LA FRANCE PITTORESQUE
Gaulois sous la domination romaine (Costumes)
((D’après un article paru en 1842)
Publié le lundi 18 janvier 2010, par LA RÉDACTION
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Hommes
La quatrième révolution qui s’opéra dans le costume des Gaulois le changea tout à fait. La Gaule ayant été soumise par les Romains, une partie de ses habitants, les principaux personnages surtout, adoptèrent l’habit en même temps que les moeurs et le langage de leurs vainqueurs ; mais le peuple conserva plus de nationalité ; et l’usage des braies se prolongea même au-delà du règne de Charlemagne.

Le luxe parvint à un tel excès, qu’hommes et femmes se chargeaient de bijoux, et portaient des anneaux, des colliers, des pendants d’oreilles, des bracelets, des ceintures, des agrafes et des boucles d’or, de pierreries et de perles. Les paysans, les soldats et le bas peuple portaient aussi des bijoux, mais ces bijoux étaient d’argent.

Sous Constantin (306), l’orarium, bandoulière de lin blanc qu’on passait par-dessus la tunique pour s’essuyer le visage, était d’un usage général ; on y ajouta bientôt de l’or et des pierreries. Ensuite on inventa le sudarium, espèce de mouchoir qu’on tenait à la main. L’orarium fut enfin remplacé par une longue bande très riche, que l’on tournait plusieurs fois autour du corps.

Femmes
Les femmes gauloises, à l’exemple des hommes, firent subir à leurs vêtements des changements sensibles. Peu à peu elles échancrèrent la tunique, et la plissèrent par devant pour la rendre plus juste au corps. Elles avaient en dessous le strophium, espèce de corset ; leurs chlamydes étaient semblables à celles des hommes. Les riches plébéiennes portaient des manteaux fermés que les femmes nobles adoptèrent ensuite ; ils étaient plus longs par derrière que par devant, brodés de fleurs, garnis de festons ou d’une bordure, et quelquefois fendus sur le côté droit.

Elles portèrent longtemps des bas et des mules d’étoffe blanche. Leur bonnet était une espèce de calotte ; mais elles se coiffaient souvent en cheveux, et en ajoutaient aux leurs beaucoup de faux tirés du Nord, parce que les blonds ardents étaient presque toujours de mode. L’écume de bière, qui servait de ferment pour le pain, passait aussi pour excellent cosmétique, et les dames gauloises s’en lavaient fréquemment le visage, afin d’entretenir la fraîcheur de leur teint.

Costume d'un chef gaulois sous la domination romaine. Dessin composé d'après Herbé, par Wattier.

Costume d’un chef gaulois
sous la domination romaine.
Dessin composé d’après
Herbé, par Wattier.

La tunique des femmes du peuple était plus courte que celle des femmes riches ; elles avaient ordinairement un petit tablier, et leur manteau était fermé ou fendu. Les plus pauvres ne portaient qu’une tunique et allaient nu-pieds. Les jeunes mariées s’habillaient en jaune.

Guerriers et armes
Les troupes auxiliaires que Rome levait dans la Gaule, confondues parmi les légions romaines, et y trouvant des grades et des récompenses, en prirent les armes et la manière de combattre. Les milices urbaines conservèrent plus longtemps les usages de leurs pères. Les troupes légères avaient une cuirasse par dessus la saie. Un très grand nombre de soldats portaient la tunique et les braies ; d’autres, le manteau court et le caleçon romain.

Sous Théodose (379), toutes les troupes avaient adopté l’épée espagnole, qu’on suspendait à sa droite ; quelques soldats avaient en même temps l’épée romaine ou un sabre. Vers le Bas-Empire, les Gaulois eurent des cavaliers qu’on nomma cataphractaires ; ils étaient entièrement couverts de fer, et combattaient avec la lance et la hache.

Les armes ordinaires étaient la lance et l’épée. Les boucliers de la cavalerie venaient de l’épaule à la hanche ; ceux de l’infanterie, de l’épaule au genou. Ils étaient en cuir, ou en bois garni de fer, carrés, hexagones, ronds ou ovales ; on les ornait du monogramme sacré, qui fut remplacé par la croix. Les cuirasses étaient en cuir, ou faites par écailles ou bandes de fer. Les casques étaient de cuivre, de fer, ou de cuir garni de fer.

Caracalles
Si les Gaulois empruntèrent leur costume aux Romains après la conquête, les peuples italiens avaient adopté, longtemps auparavant, la plupart des vêtements fabriqués dans la Gaule : la linna ou lenne (couverture), la saie, le bardocuculle. Il en fut de même sous les empereurs. Les modes gauloises pénétrèrent alors jusque dans les armées romaines, et l’on y vit à la tête des légions des chefs vêtus comme Indutiomar ou Vercingétorix. Pendant le séjour que fit en Gaule Antonin, fils et successeur de Sévère (211), cet empereur se prit de passion pour un vêtement du pays, appelé caracalle, espèce de tunique à capuchon, formée de plusieurs bandes d’étoffe cousues ensemble. Non seulement il l’adopta pour son usage et le plia à l’habillement des soldats romains, mais il voulut en affubler aussi le bas peuple de Rome.

