LA FRANCE PITTORESQUE
IXe siècle (Costumes du)
(D’après un article paru en 1843)
Publié le jeudi 7 octobre 2010, par LA RÉDACTION
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A la mort de Charlemagne (814), Louis-le-Pieux, plus généralement surnommé le Débonnaire, hérita du titre d’empereur et de roi de Francs. Peppin, autre fils de Charlemagne, avait eu en partage le royaume d’Italie. Louis-le-Débonnaire associa (817) son fils Lothaire à l’empire, créa son second fils Peppin roi d’Aquitaine, et son troisième fils Louis roi de Bavière (que l’on nomma plus tard Louis-le-Germanique). Son quatrième fils, Charles II, dit le Chauve, qu’il avait eu de Judith, sa seconde femme, n’entra d’abord dans aucun partage.

Louis-le-Germanique. Tiré du recueil de la Maison de Bavière représentée en soixante-deux figures.

Louis-le-Germanique.
Tiré du recueil
de la Maison de
Bavière représentée
en soixante-deux figures.

Les démêlés de Louis-le-Débonnaire et de ses fils eurent pour résultat deux dépositions et deux restaurations de ce prince, décédé le 20 juin 840 à Ingelheim, île du Rhin, près de Mayence. Avant de mourir, Louis diminua la part de ses fils aînés, qui, il est vrai, l’avaient bien mérité par leurs révoltes, et dota à leurs dépens le fils de son choix, Charles-le-Chauve.

Un ancien chroniqueur (l’Anonyme, appelé aussi l’Astronome) rapporte, à l’année 791, que Louis-le-Débonnaire, âgé alors d’environ treize ans, fût armé solennellement au château de Rensbourg par Charlemagne qui lui ceignit l’épée. C’était un reste d’ancien usage des Francs et des Germains, qui consacrait le moment où l’enfant recevait, avec les armes, le droit de défendre la patrie, comme une des grandes époques de la vie ; et ce fut le commencement d’un autre usage, si célèbre depuis sous le nom de Chevalerie. Lorsque le 11 novembre 833, Louis-le-Débonnaire récita publiquement lui-même, à Soissons, une confession des crimes et des fautes qu’il s’attribua avec une humilité toute chrétienne, les évêques qui présidaient à cette dégradation lui firent déposer sa ceinture militaire sur l’autel et revêtir l’habit de pénitent.

D’après le récit d’un autre chroniqueur du neuvième siècle (Thégan), Louis-le-Débonnaire, doux et indulgent de caractère, chaste dans ses moeurs, économe dans ses habitudes, était simple dans ses vêtements. Jamais on ne voyait briller l’or sur ses habits, si ce n’est dans les fêtes solennelles, selon l’usage de ses ancêtres. Dans ces jours, il ne portait qu’une chemise et des hauts-de-chausses brodés en or, avec des franges d’or, un baudrier et une épée tout brillants d’or, des bottes et un manteau couverts d’or ; enfin, il avait sur la tête une couronne resplendissante d’or et tenait dans sa main un sceptre d’or. Toute la première partie du neuvième siècle fut troublée par les guerres, non seulement des fils de Louis-le-Débonnaire contre leur père, mais aussi des quatre frères entre eux. En ces temps d’agitation, on voit peu de changement dans les costumes.

Costumes civils sous Charles-le-Chauve. D'après Viel-Castel et Herbé.

Costumes civils sous
Charles-le-Chauve. D’après
Viel-Castel et Herbé.

Charles-le-Chauve n’avait que dix-sept ans, lorsque son père décéda. La France, la Bourgogne et l’Aquitaine lui échurent en héritage. Mais les rivalités des fils du vieil empereur amenèrent successivement de nouveaux partages de l’empire, jusqu’à ce qu’enfin, après de terribles luttes, on sentit la nécessité de procéder à une division finale, qui fonda définitivement la nouvelle France, et qui, conféra le nom de français au peuple gaulois ou roman. Cette division fut accomplie par le traité de Verdun, du mois d’août 843. Toute la partie de la Gaule située au couchant de la Meuse, de la Saône et du Rhône, fut assignée en partage à Charle-le-Chauve sous le nom de France.

