LA FRANCE PITTORESQUE
Fris (Culte de saint) ou Frix (Gers)
(D’après « Histoire de la Gascogne », paru en 1846)
Publié le dimanche 24 janvier 2010, par LA RÉDACTION
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Si nous en croyons une vieille tradition très accréditée dans le pays, mais qui renferme plus d’une erreur, notre saint, fils de Rabod, roi ou duc des Frisons, avait embrassé le christianisme malgré son père, et pour fuir son courroux, il s’était retiré auprès de Charles Martel, son oncle. Charles guerroyait alors contre les Maures d’Espagne qui, ayant franchi les Pyrénées, s’avançaient à travers la Gascogne.

Basilique Saint-Fris, à Bassoues

Basilique Saint-Fris, à Bassoues

Occupé ailleurs, il donna à son neveu un corps d’armée, à la tête duquel celui-ci vint chercher les ennemis. Ils étaient campés au delà de Lupiac sur ces hauteurs où le château de Castelmaure témoigne encore de leur passage. A la vue des mécréants, le saint enflammé de zèle et bouillant d’ardeur se jette sur eux et en fait un horrible carnage. Tout pliait sous ses coups, lorsque Abdérame accourt en personne à la tête de renforts considérables, ramène l’ordre parmi les siens et force les chrétiens à fuir à leur tour. Le neveu de Charles protège la retraite. Arrivé près de Bassoues, il plante sa bannière, là où s’éleva depuis le moulin de l’étendard, et rallie autour de lui la plupart des siens. Une seconde action s’engage, chaude et vive comme la première ; mais comme dans la première, la victoire, après s’être longtemps balancée, se décide pour les infidèles.

Atteint dune flèche mortelle qui lui traverse les cuisses, le brave et infortuné général alla expirer près du pont, auquel sa mort fit donner le nom de pont du Chrétien. Ses soldats poursuivis par l’ennemi l’enterrèrent à la hâte dans l’endroit où il venait de rendre le dernier soupir.

Le martyr dormit longtemps dans sa tombe ignorée, et lorsque Dieu voulut le glorifier parmi les hommes, il révéla miraculeusement ses ossements sacrés. Une vache allait tous les jours lécher une pierre cachée sous d’épaisses broussailles, et quoiqu’elle ne prit pas d’autre nourriture, elle était plus fraîche et plus grasse que le reste du troupeau. Des pasteurs observèrent le prodige et le firent observer à leurs voisins. On creusa sous la pierre et on trouva le corps d’un guerrier armé du casque et de la cuirasse. Au même instant, aux yeux de la foule étonnée, de dessous le tombeau s’échappa une fontaine qui coule encore de nos jours. Parmi ces prodiges, on porta les saintes reliques sur le penchant du coteau voisin et on les enferma dans un tombeau de marbre autour duquel on bâtit bientôt une église devenue aussitôt paroissiale.

Comme on ignorait le nom véritable du saint, on l’appela Frix ou Fris, du nom de la nation qui lui avait donné le jour, et on surmonta son casque d’une couronne en mémoire de la naissance royale que lui attribuait la tradition. Le nom du saint ne tarda pas à se répandre dans la contrée ; plusieurs églises le choisirent pour leur patron. Le plus ancien missel du diocèse que nous connaissions lui consacrait une messe particulière. A Vic-Fezensac, où la chapelle du cimetière lui était dédiée, sa fête était solennisée avec pompe, mais nulle part le concours n’était aussi grand qu’à Bassoues ; ce culte a traversé les âges. Dans notre siècle positif, alors que toutes les dévotions populaires, ou plutôt toutes les poésies de la vie s’en vont tristement une à une, le culte de Saint-Fris s’est maintenu, et la multitude se presse sinon aussi recueillie, du moins aussi nombreuse que jamais autour de sa tombe quoique veuve maintenant du précieux trésor qu’elle renfermait et qui disparut en 1793 avec la plus grande partie de la basilique.

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