LA FRANCE PITTORESQUE
Occupation protohistorique et néolithique
à Allos (Alpes-de-Haute-Provence)
(Source : Inrap (Institut National de Recherches Archéologiques Préventives))
Publié le mercredi 8 octobre 2025, par Redaction
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Préalablement à la construction de chalets sur la commune, une fouille archéologique couvrant une superficie de 2,2 ha, est menée depuis mai 2025, en collaboration avec le Service départemental d’archéologie des Alpes-de-Haute-Provence. Celle-ci a mis au jour des traces d’occupations de la fin de l’âge du Bronze (IXe siècle av. J.-C.) et de la fin du Néolithique moyen (fin du IVe millénaire) à plus de 1500 m d’altitude.
 

Au cœur du Parc national du Mercantour, le village d’Allos est surtout connu pour son lac, le plus grand lac naturel d’altitude d’Europe, et son domaine skiable. Mais ses pentes recèlent également une histoire beaucoup plus ancienne.

Un diagnostic archéologique réalisé en 2008 par l’Inrap, avait déjà mis au jour des foyers à galets chauffés datant de la Protohistoire, révélant la présence d’occupations humaines anciennes et motivant des fouilles plus approfondies sur le site. Ces recherches ont permis de montrer que la montagne, loin d’être isolée, a été occupée de façon répétée par les sociétés humaines depuis plusieurs millénaires.

Site archéologique dans les Alpes de Haute-Provence
Site archéologique dans les Alpes de Haute-Provence. © Crédit photo : T. Castin, Inrap

Une géomorphologie complexe à lire
Le site, situé à 1560 m d’altitude, domine la vallée du Verdon et un de ses affluents, le Chadoulin. Son paysage actuel est le résultat d’une longue histoire glaciaire. Un imposant glacier descendait autrefois jusque dans la vallée, en se retirant, il a déposé des matériaux qui forment aujourd’hui le substrat morainique sur lequel repose le site. Lors de son retrait, ce glacier a façonné plusieurs barrages naturels, appelés verrous glaciaires, à l’origine des terrasses encore visibles aujourd’hui. La fouille se déroule sur l’une des plus hautes d’entre elles.

Avant la formation de cette terrasse, le glacier avait creusé une cuvette. Celle-ci s’est remplie d’une fine poussière minérale appelée farine glaciaire, ainsi que de sable jaune issu de la décomposition des moraines. L’environnement était alors humide, proche du marécage, ce qui a permis le retour d’une végétation dense. On observe d’ailleurs dans cette zone des anciens sols et des couches sombres, témoins de plusieurs incendies successifs.

Vue aérienne de la fouille à Allos
Vue aérienne de la fouille à Allos. © Crédit photo : T. Castin, Inrap

La terrasse elle-même s’est constituée ensuite. Au fil du temps, elle a été recouverte par des limons entraînés depuis les pentes voisines et piégés contre le verrou glaciaire. Un talweg (ligne formée par les points ayant la plus basse altitude) s’est formé au centre du terrain, avant de se combler progressivement. Les dépôts se sont poursuivis, donnant à la terrasse son profil actuel.

Des aménagements protohistoriques
Les fouilles ont révélé que les populations de la fin de l’âge du Bronze étaient présentes de part et d’autre de ce talweg. Les vestiges mettent en évidence des foyers à pierres chauffées, fosses et trous de poteau suggérant l’organisation d’un habitat permanent ou semi-permanent. Le grès, omniprésent dans les foyers, témoigne de l’usage réfléchi de ce matériau pour ses propriétés thermiques. À l’intérieur de ces structures, de nombreuses bûches partiellement consumées ont été observées, offrant la possibilité d’identifier les essences et calibres de bois employés par ces communautés.

Les ensembles de trous de poteau évoquent la présence d’un ou plusieurs bâtiments rectilignes, orientés est-ouest, tandis qu’un radier de pierre pourrait correspondre à une palissade soutenue par des poteaux, dont les empreintes et calages subsistent à intervalles réguliers. Ce radier contient du torchis et des blocs de dimensions variées, indiquant un aménagement réfléchi pour délimiter ou protéger l’espace.

Outils en silex de la fin du Néolithique moyen
Outils en silex de la fin du Néolithique moyen. © Crédit photo : T. Castin, Inrap

Le mobilier céramique, bien que fortement altéré, conserve quelques formes reconnaissables, et des objets en bronze (anneaux, épingles) sont associés aux structures. Ce type d’occupation en moyenne montagne est peu documenté dans les Alpes du Sud et rare sur le territoire national. L’étude de ces vestiges offre ainsi un éclairage précieux sur l’organisation spatiale du site et sur ses possibles liens avec d’autres occupations protohistoriques situées à des altitudes plus basses en Provence.

Une présence chasséenne inédite
Sous cet ensemble protohistorique, une occupation encore plus ancienne, datée de la fin du Néolithique moyen (vers 3300 av. J.-C.), a livré quelques fragments céramiques ainsi que plusieurs pièces lithiques : nucléus, armatures, produits de débitage, lames et lamelles en silex, probablement façonnées sur place. Ces éléments témoignent d’une présence chasséenne jusque-là presque inconnue en moyenne montagne sur le territoire national.

La poursuite des fouilles devrait apporter de nouvelles informations sur ces populations néolithiques et permettre des comparaisons avec d’autres sites des Alpes du Sud, des vallées italiennes et de Provence.

Inrap
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