LA FRANCE PITTORESQUE
14 janvier 1628 : mort de Pierre Sarpi
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Publié le jeudi 19 novembre 2009, par LA RÉDACTION
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Le Vénitien Sarpi était né en 1552 : il embrassa en 1565 l’ordre des Servites ; ce fut alors qu’il changea son nom de Pierre en celui de Paul, et qu’on commença à l’appeler Fra-Paolo. Doué d’une mémoire extraordinaire et d’une grande activité d’esprit, il voulut tout savoir, tout connaître : il étudia les sciences morales et physiques. Il fit faire des progrès à l’anatomie : ses admirateurs lui attribuèrent même plusieurs découvertes, qu’on lui conteste avec justice, entre autres celle de la circulation du sang, dont la gloire est demeurée au célèbre Harvey.

Comme théologien, comme historien, comme moraliste, Sarpi mérita d’être sévèrement jugé par Bossuet : M. Daru, dans son Histoire de Denise, confirme, par des documents irrécusables, la sentence de l’évêque de Meaux. Sa fameuse Histoire du Concile de Trente n’est qu’un livre rempli d’erreurs volontaires, et dans lequel le talent ne peut absoudre la mauvaise foi. Bossuet dit que Fra-Paolo n’était pas tant l’historien que l’ennemi déclaré du concile : il dit aussi que sous un froc Sarpi portait un cœur calviniste, et qu’il travaillait sourdement à décréditer la messe qu’il disait tous les jours.

Voici quelques maximes extraites d’un livre que l’auteur destinait à servir de manuel aux inquisiteurs d’état, et qu’on a traduit eu français sous ce titre : Le Prince de Fra-Paolo, ou conseils politiques adressés à la noblesse de Venise : « Dans les querelles « entre les nobles, châtier le moins puissant : entre un noble et un sujet donner toujours raison au noble ; dans la justice civile on peut garder une impartialité parfaite. — Traiter les Grecs comme des animaux féroces ; du pain et le bâton, voilà ce qu’il leur faut : gardons l’humanité pour une meilleure occasion. — S’il se trouve dans les provinces quelques chefs de parti, il faut les exterminer sous un prétexte quelconque, mais en évitant de recourir à la justice ordinaire. »

Un écrivain, un religieux, qui professait de tels principes, ne devait pas s’étonner qu’on les mît en pratique à son égard ; des complots furent trames contre sa vie : le cardinal Bellarmin, son plus violent adversaire, l’en avertit le premier. Sarpi ne sortait plus de sa cellule que revêtu d’une cotte de mailles sous sa robe, et accompagné d’un frère-lai de sou monastère, armé d’un mousqueton. Malgré ces précautions, remarquables surtout dans une ville où le port d’armes à feu était puni de mort, un jour, le 5 octobre 1607, Sarpi fut grièvement blessé par cinq assassins qui le frappèrent de plusieurs coups de poignard. Le sénat de Padoue lui donna dans cette circonstance des marques de l’intérêt le plus vif. Seize ans plus tard, lorsqu’il mourut, la république rendit de grands honneurs à sa mémoire ; elle chargea ses ambassadeurs de notifier cette perte à toutes les puissances de l’Europe.

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