LA FRANCE PITTORESQUE
XIIe siècle (Costumes au)
(D’après un article paru en 1844)
Publié le dimanche 17 janvier 2010, par LA RÉDACTION
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Barbe
Au douzième siècle, la barbe régnait encore en France. Pointue d’abord et placée à l’extrémité du menton, elle se modifia insensiblement ; quelques-uns la réunirent pour la seconde fois avec les moustaches, de manière à encadrer la bouche ; le plus grand nombre se contenta de ne point raser la lèvre inférieure, et pour la troisième fois parurent en France les barbes en toupet. Cette mode disparut sous le règne de Louis-le-Jeune ; les moustaches furent elles-mêmes supprimées. Les historiens contemporains remarquent qu’il n’y eut plus que les habitants des campagnes, ou ceux qui, ayant fait le voyage de la Terre-Sainte, désiraient en conserver les marques, qui conservèrent leur barbe. Tous les mentons étaient rasés lorsque le douzième siècle expira.

Louis VII, dit le Jeune. D'après Montfaucon

Louis VII, dit le Jeune.
D’après Montfaucon

Les statuts des ordres religieux, établis ou réformés pendant les douzième et treizième siècles, déterminent quand et comment les moines doivent couper leur barbe. Cette opération se faisait tous les quinze jours depuis l’équinoxe l’hiver jusqu’à l’équinoxe du printemps, et tous les dix jours pendant le surplus de l’année. Les religieux laïcs ou frères convers étaient assujettis à des règles plus sévères : ils ne pouvaient se raser qu’une fois chaque mois. La manière dont ils devaient se raser le visage et la tête différait de celle prescrite aux autres religieux. Le convers qui s’écartait de la forme voulue était condamné, pour la première fois, à ne manger que du pain et à ne boire que de l’eau pendant quatre samedis consécutifs ; et en cas de rechute, à la prison.

Costume de Louis VII
La figure de Louis VII, dit le Jeune, dont nous donnons un dessin, est empruntée au célèbre manuscrit de Du Tillet ; c’est la copie de la statue qui décorait la tombe de ce monarque, à l’abbaye de Barbeau. Cette statue était coloriée et dorée, et les couleurs adoptées par Du Tillet pour chaque partie du vêtement sont exactement les mêmes que celles de la statue. Le costume de ce prince est conforme à tout ce que l’on connaît de ce genre. On remarque seulement, sur la manche de la tunique de dessous, à l’endroit du coude, une pièce brodée, de forme quadrangulaire, terminée par de petites pattes. La large bande ornée qui traverse le buste sous le manteau semble être une première ceinture placée très haut et d’une manière inusitée.

Costumes de femmes et d’hommes de différentes conditions
Lévesque de La Ravalière a publié, dans le t. XVIII des Mémoires de l’Académie des inscriptions, quelques bas-reliefs d’ivoire représentant divers sujets empruntés à un roman de chevalerie. Les figures portent le costume adopté sous Louis-le-Gros : on y voit une reine avec une robe boutonnée par devant ; les manches le sont aussi depuis le coude jusqu’à la main ; le manteau, ouvert par côtés pour y passer les bras, est garni d’un grand collet qui laisse le haut de la poitrine découvert, et se termine par deux grandes pointes.

Les robes des autres femmes ne diffèrent de celle de la reine qu’en ce qu’elles ne sont pas ouvertes par devant ; quelques robes ont une double manche ; celle de dessus s’élargit en descendant, et se termine au haut de l’avant-bras. Plusieurs femmes n’ont qu’un simple ruban autour de la tête. Les dames de la cour portent ce ruban garni de fleurs ou de fleurons ; plusieurs ont de plus une espèce de mentonnière, et d’autres un claque-oreille, coiffure dont les bords étaient pendants. Celles qui sont dans la foule, parmi le peuple, ont un voile ou un chaperon. Dans ces mêmes bas-reliefs, l’habit des hommes ne diffère de celui des femmes qu’en ce qu’il ne descend qu’à mi-jambes. Leur chaperon, festonné quelquefois par le bas, couvre leurs épaules et le haut de la poitrine, et ils ont un bonnet par-dessous.

Prince, Princesse, Arbalétrier. D'après Herbé.

Prince, Princesse, Arbalétrier.
D’après Herbé.

Costumes militaires
Les chevaliers portent une jaque de mailles qui couvre les bras et les jambes ; ils portent aussi une cotte d’armes qui tombe jusqu’aux genoux ; une grève ou plaque de métal couvre le devant de leurs jambes ; leur casque est garni dune visière ; leur lance, terminée par une espèce de trèfle et ornée d’une flamme, est du genre de celles qu’on appelait courtoises. La jaque de mailles avait quelquefois un capuchon de même, sur lequel on mettait un casque rond fait comme une calotte profonde.

Le piéton arbalétrier que nous publions est tiré d’un ancien monument contemporain. Il est revêtu d’une de ces jaques de cuir de cerf, espèce de justaucorps que, plus tard, Louis XII fit prendre aux francs-archers. Ces jaques, bourrées entre les toiles ou l’étoffe dont elles étaient composées, s’appelaient aussi hucque, et gambessous ou gambeson. Le chaperon, casque ou bonnet de mailles, servant d’armure de tête, et auquel on donnait également le nom de chapeau et de chapelet, est d’une seule pièce, ainsi que le gorgerain. Une robe sans manches, passée par-dessus le justaucorps, s’arrête à mi-jambes. Une arbalète complète l’habillement de ce fantassin. Le concile de Latran défendit, en 1139, l’usage de l’arbalète. Louis-le-Jeune se conforma à cette décision, et on ne reprit cette arme que sous Philippe-Auguste.

Templiers. D'après Mifliez.

