LA FRANCE PITTORESQUE
Histoire de la Corse
(D’après « La France illustrée. Géographie, histoire, administration
et statistique » (par V.-A. Malte-Brun), édition de 1886)
Publié le jeudi 28 janvier 2010, par LA RÉDACTION
Imprimer cet article

L’histoire de la Corse remonte à la plus haute antiquité. On ne sait pas au juste quels furent ses premiers peuples : les uns ont prétendu que ce furent les Phéniciens ; d’autres, et avec raison selon nous, ont pensé que les premières colonies vinrent des côtes de la Toscane. Quoi qu’il en soit, l’arrivée des Phéniciens en Corse parait être mise hors de doute. On pense même que la ville d’Aléria, ville très ancienne et dont Hérodote parle, dut être fondée ou agrandie par eux. Plus tard, les Phocéens, accueillis par Harpagus, un des lieutenants de Cyrus, allèrent établir leur domination dans l’île. Mais, au bout de quelques années, ils en furent chassés par les Étrusques qui bâtirent en Corse une ville appelée Nicéa et qui existait encore du temps de Diodore de Sicile, historien et chroniqueur grec du Ier siècle av. J.-C.

Après la conquête de la Sicile qui eut lieu en 241 av. J.-C., les Romains essayèrent une descente en Corse, ayant à leur tête Cornélius Scipion. Ils s’emparèrent de la ville d’Aléria, mais ils en furent expulsés quelque temps après. Depuis cette époque, les insulaires purent jouir pendant une vingtaine d’années de leur indépendance.

Vers la fin de la seconde décade du VIe siècle de Rome, sous le consulat de C. Licinius Varus et de P. Cornélius Lentulus Claudinus (vers 200 av. J.-C.), une guerre nouvelle fut résolue contre la Corse. Marius Claudius, lieutenant de Licinius, partit et ne tarda pas à prendre terre dans l’île. Là, se voyant à la tête d’une armée respectable, il se croit en état de soumettre les insulaires avec lesquels il ne tarda pas à engager le combat. La victoire ne demeura pas longtemps incertaine, et les troupes de Claudinus, assaillies de toutes parts, étaient au moment d’être taillées en pièces, lorsque la présence de Licinius vint mettre la victoire du côté des Romains.

Plus tard, Rome se vit obligée d’entreprendre de nouvelles expéditions contre cette île. Prévoyant que les Corses parviendraient tôt ou tard à secouer le joug de l’étranger et lui feraient toujours subir des pertes considérables, le sénat ordonna (163 av. J-.C.) l’envoi d’une armée consulaire pour les réduire à jamais. Le consul, Tarentius Talno, fut placé à la tête de l’expédition. La victoire resta aux Romains, et Talno mérita les honneurs du triomphe. A la suite de cette longue et pénible lutte, la paix fut enfin conclue, et la Corse cessa d’être indépendante. Marins et Sylla y fondèrent des colonies, et le premier fit bâtir (vers 100 av. J.-C.) , à l’embouchure du Golo, une ville qui fut appelée Mariana du nom de son fondateur. Cette époque apparaît comme une des plus brillantes de l’histoire de la Corse.

La Corse, bien que soumise, jouit d’une certaine liberté tant que Rome fut libre ; mais, depuis la dictature de Jules César, elle perdit, comme le reste du monde, le droit de s’administrer elle-même. Elle reçut aussi un préteur ou préside qui représentait le despote de la métropole. Sous l’empire, elle partagea le sort commun. Pendant la domination de Claude, Sénèque le philosophe exilé en Corses fut confiné sur la pointe du Cap-Corse, où il paraît avoir habité une tour qui a conservé son nom. Lors de l’affaiblissement de l’empire et de la résolution de Dioclétien de le partager avec Maximien, l’île de Corse resta sous le gouvernement du premier (202). Elle servit ensuite d’asile, avec la Sicile et la Sardaigne, aux Romains qui fuyaient devant les Goths conduits par Radagaise, et tomba en 457 sous la puissance redoutable de Genséric. Les Vandales exercèrent dans cette île toutes sortes d’atrocités. Ils en furent chassés après une domination de soixante-dix-sept ans. Les Grecs leur succédèrent ; mais ceux-ci furent contraints d’abandonner à leur tour le pays à Totila.

