LA FRANCE PITTORESQUE
Travaux, préceptes ruraux de septembre
(D’après De Re rustica de Palladius Rutilius, écrit vers le IVe siècle avant J.-C)
Publié le vendredi 22 janvier 2010, par LA RÉDACTION
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Du labour et de l’engrais des champs
Au mois de septembre, on laboure pour la troisième fois les terrains gras et ceux qui conservent longtemps l’humidité, quoiqu’on puisse aussi le faire plus tôt quand l’année a été humide. On bine et l’on ensemence à présent les terrains humides, plats et maigres, auxquels nous avons dit qu’il fallait donner le premier labour au mois d’août. Labourez à présent, pour la première fois, les coteaux maigres, et ensemencez-les immédiatement après, vers l’équinoxe.

Répandez maintenant, au déclin de la lune, d’épaisses couches de fumier sur les collines, et de plus légères dans les champs : par là vous empêcherez les herbes de croître. Columelle dit que vingt-quatre tombereaux de fumier suffisent pour un arpent, et même dix-huit pour un terrain plat. Ne répandez que la quantité de fumier que vous pourrez enterrer le même jour, afin qu’il ne perde pas sa qualité en se desséchant. On fume en quelque partie de l’hiver que ce soit. Mais quand un motif vous aura empêché de le faire dans le temps convenable, avant les semailles, répandez dans le champ du fumier en poudre, comme vous le feriez pour de la graine, ou jetez-y du crottin de chèvre, que vous mêlerez avec la terre au moyen de sarcloirs. Il n’est pas profitable de répandre beaucoup de fumier à la fois ; il vaut mieux le faire modérément et à plusieurs reprises. Un sol aqueux en demande plus qu’un terrain sec. Si vous avez peu d’engrais, vous y substituerez avec succès de la craie ou de l’argile pour les terres sablonneuses, et du sablon pour les terres crétacées et trop compactes. Cette méthode est aussi utile aux blés et rend les vignes très belles. Un vignoble fumé donne ordinairement un méchant vin.

De l’ensemencement du froment et du blé dans un terrain froid ou ombragé
Quand le temps est au beau fixe, semez, ce mois-ci, vers l’équinoxe, le froment et le blé dans les terrains marécageux, maigres, froids ou ombragés, afin que leurs racines prennent de la consistance avant l’hiver.

Des remèdes contre l’humidité amère et contre les animaux qui nuisent aux blés
La terre rend ordinairement une humidité amère qui fait périr les blés. Répandez alors de la fiente de pigeon ou des feuilles de cyprès, et ensuite labourez-les pour les mêler avec la terre. Il existe encore un meilleur remède, c’est de détourner l’humidité pernicieuse au moyen d’une rigole. On sème dans un arpent de terre médiocre cinq boisseaux de froment et autant de blé : un terrain gras n’en demande que quatre. Recouvrez d’une peau d’hyène le boisseau du semeur, et laissez-y quelque temps le grain à semer : il viendra, dit-on, parfaitement.

Lupin blanc. Planche extraite des Plantes médicinales les plus récentes et les plus importantes, paru en 1898

Lupin blanc. Planche extraite des
Plantes médicinales les plus récentes
et les plus importantes, paru en 1898

Pour que certains animaux qui vivent sous terre ne détruisent pas souvent vos blés en les coupant par la racine, faites tremper les grains pendant une nuit, avant de les semer, dans du jus de vermiculaire étendu d’eau ; ou bien encore exprimez le jus d’un concombre sauvage, broyez-en la racine, faites-la dissoudre dans l’eau, et trempez-y les grains que vous devez semer. Quelques-uns, lorsqu’ils voient leurs moissons atteintes par ce fléau, pour en prévenir les ravages, versent sur les sillons et sur les charrues du marc d’huile sans sel, ou de l’eau dont nous venons de parler.

De l’orge
C’est maintenant qu’on sème l’orge dans les terrains maigres : il en faut cinq boisseaux par arpent. On laissera reposer les terres qui auront porté ce grain, à moins qu’on n’aime mieux les fumer.

Des lupins
Semez à présent, ou un peu plus tôt, les lupins dans quelque terrain que ce soit, même dans un sol en friche. Il sera profitable de les semer avant les premiers froids. Ils ne viennent point dans un champ fangeux ; ils craignent les terrains crétacés ; ils aiment la terre maigre et la terre rouge. Dix boisseaux de cette graine remplissent un arpent.

