine ne laissait pas d’enfants ; ce fut Édouard II, petit-fils de Guichard VI, qui lui succéda. De ce seigneur datent les privilèges et immunités accordés à Villefranche, et dont il sera plus amplement question à l’article consacré à cette ville. Édouard eut à soutenir contre Marguerite, soeur du dernier baron de Beaujeu, une guerre pour la succession a la seigneurie ; il y eut accommodement, puis rupture, et enfin un traité définitif, en 1383, après des combats désavantageux pour Édouard et quelques conquêtes d’Amédée le Rouge, fils de Marguerite et du comte de Savoie, dans ses domaines.

Le fait capital du gouvernement d’Édouard fut sa double querelle avec le roi de France Charles VI, qui montre quelle extension avait prise l’autorité de nos rois et comment leur justice s’exerçait dans les seigneuries féodales. Édouard, était d’un caractère avide et hautain ; il avait saisi le douaire de Béatrix, femme de son prédécesseur ; celle-ci en appela au roi de cette violence. Un jugement fut rendu contre Édouard au parlement de Paris ; mais quand les huissiers royaux vinrent lui signifier l’arrêt, il les maltraita et les fit chasser. Un arrêt de corps fut signifié contre sa personne ; le comte se défendit contre les commissaires, sergents et archers du Châtelet envoyés pour l’exécution du jugement.

Mais enfin il fut pris et amené au Châtelet, détenu prisonnier, puis relâché seulement à l’intercession du comte de Savoie, et Charles VI signifia par les lettres de rémission : « qu’il souffrira lever dans sa seigneurie de Beaujeu les aides que Sa Majesté a imposés, comme aussi les arrérages des rentes échues ; faute de quoy ladite grâce sera sans nul effet. »

Mais rentré dans ses domaines, le baron ne devint pas plus circonspect et n’adoucit pas la rudesse de son caractère. II enleva une fille de Villefranche ; ajourné au parlement pour ce méfait, il fit jeter par les fenêtres du château de Perreux l’huissier qui vint lui faire la citation. Arrêté et conduit en prison à Paris, il courait risque de perdre la tête et rie fut sauvé que par le crédit du duc de Bourbon et moyennant la cession qu’il fit à ce prince du Beaujolais, au cas où il mourrait sans enfants légitimes. Le cas se réalisa quelque temps après, en 1400, et la baronnie entra ainsi dans les vastes États de la maison de Bourbon.

Un héritier de cette famille, Pierre IV, fils de Charles de Bourbon, obtint en 1475, de son frère aîné, héritier du duché, la baronnie de Beaujeu, et ce fut lui qui épousa la célèbre princesse Anne, fille de Louis XI, qui, pendant la minorité de son frère Charles VIII, poursuivit contre les derniers seigneurs la politique de son père, avec presque autant d’habileté que lui.

En 1488, les revenus du Beaujolais,. sinon le titre de seigneur, passèrent au cardinal Charles de Bourbon, en échange de ses droits sur le Bourbonnais dont Anne se saisit au nom de son époux ; puis, par une fille de Pierre de Beaujeu et d’Anne de France, Suzanne, le Beaujolais passa à Charles III, comte de Montpensier, dauphin d’Auvergne et ce fameux duc de Bourbon qui, chassé de France par la spoliation de Louise de Savoie, mère de François Ier, porta les armes contre sa patrie.

Le Beaujolais réuni à cette époque fut, en 1560, donné par François II a Louis le Bon, duc de Montpensier, et par succession parvint à Marie de Bourbon, épouse de Gaston d’Orléans, frère de Louis XIII, et passa, du chef de cette princesse, à sa fille Anne-Marie-Louise d’Orléans, la fameuse Mademoiselle, née en 1627 et morte sans alliance publique en 1683. Le Beaujolais fit alors partie jusqu’en 1789 des possessions de la seconde famille d’Orléans.

On appelait Franc-Lyonnais une petite contrée d’environ deux lieues et demie de longueur sur une de largeur, s’étendant sur la rive gauche de la Saône ; elle contenait 13 paroisses exemptes de taille, d’où le nom qu’elle portait. Elle jouissait, disait-on, de ce privilège sous les rois de Bourgogne et les empereurs et ne s’était donnée à la France qu’à la condition qu’il serait maintenu.

Ce fut Louis XI qui, en 1477, la réunit a la couronne. Le Lyonnais, le Beaujolais, le Forez et le Franc-Lyonnais furent réunis en un grand gouvernement qui a subsisté jusqu’en 1790. Outre le gouverneur général, il y eut un lieutenant du roi et un grand bailli d’épée pour le Beaujolais et un sénéchal pour le Lyonnais. Toute la généralité ressortissait au parlement, à la cour des aides et à la chambre des comptes de Paris. Le présidial de Lyon date de 1552.

En 1790, lors de la répartition de la France en départements, on forma le vaste département de Rhône-et-Loire, qui, après le siège de Lyon par la Convention, fut scindé en deux, celui de la Loire, avec Montbrison pour chef-lieu, et celui du Rhône, qui conserva pour capitale Lyon, un instant appelé Commune-Affranchie (1793).

On a pu suivre, dans le récit que nous venons de faire, l’effacement graduel des influences provinciales jusqu’à leur absorption dans la grande unité française, résultat de la nouvelle division territoriale en 1790. A dater de cette époque surtout, l’histoire de Lyon sera l’histoire du Lyonnais et du département du Rhône tout entier.

Au XIXe siècle, l’habitant du Lyonnais, et cette description s’applique aussi bien à l’homme de la ville qu’à celui de la campagne, est plutôt petit que grand, plus souvent brun que blond ; image vivante du sol qu’il habite, ce n’est déjà plus le Nord et ce n’est point encore le Midi.

On décrit alors le Lyonnais comme sobre, actif, dur à la peine, humble et naïf de coeur ; d’un abord un peu timide, mais d’un commerce sûr et d’une amitié fidèle ; il est de moeurs douces et pures, il est resté l’homme de la tradition et de la famille ; chez lui, mieux qu’ailleurs, la probité en affaires a résisté aux entraînements de l’amour du gain ; il y a je ne sais quelle discrète mesure dans toutes ses actions ; la simplicité est comme un produit du sol ; sur les marchés de la campagne, rien ne distingue le plus riche cultivateur du métayer le plus modeste, et, en traversant les rues de Lyon, on ne devinerait jamais, à l’aspect de ces maisons aux murs sombres et aux portes basses, qu’elles renferment les comptoirs de négociants dont la signature est connue et respectée sur toutes les places de l’ancien et du nouveau monde.

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