Les exploits de Narsès, qui détruisit la puissance des Goths, firent rentrer la Corse sous la domination impériale. Les habitants furent très malheureux à cette époque. Il y eut un moment où la tyrannie des agents impériaux n’eut plus de bornes. Les insulaires ne pouvaient et ne savaient plus se soustraire aux vexations auxquelles ils étaient en butte qu’en fuyant sur une terre étrangère. Saint Grégoire nous apprend que les Corses, abandonnant en foule leur pays natal, cherchaient un asile sur le continent et demandaient aide et appui aux ducs lombards. Les charges que leur imposaient les Grecs étaient. si énormes qu’ils étaient obligés de vendre leurs enfants pour y satisfaire. Les Sarrasins eurent leur tour en Corse ; mais leur empire ne fut que de courte durée, et c’est ainsi que l’île se trouva comprise dans les stipulations que Pépin fit à l’autorité papale en 754.

Dans la suite, les successeurs de Charlemagne firent donation de l’île à la famille de Boniface, baron de, Toscane. A la mort de l’empereur Hugues, devenu marquis de Toscane par la mort de Lambert, dernier rejeton de la famille illustre de Boniface (928), tous les petits barons ou seigneurs des provinces de l’île devinrent autant de souverains en Corse. Chaque seigneur féodal eut son gouvernement. Le peuple applaudit d’abord à cette mutation dans le pouvoir. Ses illusions et ses espérances le rendirent complice d’une foule d’usurpations qui allaient se commettre en son nom.

En effet, les comtes du pays ne tardèrent pas à s’attaquer réciproquement, chacun nourrissant l’espoir de joindre à son État les possessions de son voisin. Le pays entier fut bientôt en combustion. Tous les liens sociaux se trouvèrent brisés ; la loi n’était plus qu’un vain mot. En cet état de choses, le comte de Cinarca, le plus puissant des seigneurs insulaires, entra en campagne à la tête d’une armée considérable. Il avait conçu le projet d’assujettir tous les barons et de se rendre unique souverain du pays. Au milieu de ces circonstances désastreuses, le peuple fatigué de souffrir prit les armes pour son compte. Il mit à sa tête un homme de génie, Sambacuccio, qui le réunit dans la vallée de Morosaglia, où il fut investi d’une espèce de dictature (en 1005).

Le résultat de cette grande et solennelle assemblée du peuple fut immense. Le chef de la nation corse fit rentrer tout le monde dans l’ordre, proclama l’indépendance des communes et anéantit la féodalité. Sous l’influence de cette révolution, une organisation remarquable se développa dans l’île. Chaque commune ou paroisse nommait un certain nombre de conseillers qui, sous le nom de Pères de commune, étaient chargés de l’administration de la justice sous la direction d’un podestat qui en était comme le président. Les podestats des communes de chacun des États ou districts affranchis élisaient un membre du suprême conseil chargé de faire les lois et règlements. Ce fut le conseil appelé des Douze, du nombre des districts qui concouraient à sa nomination. Enfin, dans chaque État ou district, les pères de commune élisaient un magistrat qui, sous le nom de Caporale, avait mission de défendre les intérêts des pauvres et des faibles et de leur faire rendre justice contre les puissants et les riches.

Cependant cette organisation puissante et libérale ne put préserver les insulaires du joug de l’étranger. Sambacuccio étant mort vers l’année 1012, la discorde divisa de nouveau le pays et répandit partout la perturbation. Le comte de Cinarca profita de ces circonstances pour recommencer ses armements contre les États voisins. Le peuple, en présence d’éventualités aussi terribles se mit sous la protection d’un prince ou seigneur étranger capable de le défendre contre les ennemis. Son choix se porta sur Guillaume, marquis de Massa et de Lunigiana. Guillaume accueillit avec faveur l’offre du peuple corse et, sans perdre de temps, il s’embarqua pour l’île, où il réduisit le comte de Cinarca. Au marquis Guillaume succéda le marquis Hugues, son fils, vers l’année 1020.

Rome qui, depuis Pépin et Charlemagne, avait obtenu la cession de l’île, ne l’avait cependant jamais possédée. A la fin, le saint-siège songea à faire valoir ses droits. On envoya en conséquence un évêque de Pise, nommé Landolphe. C’était sous la pontificat de Grégoire III. Du temps d’Urbain II, l’Église céda à la métropole de Pise, moyennant une redevance annuelle, la souveraineté de la Corse. De cette manière les Pisans devinrent les maîtres. Cette nouvelle domination ne dura pas longtemps, grâce à la haine des Génois pour le gouvernement de Pise.