Des pois
A la fin de ce mois-ci vous sèmerez les pois. Ils se plaisent dans une terre meuble et légère, un pays chaud et un climat humide. Il suffira d’en répandre trois ou quatre boisseaux par arpent.

De la sésame et de la luzerne
Semez, à cette époque, la sésame dans un sol léger, dans des sables gras, ou dans une terre rapportée. Il en faudra quatre ou six setiers par arpent. A la fin de ce mois, vous labourerez, pour la première fois, les terres où vous voudrez semer de la luzerne.

De la vesce, du fenugrec et des herbages
C’est à présent qu’on fait le premier ensemencement de la vesce et du fenugrec, quand on veut en faire du fourrage. Sept boisseaux de l’un ou de l’autre rempliront un arpent. Vous sèmerez aussi les herbages dans un terrain fumé qui aura produit tous les ans. On sème dix boisseaux d’orge par arpent, vers l’équinoxe, afin qu’elle soit forte avant l’hiver. Si on veut la faire brouter souvent, elle suffira aux bestiaux jusqu’au mois de mai ; mais si l’on veut en retirer du grain, on ne leur abandonnera cette pâture que jusqu’aux calendes de mars : passé ce temps, on la leur interdira.

Des lupins qu’on sème pour fertiliser les terrains maigres
On sème les lupins, vers les ides de ce mois, pour fertiliser les terrains maigres, et, dès qu’ils sont venus, on les retourne avec la charrue afin qu’ils se pourrissent après avoir été coupés.

Des nouvelles prairies
Vous pouvez maintenant faire à votre gré de nouvelles prairies. Si vous avez le choix du sol, préférez un terrain gras, couvert de rosée, plat et légèrement incliné, ou une vallée dont les eaux ne tombent pas précipitamment et ne séjournent pas longtemps. Vous pouvez encore, au moyen d’irrigations, mettre en prairies un terrain meuble et maigre. Vous en arracherez maintenant tout ce qui l’embarrasse, les herbages hauts et forts ainsi que les arbrisseaux ; ensuite, lorsqu’il aura été souvent remué et ameubli par des labours multipliés, vous enlèverez les pierres, vous briserez toutes les mottes, et vous l’engraisserez de fumier frais, à la nouvelle lune.

Attachez-vous particulièrement à en écarter les bêtes de somme, surtout dans les temps humides, de peur que leur piétinement ne rende le sol inégal en beaucoup d’endroits. Si la mousse couvre les vieilles prairies, ratissez-la et semez du foin dans les parties que vous aurez grattées. Répandez-y souvent aussi de la cendre : c’est un bon remède pour détruire la mousse. Si une portion de prairie est devenue stérile par moisissure, par négligence ou par vétusté, il faut la labourer et l’aplanir de nouveau ; car on doit souvent retourner les prés stériles.

Vous pouvez semer des raves clans les prairies nouvelles, et, quand vous les aurez récoltées, vous exécuterez pour le surplus tout ce qui a été dit. Vous pourrez néanmoins y semer ensuite du foin mêlé avec de la vesce, en ayant soin de ne pas arroser ces graines avant qu’elles aient durci le sol, pour que l’eau, en s’infiltrant, n’en détruise pas le peu de solidité.

De la vendange
Faites la vendange, ce mois-ci, dans les pays chauds et voisins de la mer, et préparez-la dans les pays froids. Vous emploierez douze livres de poix pour poisser les futailles de deux cents conges, et moins, à proportion, pour celles d’une moindre capacité. Vous connaîtrez qu’il est temps de vendanger, lorsqu’en exprimant les pépins renfermés dans les grains, vous en trouverez de gris, et quelques-uns même presque noirs : c’est un effet de la maturité. Les bons agronomes mêlent une livre d’excellente cire sur dix livres de poix : ce mélange donne du parfum et du goût au vin, adoucit la poix, et l’empêche de s’écailler dans les temps froids. Vous goûterez la poix pour vous assurer de sa douceur, parce que son amertume gâte souvent le vin.

Du panic, du millet et des haricots
Récoltez à présent, dans quelques cantons, le panic et le millet. Semez en ce temps-ci les haricots destinés à la table. Apprêtez maintenant les perches nécessaires pour la chasse aux hiboux, et les autres instruments à l’usage de cette chasse, dont on s’occupe vers les calendes d’octobre.