Templiers. D’après Mifliez.

Les Templiers, ou chevaliers de la milice du Temple, institués au commencement du douzième siècle par des croisés français, portaient un habit et un manteau blancs, d’abord sans croix, puis ornée d’une croix rouge. En temps de guerre, ils étaient cuirassés, avec une robe blanche et un manteau par-dessus la cuirasse. Leur coiffure ordinaire était une espèce de petite capuce. Les écuyers, frères servants ou domestiques n’avaient que des mantaux noirs ; et s’ils n’en trouvaient point de noirs ils devaient d’après les statuts de l’ordre, les porter de l’étoffe que fournissait le pays où ils étaient, mais de couleur commune.

Costume des laboureurs
Au douzième siècle, le vêtement principal des laboureurs est le sayon, qui ne passait pas les genoux. Mais la plupart d’entre eux mettent par dessus un surtout ample et court, de forme variée, et dont les noms devaient varier comme la forme. Chez l’un, ce surtout, pourvu d’un capuchon, ressemble exactement au bardocuculle gaulois ; chez l’autre ce vêtement, sans ouvertures latérales et sans manches, est la chasuble primitive, casula, ainsi appelée, parce qu’elle enveloppait l’homme comme une petite maison, Or cette espèce de fourreau, dont les vicissitudes de la mode firent abandonner l’usage aux seuls ecclésiastiques dans l’exercice de fonctions du sacerdoce, était primitivement, c’est-à-dire vers la fin de la domination romaine, commun à toutes les classes de la société. On ne doit donc pas s’étonner de le retrouver au douzième siècle chez des habitants de la campagne, enclins, comme on sait, à se transmettre leurs habitudes de génération en génération pendant des siècles.

Le chaperon et autres ornements de tête
Le chaperon était un ornement de tête dont quelques auteurs font remonter l’origine jusqu’au premiers temps de la monarchie. Mole au contraire, dans son Histoire des Modes françaises, pense que cet ajustement, adopté par l’un et l’autre sexe, ne parut en France que vers le douzième siècle ; il succéda aux chapes, dont il n’était qu’un diminutif ou plutôt dont il faisait partie. Cette coiffure fut longtemps à la mode ; et l’on voit dans le roman de la Rose, qu’on disait deux têtes dans un chaperon comme on dit à présent deux têtes dans un bonnet. Les dames de qualité avaient des chaperons de velours ; les autres des chaperons de drap. Plus un homme était élevé en dignité, plus il donnait d’ampleur à son chaperon et le surchargeait de fourrures. Les personnes sans titres, sans qualité, portaient des chaperons étroits, pointus et non fourrés. La cornette était presque toujours attachée au chaperon : c’était une espèce de béguin de toile, long d’environ 48 centimètres, uni et découpé : il servait à serrer le chaperon autour de la tête, et à l’assujettir soit sur le bonnet, soit sur le mortier.

Noble et dames nobles. D'après Beaunier.

Noble et dames nobles.
D’après Beaunier.

Le mortier fut une des premières coiffures dont les grands et le peuple firent usage. Peu à peu sa forme changea, et les ducs, les barons, les présidents furent les seuls qui le conservèrent en quelque sorte dans toute son intégrité. L’aumusse et le bonnet, ou barrette, étaient plus ou moins juste à la tête, plus ou moins aplatie, et communs aux ecclésiastiques et aux laïcs.

C’était une marque de deuil de porter le chaperon ravalé ou rabattu sur le dos sans fourrure. La cornette se roulait autour du cou et se projetait par derrière. C’est sans doute pour cette raison que les gens de robe dans le deuil ont plusieurs siècles durant porté un large morceau d’étoffe divisé en deux parties inégales ; imitation imparfaite du chaperon déployé et de l’extrémité de la cornette rejetée par derrière.

Ces divers ajustements, commodes pendant l’hiver, étaient mis à l’écart pendant l’été. On prenait alors des ornements de tête plus agréables et plus légers, tels que les chapels ou chapelets ; on avait même recours à la frisure en se bornant toutefois à rouler l’extrémité des cheveux.

Aumônières
Les escarcelles (du mot italien scarcella, bourse), appelées aussi aumônières, parce qu’on y mettait les aumônes à distribuer, étaient portées suspendues ou fixées à la ceinture par des ganses, des courroies on des chaînettes. L’usage en est fort ancien, puisque le moine d’Angoulême, historien de Charlemagne, parle de l’aumônière d’or, pera pereqrinalis aurea, que l’on suspendit par-dessus les habits impériaux de ce monarque, lorsqu’on le descendit dans le tombeau. Mais il est certain que cet usage devint surtout universel à l’époque des croisades.

Bourgeois et artisans. D'après Willemin.

Bourgeois et artisans.
D’après Willemin.

L’escarcelle était alors, comme on sait, un des insignes par lesquels se distinguaient les pèlerins de la Terre-Sainte, et nul voyageur d’outre-mer, pèlerin ou croisé, n’aurait entrepris son périlleux voyage, avant d’avoir reçu des mains d’un prêtre la croix, l’escarcelle et le bourdon. Les rois eux-mêmes se conformaient à cette obligation, et Du Gange (Dissertation sur l’escarcelle et le bourdon des pèlerins) a extrait des historiens une foule de passages qui établissent la réalité de ce fait. C’était à Saint-Denis que les rois prenaient l’escarcelle de pèlerin, sporta peregrinationis, avec l’oriflamme et le bourdon, lorsqu’ils partaient pour la Terre-Sainte. Des pèlerins l’usage de l’escarcelle passa aux bourgeois, aux nobles, à toutes les classes de la société se prolongea sans interruption pendant plusieurs siècles, et ne cessa guère qu’à la fin du seizième.

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