Après bien des embarras et des tracas suscités par Gênes à la république toscane, l’établissement des Génois en Corse eut lieu d’une manière définitive. Cette défaite éveilla chez les Pisans la plus grande animosité contre les Liguriens. Ils parvinrent à mettre dans leurs intérêts Giudice de Cinarca, qui rétablit leur puissance pour de longues années, mais qui ne put la maintenir contre la trahison. Gênes ayant gagné un des lieutenants de Giudice, devenu aveugle, le malheureux vieillard fut impitoyablement livré à ses ennemis, et Pise perdit en lui le plus grand défenseur de son autorité en Corse.

La souveraineté de l’île revint donc à Gênes en 1347. La possession de la république ligurienne fut inquiétée par deux enfants naturels du comte de Cinarca, André, celui que nous venons de voir mourir aveugle. Guillaume de La Rocca, esprit entreprenant et audacieux, ne manqua pas d’obtenir quelques succès.

Cependant, malgré mille vicissitudes diverses, les Génois ne perdirent pas un instant de vue la Corse. Lorsque le gouvernement de la république fut impuissant à contenir les insulaires, des compagnies songèrent à conquérir l’île pour leur propre compte. C’est ainsi que se succédèrent les deux sociétés de la Maona et de Saint-Georges. Mais les empiétements despotiques des gouverneurs envoyés par ces sociétés, et principalement par celle de Saint-Georges, épuisèrent le pays sous tous les rapports. La cruauté des agents de cette société alla si loin, que les particuliers ne pouvaient plus obtenir réparation d’aucune espèce. La justice se vendait au poids de l’or. De là, l’exercice de cette justice privée qu’on doit souvent excuser, sinon justifier par l’absence de toute justice générale. La terrible vendetta (vengeance) se naturalisa dans l’île et fut considérée par les familles comme l’unique moyen de leur conservation.

Une révolution se fit alors dans les mœurs. Toutes ces iniquités excitèrent dans l’âme noble et élevée de Sampiero, au service de la France sous Henri Il, une haine implacable contre Gênes. Aussi Sampiero profita des faveurs dont il fut l’objet à la cour de ce roi, à la suite de ses glorieux exploits, pour pousser la France à entreprendre la conquête de l’île. Henri II y consentit ; et, en 1547, après les efforts du général de Thermes et de l’héroïque Sampiero, la Corse était reconnue comme possession française. Mais le 7 novembre 1559, François II retira de l’île les forces de la France, malgré les preuves d’attachement qu’avaient données les Corses à leurs nouveaux maîtres.

Sampiero ne perdit pas de vue la cause de sa malheureuse patrie. Ayant foi en sa valeur et en celle de ses compatriotes, il reprit la lutte contre la société de Saint-Georges. Gênes ne tarda pas à ressentir les effets de la présence de Sampiero dans l’île. Étienne Doria fut défait, et les troupes espagnoles venues au secours de la république ne ralentirent en aucune manière les exploits du héros. Et déjà le grand citoyen touchait au terme de sa glorieuse entreprise, lorsque la balle d’un traître vint enlever à la Corse un défenseur illustre et un père bien-aimé.

La peste et la famine suivirent de près ce désastre, et les soldats de Sampiero, privés de leur général, se virent contraints d’aller de- mander l’hospitalité à la cour de France, à la cour de Rome et à la cour d’Espagne. Partout ils trouvèrent bon accueil : Henri IV, principalement, ayant été bien servi par quelques-uns d’entre eux, leur accorda le titre et les droits de citoyen ainsi qu’à tous les Corses qui seraient forcés de chercher un refuge en France. Pendant ce temps, Gênes n’arrêtait pas ses rigueurs. Au contraire, les défaites qu’elle avait éprouvées en combattant contre les Corses, au lieu de ramener le sénat à des sentiments plus doux, à une politique conciliante, avaient si bien exaspéré la république, que les insulaires se voyaient tyrannisés de plus en plus.