La fin violente de Charles-le-Chauve, mort empoisonné, le 6 octobre 877, par son médecin Sédécias, fut attribuée à un complot des seigneurs de sa cour, irrités contre lui par ses expéditions lointaines, qui, en les ruinant, tournaient toujours à sa honte, tandis qu’il laissait impunément saccager son pays par les Normands. Ce qui ne les irritait pas moins peut-être, c’est qu’il donnait les charges à des gens de bas lieu, au préjudice des gens de qualité. Enfin un autre grief, et, celui-ci appartient plus particulièrement à l’histoire du costume, c’est que Charles semblait mépriser la nation française en s’habillant à la mode des Grecs.

La France continua à déchoir pendant douze ans encore, sous le règne des descendants dégénérés de Charlemagne. Louis-le-Bègue, fils de Charles-le-Chauve, puis Louis III et Carloman occupèrent chacun deux ans le trône. Après la mort de tous trois, Charles-le-Gros, d’abord roi de Souabe, et seul survivant entre les fils de Louis-le-Germanique, réunit de nouveau en 884, tous les États de Charlemagne ; mais en 887, une diète des grands et des prélats de Germanie, assemblés à Tribur, sur le Rhin, le déclara indigne du trône, et le déposa : il mourut peu après, le 12 janvier 888.

Portrait de Lothaire, tiré du manuscrit des Evangiles donné par ce prince au monastère de Saint-Martin, près de Metz.

Portrait de Lothaire,
tiré du manuscrit des
Evangiles donné par
ce prince au monastère
de Saint-Martin, près de Metz.

Ce fut le signal de la dissolution de l’empire. Cette race était finie : l’infécondité de huit reines, la mort prématurée de six rois, en montrent assez la dégénération ; elle finit d’épuisement, comme celle des Mérovingiens, et les divers royaumes, qui composaient l’empire de Charlemagne, séparés de nouveau, obéirent à des souverains indépendants les uns des autres.

C’était un usage établi parmi les princes francs du neuvième siècle de se faire inscrire au nombre des religieux d’un monastère, afin, disait-on, d’avoir part aux prières et aux bonnes oeuvres qui s’y faisaient : on les appelait fratres conscripti (frères inscrits), et l’on trouve encore, dans plusieurs ouvrages, quelques-uns de ces catalogues où les princes sont inscrits parmi les moines. A l’exemple de son père Louis-le-Débonnaire, et de son frère, Louis-le-Germanique, que les moines de Saint-Denis comptaient au nombre de leurs frères, Lothaire voulut se faire inscrire au monastère de Saint-Martin près de Metz, et il fit présent aux religieux de cette abbaye d’un manuscrit des Evangiles que l’on conserve encore aujourd’hui à la Bibliothèque royale.

C’est à la tête de ce livre précieux que se trouve le portrait de ce prince, portrait fait dans le temps même et que nous reproduisons. Lothaire, placé sur son trône, est assis sur un grand coussin ; il a les cheveux courts, contre la coutume des rois de la première race. Sa couronne, composée de deux branches contournées qui s’élèvent au-dessus de la tête, avec deux prolongements qui descendent le long des oreilles, est d’une forme si extraordinaire qu’on l’a attribuée, avec raison, à la fantaisie de l’artiste. Le sceptre, fort long, est surmonté d’une pomme et va toujours en diminuant jusqu’au bas, où il se termine en pointe ; c’est plutôt une haste qu’un sceptre. La chaussure, formée de bandes entrelacées, approche du campagus des anciens. Le campagus était la chaussure des sénateurs et des empereurs romains. Constantin-le-Grand en permit l’usage aux ecclésiastiques de Rome. Le campagus était composé de longues bandes de peau blanche en dedans et noire en dehors ; après avoir enveloppé le pied et la jambe de lin très fin, on chaussait le campagus, dont les bandes entrelacées s’élevaient quelquefois jusqu’au-dessus du genou.

Les deux écuyers, placés, de chaque côté du trône de Lothaire, sont remarquables par la forme de leur casque ; l’un tient l’épée du prince dans le fourreau, l’autre sa haste et son bouclier, dont la partie convexe est surmontée d’une pointe. La charge d’écuyer (scutifer) était une des plus importantes.

La figure de Louis-le-Germanique, dont la couronne et les vêtements offrent un singulier contraste avec le goût et les habitudes des fils de Louis-le-Débonnaire ; et ont certainement été exécutés trois siècles plus tard, est empruntée à la collection représentant les souverains de la maison de Bavière représentée en soixante-deux figures, depuis Norix jusqu’à Sigismond au quatorzième siècle, un des monuments les plus curieux que renferme la Bibliothèque royale.

