LA FRANCE PITTORESQUE
15 janvier 1766 : premier mémoire de La Chalotais
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Publié le vendredi 20 novembre 2009, par LA RÉDACTION
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Victime du zèle ardent qu’il avait montré dans l’affaire des jésuites, et de la vigueur avec laquelle il défendait les libertés de sa province, La Chalotais, procureur général du parlement de Bretagne, fut arrêté le 11 novembre 1765 après trente-six ans de services honorables. Pour constater leur refus d’enregistrer un édit royal, les membres de sa compagnie, à l’exception de douze, avaient donné leur démission. La Chalotais était accusé d’avoir écrit au comte de Saint-Florentin deux billets anonymes dont voici le plus court : « Dis à ton maître que, malgré lui, nous chasserons ces douze j… et toi aussi. » L’art conjectural des experts en écriture sembla convaincre La Chalotais ; mais l’illustre magistrat écrivit au roi : « Votre procureur général offre sa tête, s’il peut être prouvé qu’il a écrit ou fait écrire, envoyé ou fait envoyer ces billets anonymes, ou rien d’approchant. »

Nonobstant cette déclaration, dont le style des billets anonymes confirmait assez la vérité, La Chalotais fut soumis aux traitements les plus barbares. On peut en juger par le début de son premier mémoire, daté du 15 janvier 1766 : « Je suis dans les fers ; je trouve le moyen de former un mémoire, je l’abandonne à la Providence ; s’il peut tomber entre les mains de quelque honnête citoyen, je le prie de le faire passer au roi, s’il est possible, et même de le rendre public pour ma justification et celle de mon fils. »

Ce mémoire fut écrit au château de Saint-Malo avec une plume faite d’un cure-dent, de l’encre composée d’eau, de suie, de vinaigre et de sucre, sur des papiers d’enveloppe à sucre et à chocolat. Après l’avoir lu, Voltaire écrivait : « J’ai reçu le mémoire de l’infortuné La Chalotais. Malheur à toute âme sensible qui ne sent pas le frissonnement de la fièvre en le lisant ! son cure-dent grave pour l’immortalité... Les Parisiens sont des lâches, gémissent, soupent et oublient tout. »

La Chalotais, condamné, exile, poursuivi par les vengeances jésuitiques et par la haine de ministres pervers, ne rentra dans sa ville natale et dans ses fonctions qu’au bout de dix ans. (voy. 11 novembre 1775, 12 juillet 1785.)

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