Dans cette terrible situation, réduits à l’impuissance par l’épuisement de toutes leurs forces, les habitants de l’île cherchèrent leur salut... dans un aventurier ! Théodore-Antoine, baron de Neuhoff, du comtat de La Marck en Westphalie, ayant promis des secours, les Corses consentirent à l’avoir pour roi, sous le nom de Théodore Ier. Ce personnage, un peu romanesque, ne doit pourtant pas être calomnié. Il avait de l’instruction et appartenait à une famille distinguée dont les membres ont tenu rang dans diverses cours ; il était en outre, courageux, entreprenant, ambitieux, et par là capable de se rendre utile dans la lutte qui se poursuivait entre, les Corses et les Génois.

Théodore établit le siège de son modeste gouvernement à Corte. Il fut aimé de son peuple et secondé par lui. Mais il eut bientôt à combattre la jalousie des nobles et à lutter contre Gênes, toujours acharnée contre sa proie. Théodore avait fait des promesses : il en put tenir quelques-unes, et les autres exigeaient du temps, entraînaient des lenteurs. Cependant le temps pressait : Gênes tourmentait de plus en plus les populations avides de sécurité et de repos. Cette situation provoqua, de la part de Théodore, un voyage sur le continent. Afin de mieux garantir les libertés et l’indépendance de son peuple, il alla demander à toutes les puissances et entre autres à la Hollande, les munitions de guerre nécessaires pour délivrer la Corse de la souveraineté de Gênes.

Cette absence un peu trop prolongée éveilla bien des craintes dans l’île ; et les plus chauds partisans de Théodore finirent par porter les vœux douleurs compatriotes un peu partout. Sur ces entrefaites, Gênes venait d’obtenir du cabinet de Versailles une espèce de médiation armée confiée aux soins du comte de Boissieux. La présence de l’envoyé de France fut agréable aux insulaires, persuadés, en général, que le roi leur serait conservé, ou du moins, que les armes françaises n’avaient point pour but de les assujettir de nouveau à la république génoise. Mais les choses changèrent de face, le jour où le comte de Boissieux prit ouvertement parti pour Gênes. La lutte s’engagea presque aussitôt entre les Corses et les Français, et nous devons à la vérité de dire que ceux-ci furent mis par les braves montagnards dans une complète déroute.

La nouvelle de ce désastre inattendu irrita Louis XV. Le comte de Boissieux étant mort, le marquis de Maillebois y fut envoyé pour le remplacer, et on mit sous ses ordres une force armée assez considérable. Maillebois fut plus heureux que son prédécesseur : secondé par un certain nombre de chefs corses et surtout par Hyacinthe Paoli, il soumit enfin l’île. Quoique cette nouvelle domination eût été imposée par la victoire à des patriotes malheureux et épuisés, le gouvernement français aurait été aimé par la très grande majorité des insulaires ; mais la cour de Versailles ne jugea pas à propos de profiter et de jouir de son triomphe. Soit faiblesse, soit complication des affaires extérieures, à la suite de la mort de l’empereur Charles VI, l’ordre fut donné à Maillebois d’évacuer immédiate- ment l’île et de l’abandonner aux Génois (1741). Il en résulta une nouvelle prise de possession de la part de Gênes, représentée par Spinola, et une nouvelle. insurrection de la part des Corses.

Alors un grand homme venait d’arriver en Corse, c’était Pascal Paoli, fils d’Hyacinthe. Simple officier au service du roi de Naples, il résolut d’aller délivrer sa patrie de la tyrannie. Arrivé en Corse, on le proclama général de toutes les forces de la nation. A ce titre, il réunit dans les premiers jours de juillet 1755 une consulte générale, il organisa le gouvernement de l’île et se prépara à la défense. Paoli se montra dès ses premiers actes à la hauteur des circonstances : son génie politique pacifia l’île en quelques années, anéantit la vendetta, unit les chefs des anciens États et éloigna pour toujours du centre de la Corse la maudite domination génoise.