Vers la fin du neuvième siècle, les costumes étaient à peu de chose près tels qu’on les avait portés du temps de Charlemagne. Le manque de monuments et le silence des auteurs contemporains permettent à grand’peine de connaître de quelle manière les simples citoyens avaient coutume de se vêtir ; mais du moins on trouve de plus exactes indications relativement au costume des personnages éminents en dignité, et les sujets que nous reproduisons, d’après des documents d’une authenticité peu contestable, suffisent pour démontrer que les princes et les seigneurs conservaient encore quelque chose des traditions romaines dans la forme des habits d’apparats. C’était toujours, pour les uns, les longues tuniques resserrées par une ceinture et recouvertes d’une ample chlamyde qu’un ou plusieurs boutons tenaient attachée au-dessus de l’épaule, et pour les autres, le costume militaire romain.

Seigneurs de la cour de Charles-le-Chauve. Extrait de la Bible manuscrite donnée à ce prince, en 869, par les chanoines de Saint-Martin de Tours.

Seigneurs de la cour
de Charles-le-Chauve.
Extrait de la Bible manuscrite donnée
à ce prince, en 869, par les
chanoines de Saint-Martin de Tours.

Les casques, les boucliers, les épées, avaient pris des formes bizarres qui les éloignaient chaque jour davantage des modèles sur lesquels on avait voulu les façonner, et l’on pourrait dire que le costume avait subi à peu près le même genre d’altération que le langage, corrompu qu’il était par le mélange des moeurs germaines avec les moeurs des anciens sujets romains. On retrouve pourtant le costume romain jusque dans le onzième siècle, sur un sceau apposé à une charte de Robert, duc de Bourgogne, en 1054. Dans une peinture de la grande Bible manuscrite, donnée à Charles-le-Chauve par les chanoines de Saint-Martin de Tours, en 869, et conservé à la Bibliothèque royale, ce prince est représenté assis sur son trône et recevant le livre qui lui est présenté par des chanoines rangés en demi cercle devant lui.

A ses côtés sont des seigneurs et des soldats tous vêtus à la manière des Romains. Le manteau du roi est retenu sur l’épaule droite par une courroie ou ruban passé dans une agrafe, et paraît être de drap d’or ; il est orné d’une broderie dont les dessins sont rouges sur un fond en or. La tunique est brun-rouge ; les souliers sont d’une couleur rouge-clair, avec des raies en or. La couronne est en or, avec des dessins rouges ; le sceptre est rouge, avec des raies noires.

Bourgeoises et bergers sous Charles-le-Chauve. D'après Beaunier et Miffliez.

Bourgeoises et bergers
sous Charles-le-Chauve.
D’après Beaunier et Miffliez.

Une statue en cuivre se voyait anciennement à Saint-Denis, sur la tombe de Charles-le-Chauve : elle était de la fin du dixième siècle. Son costume, fort remarquable, est, d’après les estampes qui en restent, composé d’un manteau assez court, attaché sur l’épaule droite, et de trois tuniques l’une sur l’autre, ornées, ainsi que le manteau, de broderies enrichies de pierreries. On aperçoit deux manches de tuniques, celle de dessus est très large, tandis que l’autre est fort étroite. Les souliers sont recouverts d’une espèce de réseau en losange.

A la fameuse bataille de Fontenai en Bourgogne, le 25 juin 841, on se servit d’arcs et de flèches, dont on avait repris l’usage depuis quelques temps. On combattait aussi avec des masses d’armes et de grands sabres ou espèces de coutelas d’une pesanteur énorme. Les anciens Gaulois, que l’on nommait Romains portaient alors des casaques rayées, différentes de celles des Francs. A cette époque, les comtes français devaient fournir à chaque soldat, une lance, un bouclier, un arc, deux cordes et douze flèches.

Lorsqu’un jeune homme se destinait au service, il était tenu de se présenter devant le prince ou le général, pour lui demander la permission de servir son pays ; si le prince la lui accordait, il recevait avec appareil une lance et un bouclier. L’usage de ce temps voulait que les seigneurs qui abordaient le roi dussent embrasser ses pieds ; la reine embrassait ses genoux ; et si le roi permettait à un grand d’embrasser ses genoux, il lui donnait par là une marque de la plus grande faveur.

La chlamyde n’était pas seulement le manteau des hommes ; pendant longtemps elle avait été à l’usage des femmes : Agrippine, suivant Tacite, en portait une de brocart d’or. Des Romains cette coutume était passée chez les Francs, et c’est pour cela que les monuments de la première race nous représentent souvent les reines enveloppées de cette espèce de vêtement. Plus tard, on ne le remarque que sur des figures allégoriques, et les femmes paraissent l’avoir remplacé par un voile quelquefois uni et léger, d’autres fois chargé de riches broderies, mais toujours fort ample et relevé sur les bras.

