En 1896, un épisode météo hivernal inspire les frères Lumière, qui réalisent alors l’un de leurs premiers films mettant en scène des adultes se livrant à une bataille de boules de neige. En voici l’histoire.
Les frères Lumière ont immortalisé la scène d’une bataille de boules de neige avec un très court film, en noir et blanc, de 48 secondes. C’est l’un des premiers courts-métrages de leur carrière. On y aperçoit une vingtaine d’adultes se lancer avec force de grosses boules de neige. C’était en 1896, sur le cours Albert Thomas, à la frontière du 3e et du 8e arrondissement de Lyon.
« On observe des personnes qui s’amusent, comme dans la vie quotidienne, à la manière de la grande bourgeoisie dilettante de la fin du XIXe siècle. On a l’impression qu’il [Louis Lumière] pose sa caméra et filme une bataille au hasard », explique Fabrice Calzettoni, responsable des activités culturelles à l’Institut Lumière à Lyon.
Les frères Auguste et Louis Lumière, inventeurs du cinématographe. Photo datée de 1895
À l’image des différentes productions des frères Lumière, les protagonistes ne sont pas de réels acteurs : il s’agit d’employés de leur usine à qui l’on a demandé de se livrer à un jeu pendant leur pause. Pas de script précis, simplement une indication générale.
« La seule indication de mise en scène sur le film, le côté drôle, arrive avec la personne qui fait du vélo, prise pour cible, et qui finit par chuter », souligne Fabrice Calzettoni. « Il y a eu plusieurs prises. Il voulait que ça se termine par une chute, pour le côté gag involontaire », ajoute-t-il.
À l’époque, Louis Lumière cherche à développer un outil capable de projeter un film sur grand écran, quand le Kinétoscope de Thomas Edison ne permettait qu’à une seule personne de visionner un film à travers une lentille. Il crée alors le cinématographe et révolutionne le 7e art. « Il suffisait de faire le noir et de poser l’appareil, dans un endroit sans lumière ou les gens pouvaient se rassembler. On passait une dizaine de films de quelques secondes que l’on commentait », explique le responsable à l’Institut Lumière.
Utilisant un film perforé de 35 mm de largeur passant par l’obturateur à une vitesse de 16 images par seconde, le cinématographe, qui fonctionne grâce à une manivelle, établit les fondations du cinéma moderne. Il n’est donc pas surprenant de voir ensuite des réalisateurs faire référence aux frères Lumière. Ainsi, dans La vie des autres de Bertrand Tavernier, l’un des personnages observe un cycliste tomber de son vélo et se questionne : « Quelle idée de faire du vélo en temps de neige ». Clin d’œil à celui tombé lors de la bataille orchestrée en 1896.
Voici la version retravaillée du film de 1896 des frères Lumière :
« Les courts-métrages des frères Lumière correspondent, sans le vouloir, aux films que les jeunes aiment aujourd’hui, ces formats courts qui racontent une histoire marrante. Il y a un côté moderne involontaire », explique encore Fabrice Calzettoni. C’est pourquoi, certaines personnes s’essayent à le moderniser. En 2020, la bataille de boules de neige a fait le buzz sur Twitter, dans sa version colorisée par une intelligence artificielle baptisée DeOldify. Mais derrière l’IA, c’est le directeur des ressources humaines au sein d’une société de jeux mobiles à Barcelone, Joaquim Campa, qui a cherché à redonner un coup d’éclat à l’œuvre des frères Lumière.
« Ils restaurent l’image, l’améliorent, mettent les couleurs, fabriquent le son. C’est l’évolution naturelle des choses avec les outils à notre disposition », souligne le responsable des activités culturelles à l’Institut Lumière à Lyon. Fabrice Calzettoni prend plaisir à découvrir des œuvres remastérisées, tant que cela ne crée pas de confusion. « Les jeunes pensent que c’est une œuvre en couleur et perdent la notion de patrimoine. D’autres peuvent penser qu’il s’agit d’une reconstitution. Il faut faire attention », conclut le responsable.
La bataille de boules de neige ainsi que 108 autres courts métrages des frères Lumière sont à retrouver dans un documentaire intitulé Lumière ! L’aventure commence sorti en 2017. Un volume 2 est en cours de préparation. Pour les plus curieux, le musée Lumière a également rouvert ses portes depuis octobre 2023.
Émilie Barthe
France 3 Auvergne Rhône-Alpes
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