LA FRANCE PITTORESQUE
13 janvier 1555 : mort du médecin
et anatomiste Jacques Dubois,
professeur au collège royal
(D’après « Encyclopédie médicale ou Traité général,
méthodique et complet des diverses branches de
l’art de guérir » (Tome 6), paru en 1840
et « Biographie universelle ancienne
et moderne » (Tome 11), édition de 1855)
Publié le samedi 13 janvier 2024, par LA RÉDACTION
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Il se fit estimer par la facilité qu’il avait de parler de tout ce qui regarde sa profession et par les ouvrages qu’il donnait continuellement au public. Admirateur des anciens, il était autant attaché à leurs opinions qu’il aimait la lecture de leurs écrits, remettant les doctrines d’Hippocrate en vigueur
 

Jacques Dubois, dit Sylvius, savant médecin, né à Louvilly, près d’Amiens, en 1478, était fils d’un pauvre ouvrier en camelot. François Sylvius, son frère aîné, professeur d’éloquence et principal au collège de Tournai à Paris, lui enseigna la grammaire et les belles-lettres.

Ses progrès dans la langue latine furent très remarquables : on prétend même que personne de son temps ne la parlait avec autant de pureté et d’élégance ; il apprit aussi le grec et l’hébreu et s’appliqua ensuite à l’étude de la médecine. A peine eut-il achevé ses cours, qu’il commença à donner des leçons publiques sur les ouvrages d’Hippocrate et de Galien. La supériorité de sa méthode, la beauté de son organe, le charme de son débit, lui attirèrent un grand nombre d’élèves ; mais, sur les plaintes de ses confrères, il lui fut fait défense d’enseigner avant d’avoir pris ses degrés.

Jacques Dubois

Jacques Dubois

Il se rendit donc à Montpellier pour se faire recevoir docteur : il y arriva en 1529 et fut immatriculé le 21 novembre de cette année. Il avait alors 51 ans. L’année suivante il fut promu au doctorat et ne tarda point à retourner à Paris. Mais comme, suivant les apparences, il fut encore inquiété par les médecins de cette ville, il se détermina à prendre le premier degré dans leur Faculté. A cet effet, il se présenta pour être reçu au baccalauréat, ce qu’il obtint le 28 juin 1531. Il n’alla pas plus loin.

La considération que la Faculté avait pour lui la porta à lui témoigner publiquement toute l’estime qu’elle faisait de ses talents. Le 27 janvier 1535, les docteurs assemblés, il fut statué que ceux qui professaient la médecine hors des écoles pourraient la professer dans les écoles de l’Université et recevoir l’honoraire de leurs leçons. On ajoute que ce décret était fait pour Jean Fernel, qui enseignait au collège de Cornouailles, et pour Jacques Sylvius, bachelier de Paris et docteur de Montpellier, qui professait la médecine au collège de Tréguier.

Notre médecin eut, dit-on, jusqu’à 500 écoliers, pendant que le célèbre Fernel n’en avait qu’un très petit nombre. Cette différence venait de ce que le premier faisait en même temps dans sa classe des dissections, enseignait la préparation des remèdes et démontrait la botanique, avantages que n’avait point le dernier.

La réputation que Sylvius acquit par ses leçons particulières lui mérite bientôt l’honneur d’être nommé pour en faire de publiques. Vidus Vidius, célèbre médecin de Florence, que François Ier avait attiré en France pour enseigner la chirurgie, presque oubliée dans ce royaume, commençait à se dégoûter de la chaire que ce prince lui avait donnée au collège royal qu’il avait fondé. Comme il songeait d’ailleurs à retourner dans sa patrie, il prit la résolution d’exécuter son dessein et se retira chez lui en 1548.

On ne tarda pas à chercher un sujet propre à remplir la place vacante ; le choix de Henri II se porta sur Sylvius ; mais ce dernier hésita si longtemps à se prêter à la nomination du roi, qu’il ne fut installé qu’en 1550. Il fit honneur à la chaire qu’on lui avait confiée et s’y distingua jusqu’à sa mort, survenue le 13 janvier 1555. Il fut enterré dans le cimetière des pauvres écoliers, comme il l’avait ordonné par son testament. Toute l’Université honora son convoi de sa présence, et les docteurs en médecine y assistèrent en robes rouges.

Ce savant homme n’avait jamais été marié et ternit sa réputation par son extrême avarice. Il allait fort mal vêtu, ne donnait que du pain à ses domestiques, passait l’hiver sans feu, et lorsque le froid était trop rigoureux, il s’échauffait soit en jouant au ballon, soit en montant une grosse balle de la cave au grenier. Il exigeait durement le salaire auquel il taxait ses écoliers. Aussi quand on démolit, en 1616, sa maison de la rue Saint-Jacques, les ouvriers y trouvèrent-ils beaucoup de pièces d’or. Son avarice donna lieu à ce distique de Buchanan, qui fut mis à la porte de l’église le jour de son enterrement :

Sylvius hic situs est, gratis qui nil dedit unquam,
Mortuus et gratis quod legis ista dolet.

Ce fut ce même défaut qui dicta le dialogue intitulé : Sylvius ocreatus (Sylvius botté), publié sous le nom de Ludovicus Arrivabenus Mantuanus, dont on croit que Henri Etienne était le véritable auteur. On y suppose que Sylvius, voulant passer l’Achéron sans rien payer, avait pris ses bottes pour le traverser à gué. Dans le fait, il portait souvent des bottes, et pendant sa dernière maladie, étant obligé d’avoir du feu, il ne les quitta point de peur de se brûler les jambes, et il en était revêtu lorsqu’il mourut. Jean Melet, un de ses disciples, répondit à cette satire par un écrit intitulé : Apologia in Ludov. Arrivabenum pro D.J. Sylvio, et où il prit le nom de Claudius Burgensis.

On voit dans tous ses ouvrages, que Sylvius était très attaché à la doctrine de Galien, dont il combat néanmoins les idées sur l’astrologie judiciaire : son style est pur, élégant, formé sur les écrivains de la bonne latinité.

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