Princesse et dames de la cour de Charles-le-Chauve. D'après Montfaucon et Willemin.

Princesse et dames de la cour
de Charles-le-Chauve.
D’après Montfaucon et Willemin.

Une des peintures de la Bible donnée à Charles-le-Chauve en 869 représente quatre femmes écoutant un prophète. Ces figures, dont deux tiennent des volumes reliés, et les deux autres des rouleaux de vélin teint en bleu ou en pourpre, sont d’un haut intérêt pour l’histoire du costume féminin au milieu du neuvième siècle. Elles nous apprennent que les femmes portaient à cette époque deux tuniques. L’une, celle de dessous, plus étroite et généralement plus longue que celle de dessus, avait des manches justes au poignet et formant à cet endroit une multitude de plis. La tunique de dessus avait des manches plus ou moins largement ouvertes et qui souvent ne dépassaient pas le coude. De larges bandes ornées bordaient l’ouverture du cou et des manches, le bas de la robe, et dessinaient antérieurement une large suture du haut en bas. La ceinture était placée au-dessus des hanches. Un voile richement brodé, couvrait la tête, enveloppait les épaule et descendait presque jusqu’à terre. La chevelure se dérobait entièrement sous ce voile, et ne se prolongeait pas, comme l’usage en vint par la suite, en nattes d’une longueur démesurée.

Les quatre femmes peintes dans la Bible de Charles-le-Chauve portent des chlamydes de couleurs variées, celles de dessus sont blanches, à manches de brocart d’or, une seule est rose ; celles de dessous sont orange ardent, brun clair, bleu clair, violet, avec manches bleu clair, et broderies rouges sur bandes en or. Les souliers de ces différentes figures sont noirs.

Un écrivain du neuvième siècle, Abbon, moine de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés, dans un poème latin sur le siège de Paris par les Normands en 886, siège auquel il avait assisté, attribue à l’orgueil, à la débauche et au luxe, tous les maux sous lesquels gémissait la France. Il n’est peut-être pas sans intérêt pour nos lecteurs de voir avec quelle noble indignation il s’élève contre le luxe des vêtements : « France, que sont devenues ces forces avec lesquelles tu as jadis ajouté des royaumes à ton empire ? Tu te laisses emporter à l’orgueil et à un goût effréné pour les habits précieux. France, il te faut des agrafes d’or pour relever tes magnifiques vêtements, et de la pourpre de Tyr pour donner à ta peau un vif incarnat ; tu ne veux pour tes épaules que des manteaux enrichis d’or ; une ceinture ne plaît à tes reins que si elle est garnie de pierres précieuses, et tes pieds ne s’accommodent que de courroies dorées ; des habillements modestes ne suffisent pas à te couvrir. Voilà ce que tu fais, et aucune autre nation n’en fait autant. Si tu ne perds ces vices, tu perdras tes forces et le royaume de tes pères. De ces vices naissent tous les crimes, ô France ! fuis-les donc à jamais. »
Cours plénières
Sous les rois de la seconde race, les cours plénières furent plus fréquentes et plus magnifiques qu’elles ne l’avaient été antérieurement. On appelait cours plénières des assemblées formées annuellement à Noël et à Pâques, ou à l’occasion du joyeux avènement d’un roi, d’un mariage, de la réception de quelque prince étranger ou de tout autre sujet de joie extraordinaire. La fête était célébrée tantôt dans une des maisons royales, tantôt dans quelque grande ville, quelquefois en pleine campagne, toujours en un lieu commode pour y loger tous les grands seigneurs, obligés par leur rang même d’y assister.

La ville choisie pour théâtre de cette solennité se parait et se métamorphosait comme par enchantement. Les chemins étaient couverts d’une litière de joncs, les murs garnis de tapisseries de haute lice fabriquées dans les riches ateliers de Flandre, les balcons revêtus de draps camelotés, d’étoffes de soie à crépines d’or et d’argent, les façades et les parois des monuments publics ornées d’armoiries et de devises ; les étendards des seigneurs flottaient à toutes les fenêtres des maisons particulières. Le peuple en habit de fête, les jeunes femmes vêtues de blanc et couronnées de roses ; les corps de bourgeoisie en longues robes vertes ou bleues, les artisans divisés par classe, qui chacune avait sa livrée, se rangeaient sur le passage du souverain, précédé du clergé portant les croix d’or et les bannières des abbayes voisines dont tous les clochers carillonnaient du matin jusqu’au soir.

