Conçu comme une plongée saisissante dans l’univers visuel de la ville du XIXe siècle, le parcours thématique de l’exposition retrace l’âge d’or de l’affiche artistique en analysant les mutations sociales et culturelles qui ont favorisé son développement, dialoguant avec un ensemble unique d’affiches, peintures, photographies, costumes, sculptures et objets d’art décoratif qui évoquent l’univers effervescent de la rue au tournant du siècle.
Si l’affiche illustrée n’est pas inventée au XIXe siècle, elle se développe alors de manière spectaculaire en s’appuyant sur l’invention de la lithographie. L’art est dans la rue plonge ainsi le public dans un choix d’affiches allant de 1840 environ à la Grande Guerre en privilégiant les années 1890, véritable âge d’or et moment d’ « affichomanie », c’est-à-dire d’engouement pour les affiches dites artistiques.
Le fonds d’affiches du département des Estampes et de la photographie de la BnF, constitué essentiellement par le dépôt légal des imprimeurs, compte environ 300 000 pièces et représente l’une des plus importantes collections au monde. Un ensemble exceptionnel de plus de 140 affiches extraites de ce fonds est exposé dans les grandes galeries du musée d’Orsay, aux côtés de diverses autres pièces en contrepoint (peintures, photographies, dessins ou objets publicitaires).
Bal du Moulin rouge. Affiche réalisée en 1889 par Jules Chéret (1836-1932). Imprimerie Chaix (Paris).
© Crédit photo : Bibliothèque nationale de France
Ainsi, à travers un ensemble exceptionnel de près de 300 œuvres, L’art est dans la rue interroge l’essor spectaculaire de l’affiche illustrée à Paris, dans la seconde moitié du XIXe siècle. L’exposition constitue une première à cette échelle. En effet, à Paris, aucune manifestation d’envergure n’a encore été consacrée à ce phénomène de société et réuni autant de réalisations marquantes des « Maîtres de l’affiche ». Bonnard, Chéret, Grasset, Mucha, Steinlen, Toulouse-Lautrec...
L’affiche transforme la ville
Peintures, dessins, estampes et photographies rendent compte de la prolifération des images, qui investissent le moindre espace vacant : les murs et les palissades, mais aussi les kiosques, les colonnes Morris, les urinoirs, le métropolitain et jusqu’aux êtres humains eux-mêmes, transformés en hommes-sandwichs. Ces supports constituent les cimaises d’un nouvel univers visuel, qui cherche à capter le regard des passants.
Transformée par les grands travaux haussmanniens, assainie et équipée, la rue « moderne » est aussi l’un des espaces fondamentaux de l’expression politique et des revendications sociales. Dangereux pour le pouvoir en place, ce lieu où se déploie la publicité est pour le critique d’art Roger Marx « la rue toujours animée, grouillante, où se discute et se prononce le suffrage universel » (Les Maîtres de l’Affiche, 1895).
L’avant-garde est dans la rue
Dans les domaines social, culturel et artistique, la rue est à la fois lieu de vie, d’exposition et objet de représentation. L’affiche des années 1880-1900 porte en elle les fantasmes et les réalités d’une époque. Issue des progrès techniques et de la société de consommation naissante, elle constitue un champ progressivement investi par de grands artistes. Dans le sillage de Jules Chéret, surnommé « le roi de l’affiche » dans la presse, Henri de Toulouse-Lautrec, Eugène Grasset, Alphonse Mucha, Théophile Alexandre Steinlen, les Nabis – Pierre Bonnard, Henri-Gabriel Ibels, Edouard Vuillard, ou encore Félix Vallotton – sont salués comme les maîtres du genre.
Les critiques s’emparent du phénomène et valorisent à la fois les qualités plastiques de « l’affiche moderne » et son rôle dans la démocratisation de l’accès à l’art. L’affiche devient également un objet de collection et d’expositions et « l’affichomanie » s’empare des amateurs. Accédant au rang d’œuvre d’art, elle entre dans un système comparable et des marchands d’estampes, comme Edmond Sagot, se spécialisent dans la vente d’affiches.
La Rue. Affiche réalisée en 1896 par Théophile Alexandre Steinlen (1859-1923).
Imprimerie Charles Verneau (Paris). © Crédit photo : Bibliothèque nationale de France
L’affiche, art social
À la fin du XIXe siècle, le mythe en construction d’une « belle époque » tend à escamoter la rue des émeutiers et des indigents pour lui substituer une idyllique rue de plaisir, de divertissements et de consommation accessible. L’affiche est le lieu d’affirmation de pratiques nouvellement libéralisées : fréquentation des cabarets, apparition du sport, féminité exacerbée. Offerte à tous par son exposition en pleine rue, elle peut porter une ambition sociale et devenir le médium privilégié de « l’art pour tous ».
Les milieux anarchistes et libertaires jouent un rôle moteur dans l’apparition des premières images politiques sur les murs, dans l’espace public. Dans un premier temps, celles-ci se concentrent dans la publicité liée à la presse militante. Au début du XXe siècle, des artistes comme Jules Grandjouan inventent un langage mural, conçu pour frapper l’opinion publique dans l’espace urbain. Rompant avec la vision intime du dessin de presse, cette nouvelle rhétorique devait marquer durablement l’affichage politique.
Renseignements pratiques
Exposition L’art est dans la rue
Musée d’Orsay — Esplanade Valéry-Giscard-d’Estaing — 75007 Paris
Jusqu’au 6 juillet 2025
Site Internet : https://www.musee-orsay.fr
Page Facebook : https://www.facebook.com/museedorsay
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