Chose remarquable, le philosophe de Ferney, qui n’a pas toujours été juste pour les Corses, a parlé de Paoli avec admiration : « L’Europe, a-t-il dit, le regardait comme le législateur et le vengeur de sa patrie. Les Corses, ajoute-t-il sur le même sujet, étaient saisis d’un violent enthousiasme pour la liberté, et leur, général avait redoublé cette passion si naturelle, devenue en eux une espèce de fureur. » Nous manquerions à la mémoire de Paoli, si nous ne citions de lui les paroles suivantes : « Il faut que notre administration ressemble à une maison de cristal où chacun puisse voir ce qui s’y passe. Toute obscurité mystérieuse favorise l’arbitraire du pouvoir et entretient la méfiance du peuple. Avec le système que nous suivons, il faudra bien que le mérite se fasse jour, car il est presque impossible que l’intrigue résiste à l’action épurative de nos élections multiples, générales, fréquentes. »

Ces belles paroles montrent bien quel était l’homme qui présidait aux destinées de la Corse vers l’année 1767. Nous devons signaler à cette époque un fait sans importance par rapport à l’histoire générale de la Corse, mais qui mérite d’être remarqué, parce qu’il ne contribua pas peu à la fortune de la famille Bonaparte. En 1767, Charles Bonaparte était secrétaire de Paoli ; il épousa Laetitia Ramolino qui donna le jour deux années après à Napoléon, dont Paoli fut le parrain.

A l’époque de Paoli, l’Europe entière admirait les prodiges de son génie. Le grand Frédéric lui envoya une épée d’honneur dont la lame portait pour inscription : Patria, Libertas ! J.-J. Rousseau écrivait sur l’avenir de cette île célèbre la plus noble prophétie que jamais peuple ait vu réaliser à son profit : « Il est encore en Europe un pays capable de législation ; c’est l’île de Corse. La valeur et la constance avec laquelle ce brave peuple a su recouvrer et défendre sa liberté mériterait bien que quelque homme sage lui apprît à la conserver. J’ai quelque pressentiment qu’un jour cette île étonnera l’Europe. »

Le monde entier avait les yeux sur ce berceau de héros et de grands hommes. Mais que faisait Gênes en ce temps-là ? Expulsée tout à fait de la Corse, menacée presque dans ses murs, grâce aux efforts prodigieux de Paoli, qui non seulement voulut améliorer le pays, mais qui songea à lui créer des forces maritimes, elle supplia la cour de Versailles de venir à son secours ; mais trompée dans son espoir de ce côté, puis humiliée des mille défaites qu’elle avait subies coup sur coup, elle céda enfin à la France ses droits sur une contrée qu’elle ne pouvait plus asservir.

L’offre de Gênes fut acceptée en 1768 (15 mai), et le comte de Marbeuf parut avec une armée sur les côtes d’Ajaccio, pour soumettre tout le pays. La soumission eut lieu, mais non pas sans beaucoup de sang répandu de part et d’autre. Paoli, quoique réduit à des forces très peu considérables et à l’occupation de quelques petits forts sans importance, sut résister au marquis de Chauvelin, qui avait remplacé de Marbeuf. De Vaux succéda au marquis de Chauvelin ; une action générale fut engagée près de Ponte-Nuovo, et Paoli, poursuivi de près, écrasé par le nombre, ne dut son salut qu’à la vitesse de son cheval. Il se réfugia en Angleterre, royaume auquel il avait voulu soumettre sa patrie.

La Corse reconnut, dès lors, la souveraineté de la France. Paoli parvint, il est vrai, sous la Terreur, à délivrer l’île d’une domination qu’il jugeait nuisible aux intérêts de ses compatriotes, et à la soumettre aux Anglais. Mais ceux-ci furent chassés de l’île, lors de l’invasion de l’Italie par les armées de la République.

Telle est, en résumé, écrit au milieu du XIXe siècle le géographe Victor-Adolphe Malte-Brun, l’histoire de la Corse, peuplée encore aujourd’hui par une race d’hommes braves, courageux, intelligents et qui conservent à un très haut degré l’amour de la patrie.

Au nombre des Corses qui furent les premiers à reconnaître les nouveaux dominateurs était un jeune avocat de vingt-trois ans, Charles Bonaparte, descendant d’une famille d’hommes de loi anoblis, d’origine toscane, qui s’étaient établis à Ajaccio, au commencement du XVIIe siècle. Charles Bonaparte était un homme de mœurs douces qui avait épousé une femme célèbre par sa beauté, Laetitia Ramolino. Ils eurent pour fils Napoléon.

Copyright © LA FRANCE PITTORESQUE
Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

Imprimer cet article

LA FRANCE PITTORESQUE