Des jardins
On sème, à cette époque, le pavot dans les pays chauds et secs ; ou peut aussi le semer avec d’autres plantes potagères. Il vient mieux, dit-on, dans les terrains où l’on a brûlé des broussailles et des sarments. Dans ce temps-ci on sème utilement les choux pour les transplanter au commencement de novembre, et pouvoir en récolter la tête pendant l’hiver, et les rejetons au printemps. Vous bêcherez, ce mois-ci, à trois pieds de profondeur, les planches des jardins que vous devez ensemencer au printemps, et vous les fumerez au déclin de la lune. Semez le thym à la fin du mois : il viendra mieux en pied, quoiqu’il puisse aussi venir de graine. Il aime les terrains exposés au soleil, maigres et voisins de la mer.

Jujubier. Planche extraite du Traité des arbrisseaux et des arbustes cultivés en France et en plaine, paru en 1825

Jujubier. Planche extraite du
Traité des arbrisseaux et des
arbustes cultivés en France
et en plaine, paru en 1825

Vous sèmerez aussi l’origan vers l’équinoxe. Il demande à être fumé et arrosé jusqu’à ce qu’il ait pris de la force. Il se plaît dans les lieux sauvages et au milieu des rochers. Semez à la même époque le câprier : il serpente au loin ; son suc nuit aux terres. Pour l’empêcher de trop s’étendre, vous le sèmerez dans un terrain sec et maigre, entouré d’un fossé ou d’une muraille construite avec de la boue. Il fait naturellement la guerre aux herbes, fleurit en été, et se dessèche vers le coucher des Pléiades. Il est bon de semer la nielle à la fin de ce mois. On sème maintenant le cresson et l’aneth dans les pays chauds ou tempérés, les raiforts dans les terrains secs, les panais et le cerfeuil vers les calendes d’octobre, les laitues, la poirée, la coriandre, les raves et les navets dans les premiers jours du mois.

Des jujubiers étrangers
Au mois de septembre, vers les calendes d’octobre, ou au mois de février, propagez les jujubiers étrangers par rejetons ou par noyaux, et donnez tous vos soins à leur âge tendre. Détachez de l’arbre un rejeton avec ses racines, et, après l’avoir enduit de boue et de fiente de bœuf, plantez-le dans un sol gras et travaillé, sur un lit de coquilles et d’algue marine ; puis recouvrez-le presque entièrement de terre. D’autres, dès que les noyaux sont tombés et ont séché au soleil, en mettent trois ensemble, en automne, dans une terre grasse et à demi criblée. De leur réunion naît, dit-on, un seul arbuste, dont on fortifie la jeunesse par de nombreux arrosages et de légers labours. On transplante ensuite, au bout d’un an ou un peu plus tard, le sujet né de ces semences : il donne ainsi des fruits plus doux.

Entés sur le cognassier, à la fin du mois de janvier ou au mois de février, les scions des jujubiers étrangers réussissent à merveille. On les greffe aussi sur tous les pommiers, les poiriers et les pruniers. Ceux de Calabre se greffent mieux en fente sur le tronc que sous l’écorce. On couvre l’arbre d’un panier ou d’un vase d’argile, et l’on entoure les scions, presque jusqu’à la cime, de terre labourée et de fumier. Les soins dont j’ai parlé au sujet des pommiers sont également profitables aux jujubiers étrangers, dont on conserve les fruits en les plaçant dans du millet ou dans des cruchons poissés et bouchés.

Du sirop de mûres
Faites légèrement bouillir du jus de mûres sauvages ; mêlez-en deux tiers avec un tiers de miel, et laissez cuire ce mélange jusqu’à ce qu’il ait acquis la consistance du miel.

De la manière de conserver les raisins
Voulez-vous conserver du raisin, cueillez des grappes saines, dont les grains ne soient ni durs par trop de verdeur, ni flasques par trop de maturité ; qu’ils aient une belle transparence, et résistent mollement au toucher. Enlevez ceux qui sont gâtés ou pourris ; rejetez également ceux dont l’invincible aigreur a bravé les bénignes influences du soleil d’été. Coupez ensuite les queues des grappes, plongez-les dans de la poix bouillante, et suspendez-les dans un endroit sec, frais, et impénétrable à la clarté du jour.

Des ceps dont les fruits se moisissent
Trente jours avant la vendange, épamprez sur les flancs les ceps dont l’humidité fait moisir les fruits, et ne laissez toue les feuilles d’en haut, qui garantiront la cime de la trop grande ardeur du soleil.

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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