LA FRANCE PITTORESQUE
Folies de Dunkerque : ancêtre du Carnaval
(D’après « Coutumes, mythes et traditions des provinces de France » paru en 1846))
Publié le samedi 18 février 2012, par LA RÉDACTION
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Les Folies, qui donnèrent naissance au Carnaval, se célébraient à Dunkerque le 24 juin, jour de la Saint-Jean ; et elles attiraient un tel concours que souvent les curieux, ne pouvant trouver place dans aucune maison de la ville, étaient obligés de coucher dans les rues.
 

La solennité commençait par une grand’messe, célébrée à l’église paroissiale, et, après la messe, la procession se mettait en marche, la police du cortège étant faite par des hommes habillés en diables.

Église Saint-Eloi à Dunkerque

Église Saint-Eloi à Dunkerqu

A la tête de la procession étaient les confréries de Sainte-Barbe, Saint-Sébastien et Saint-Georges. Les confrères de Sainte-Barbe étaient vêtus d’un habit rouge, avec parements et culotte noirs, et portaient des flambeaux ; ceux de Saint-Sébastien portaient un habit et une culotte rouges avec parements et veste jaunes, et tenaient aussi des flambeaux ; enfin, les confrères de Saint-Georges avaient l’habit et la culotte d’écarlate, les parements et la veste de moire blanche, avec des boutons d’or, ils portaient l’épée nue, et l’un d’eux, tenant l’étendard de Saint-Georges, faisait consister son adresse à passer et repasser cet étendard sous le ventre de son cheval pendant qu’il excitait celui-ci à caracoler.

Venaient ensuite les différents ordres religieux ; puis les bannières de la paroisse, au nombre de neuf et très riches, lesquelles précédaient le saint Sacrement porté sous un dais en moire blanche, à bâtons d’argent, enrichis de pierres précieuses. Ce dais et le clergé étaient suivis des fonctionnaires publics et entourés de cent grenadiers les armes hautes. Lorsque la procession était rentrée, les Folies commençaient.

Carnaval de Cassel dans le Nord Peinture d'Alexis Bafcop (1876)

Carnaval de Cassel dans le Nord
Peinture d’Alexis Bafcop (1876)

En avant des chars, marchaient des hommes babillés en blanc et armés de très longues perches garnies de fleurs. Le premier char, attelé de huit chevaux élégamment caparaçonnés et chargé de musiciens, représentait les Joies de était placé un jeune homme décoré de tous les attributs du dauphin de France ; au pied de son trône se trouvaient une douzaine de courtisans, environnés de musiciens ; et en avant du char marchaient vingt-quatre jeunes gens enfermés jusqu’à mi-corps dans des dauphins en carton ; ils étaient armés de lances et joutaient ensemble. Le troisième char, dit Char de la Reine, portait une jolie fille superbement vêtue et placée sur une estrade au pied de laquelle les gens de sa cour exécutaient des danses.

Le Char du Roi était disposé de la même manière. Un autre char, nommé le Paradis, était fermé par des banderoles blanches, mêlées de rouge et de bleu en dedans, lesquelles formaient des bancs où se trouvaient assis soixante à quatre-vingts jeunes gens, habillés de blanc, qui mariaient leurs voix au sons des instruments. Un char, décoré de branchages, était rempli de sauvages, vêtus d’une toile couleur de chair, sur laquelle on avait appliqué des feuilles d’arbres ; et ces sauvages étaient armés de seringues avec lesquelles ils aspergeaient les curieux.

Enfin, le char appelé l’Enfer, apparaissait : il était de forme ronde et garni tout autour d’hommes habillés en diables ; puis, à la partie la plus élevée, était un foyer que ces diables attisaient et dont ils faisaient jaillir des flammes.

Le géant d'osier au début du XIXe siècle

Le géant d’osier
au début du XIXe siècle

En avant de ce char, se démenait un homme habillé en femme, qu’on appelait Proserpine ; il était armé de deux bouquets, l’un très beau et très odoriférant, l’autre rempli d’épingles et d’épines ; et l’adresse de ce personnage consistait à présenter à quelqu’un le joli bouquet, et à lui substituer l’épineux au moment où l’on s’approchait pour le sentir. Derrière le même char, marchait un homme seul, costumé aussi en diable, portant pour couronne une espèce de réchaud, et tenant un croc en guise de sceptre.

Après lui venaient douze pages, coiffés de bonnets d’une telle hauteur qu’elle les faisait ressembler à des nains ; puis le géant d’osier, haut de six mètres et que l’on appelait Papa Reuze, lequel géant était vêtu de bleu avec des galons d’or. Il était porté par douze hommes qui le faisaient mouvoir et danser, et avait dans sa poche un enfant qui criait sans cesse : papa ! papa ! tout en mangeant des gâteaux que le public lui jetait. Douze gardes, armés de pertuisanes, fermaient le cortège.

Vue des environs

Vue des environs

Si la naissance du Reuze, dont le nom vient du flamand reus signifiant géant, est située vers 1550, son existence est officiellement attestée en 1694, date à laquelle on trouve une affiche évoquant la procession de la Saint-Jean et mentionnant la présence de la « nouvelle machine d’un géant » appelé Titenka, précédée par « l’ancien géant » appelé Reuze. Ce qui montre que ce dernier existait effectivement avant 1694.

Deux légendes se disputent l’origine du Reuze, la première étant la plus vraisemblable. Il pourrait être la représentation d’Allowyn (ou Hallewyn), chef militaire scandinave dont les guerriers, d’une imposante stature, envahirent la Flandre. Blessé, celui-ci aurait été soigné puis baptisé par saint Eloi, avant de passer le reste de son existence à Dunkerque, d’où l’hommage que lui rendirent les Dunkerquois. Mais il pourrait être le fruit de la dérision qu’exprimèrent les paysans flamands à l’égard des Reuzes, leurs seigneurs, lorsqu’ils obtinrent de ces derniers leur liberté au Moyen Age : le géant aurait ainsi été construit pour être brûlé lors de la fête flamande de la Saint-Jean, fête du solstice d’été marquée par de grands feux.

Considéré comme un symbole du fanatisme religieux à la Révolution, le Reuze sera tour à tour vêtu du chapeau des Représentants de la Nation, de la carmagnole et du bonnet phrygien, avant que les différentes têtes du géant ne soient vendues en 1792 à des particuliers. C’est seulement en 1840 qu’il renaît à l’occasion d’une fête de bienfaisance organisée au profit des familles de marins disparus en Islande l’année précédente. Il apparaît dès lors au sein des cortèges du Dimanche gras et de la mi-carême, toujours accompagné d’enfants.

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