La caracalle telle que les Gaulois la portaient, courte et dégagée, de manière à ne pas gêner ni les mouvements du corps ni la marche, convenait bien à la vie militaire ; pour l’accommoder aux habitudes civiles, Antonin la fit fabriquer ample et traînante. Pendant un voyage de quelques jours à Rome en 213, pour y célébrer des jeux et y distribuer des vivres et de l’argent aux prétoriens et aux peuple, il comprit dans ses libéralités une distribution de caracalles. Tout le monde voulut essayer des nouvelles tuniques, qu’on nomma antoniennes : de la ville la mode gagna les provinces, et l’antonienne s’introduisit dans l’usage habituel. Vêtement simple et peu coûteux, elle servit plus tard de modèle au costume des cénobites chrétiens de la Thébaïde. Mais tandis que le nom de l’empereur romain passait par honneur au vêtement gaulois, celui du vêtement gaulois passa par dérision à l’empereur romain. Dans les conversations de l’intimité, dans les correspondances secrètes, on n’appela plus le fils de Sévère que Caracallus ou Caracalla. L’histoire même, en dépit de sa gravité, consacra ce sobriquet burlesque, qui est définitivement resté à Antonin.

Fêtes annuelles en l’honneur de l’ancien costume national
Quelles que fussent l’élégance et la richesse de leurs parures romaines, les Gaulois regrettèrent vivement leurs saies, leurs braies, leurs courtes chlamydes, et tous ces vêtements qui leur rappelaient à la fois leurs succès, leur indépendance, et cette vie un peu sauvage, plein de tant d’attraits pour leur esprit belliqueux.

Aussi, afin de perpétuer le souvenir de l’ancien costume, instituèrent-ils des fêtes annuelles, pendant lesquelles les uns portaient des jupes flottantes, assez semblables à celles des Écossais ; les autres chaussaient les sandales de bois que leurs pères avaient inventées, et que pour cette raison on appelait gallicae, ce que nous avons traduit par galoches : ceux-ci s’affublaient de tuniques blanches, à l’instar des anciens druides ; ceux-là ornaient leur chevelure d’une poussière d’or. Pour compléter la fête, ils passaient une partie du jour et de la nuit dans les festins. Ces grands repas et ces déguisements ont peut-être donné lieu aux espèces de saturnales qui se pratiquaient encore au XIXe siècle ; mais on peut assigner encore au carnaval d’autres origines.

Un repas gaulois. D'après un bas-relief découvert à Paris.

Un repas gaulois. D’après un
bas-relief découvert à Paris.

Repas des Gaulois
Un voyageur célèbre, Posidonius, qui souvent s’assit à leurs tables, nous a laissé des repas des Gaulois une description curieuse. Autour d’une table fort basse étaient disposées par ordre des bottes de foin ou de paille ; c’étaient les sièges des convives. Les mets consistaient d’habitude en un peu de pain et beaucoup de viande bouille, grillée ou rôtie à la broche ; le tout servi proprement, dans des plats de terre ou de bois chez les pauvres, d’argent ou de cuivre chez les riches.

Quand le service était prêt, chacun faisait choix de quelque membre entier d’animal, le saisissait à deux mains, et mangeait en mordant à même : on aurait dit d’un repas de lions. Si le morceau était trop dur, on le dépeçait avec un petit couteau dont la gaine était attachée au fourreau du sabre. On buvait à la ronde dans un seul vase, en terre ou en métal, que les serviteurs faisaient circuler ; on buvait peu à la fois, mais en y revenant fréquemment. Les riches avaient du vin d’Italie et de Gaule, qu’ils prenaient pur ou légèrement trempé d’eau ; la boisson des pauvres était la bière et l’hydromel. Près de la mer et des fleuves, on consommait beaucoup de poisson grillé, qu’on aspergeait de sel, de vinaigre et de cumin ; l’huile, par tout le pays, était rare et peu recherchée.

Dans les festins nombreux et d’apparat, la table était ronde, et les convives se rangeaient en cercle alentour. A côté du personnage le plus considéré par la vaillance, la noblesse ou la fortune, s’asseyait le patron du logis, et successivement chaque convive, d’après sa dignité personnelle et sa classe ; voilà le cercle des maîtres. Derrière eux se formaient un seconde cercle concentrique au premier, celui des servants d’armes ; une rangée portait les boucliers, l’autre rangée portaient les lances ; ils étaient traités et mangeaient comme leurs maîtres.

L’hôte étranger avait aussi sa place marquée dans les festins gaulois. D’abord on le laissait discrètement se délasser et se rassasier à son aise, sans la troubler par la moindre question. Mais à la fin du repas on s’enquérait de son nom, de sa patrie, des motifs de son voyage ; on lui faisait raconter les moeurs de son pays, celles des contrées diverses qu’il avait parcourues, en un mot tout ce qui pouvait piquer la curiosité d’un peuple amoureux d’entendre et de connaître.

Cette passion des récits était si vive chez les Gaulois, que les marchands arrivés de loin se voyaient accostés au milieu des foires, et assaillis de questions par la foule. Quelquefois même les voyageurs étaient retenus malgré eux sur les routes, et forcés de répondre aux passants.

Après des repas abondants, les Gaulois aimaient à prendre les armes et à se provoquer mutuellement un contre un à des duels simulés. D’abord ce n’était qu’un jeu ; ils attaquaient et se défendaient du bout des mains. Mais leur arrivait-il de se blesser, la colère les gagnait ; ils se battaient alors sérieusement, et avec un acharnement tel que, si l’on ne s’empressait de les séparer, l’un des deux restait sur la place. Il était d’usage que la cuisse des animaux servis sur la table appartînt au plus brave, ou du moins à celui qui prétendait l’être ; si quelqu’un osait la lui disputer, il en résultait un duel à outrance.

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