Le prince, entouré de la noblesse, s’avançait lentement monté sur un coursier blanc, qui agitait soli collier de sonnettes et sa crinière empanachée. Au bruit des cymbales et des buccines, la plus belle fille, les cheveux flottants, et ornée d’un chapel d’églantiers, venait à la rencontre de l’illustre personnage et lui présentait les clefs de la ville. De toutes parts on criait : Noël ! et vive le roi ! et l’on répétait, suivant l’adage du temps, bon roi amende le pays.

La fête, qui durait sept ou huit jours, commençait par une messe solennelle, pendant laquelle le célébrant, qui était toujours un évêque, déposait sur la tête du roi, avant l’épître, une couronne. Le roi ne quittait cette couronne qu’en se couchant : il la gardait à table et au bal. Il mangeait en public, dans un lieu un peu élevé, pour être vu de tout le monde. Ses tables, auxquelles étaient admis les évêques, les ducs, les abbés, les comtes et autres seigneurs, étaient servies avec profusion. Devant chaque service, qu’on portait sur celle, du roi marchaient des flûtes, des hautbois et un grand nombre d’officiers. A l’entremets, vingt hérauts d’armes, rangés en rond devant la table, et tenant à la main chacun une coupe pleine d’or et d’argent, criaient trois fois : « Largesse du plus puissant des rois ! » Puis ils semaient l’argent ; et tandis que le peuple le ramassait avec des cris de joie, des trompettes sonnaient des fanfares.

Il y avait l’après-dînée, pêche, jeu, chasse, danseurs de corde, plaisantins, jongleurs, pantomimes. Les plaisantins faisaient des contes, les jongleurs jouaient de la vielle, les pantomimes représentaient des légendes ou des farces. Une dépense considérable était employée à faire venir toute sorte de bateleurs ou charlatans ; la fête n’était belle qu’autant qu’il y en avait beaucoup.

Chevelure
On conserva, sous les rois de la seconde race, la coutume de dégrader les princes en les faisant raser. Il ne faut pas néanmoins s’imaginer que les longues chevelures fussent encore en faveur ; au contraire, le goût dominant voulait qu’elles fussent rondes et ne descendissent pas plus bas que le milieu du cou. La mode des cheveux longs fut entièrement abolie sous Louis-le-Débonnaire. La tête de Charles-le-Chauve n’était pas capable de la ramener. Les oreilles profitèrent d’une circonstance si favorable, elles furent dégagées.

Louis III, d'après Montfaucon et Viel-Castel

Louis III, d’après
Montfaucon et Viel-Castel

A cette époque, ceux qui se rendaient aux assemblées, aux conseils aux cérémonies, avaient soin de se raser le devant de la tête. Ou supposait qu’un front dégarni de cheveux indiquait plus d’intelligence, plus de raison. Les cheveux perdirent bientôt le peu de longueur qui leur restait ; rasés d’abord par devant, ensuite par les côtés, puis par derrière, ils finirent par former une espèce de calotte sur le sommet de la tête.

Cependant la statue de Louis III, que nous publions, et qui était placée sur sa tombe à Saint-Denis, représente ce roi avec de longs cheveux tombants. Sa robe a des manches larges ; un pan de son manteau entoure ses épaules ; sa couronne est entourée de fleurons, et sa chaussure se termine en pointe arrondie. Mais il y avait toujours un peu d’idéal dans ces images des souverains. En même temps que nos pères se privaient de leurs cheveux, ils se prenaient de belle passion pour le poil des animaux.

On fixe ordinairement cette évolution au temps des conquêtes de Charlemagne en Italie. Non seulement ce fut la mode de décorer les habits avec des fourrures ; on s’avisa même d’envelopper sa tête de peaux garnies de poils. La dépouille des agneaux servit d’abord ; on lui substitua plus tard le menu-vair, l’hermine et autres fourrures précieuses. L’ornement de tête que cette mode produisit est connu sous le nom d’aumusse. Les uns prétendent que, dans l’origine, ce n’était qu’un bonnet fort court ; peu à peu il descendit jusque sur le cou et enfin sur les épaules. Les autres assurent que l’aumusse n’était autre chose qu’un chaperon entièrement couvert de poils. Quoi qu’il en soit, les aumusses ont été en grande réputation pendant plusieurs siècles.

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