LA FRANCE PITTORESQUE
Matrice de sceau médiévale
inédite découverte dans l’Aisne
(Source : Inrap (Institut National de Recherches Archéologiques Préventives))
Publié le mardi 3 mai 2022, par Redaction
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Au château de Villers-Cotterêts, une équipe de l’Inrap a mis au jour une matrice de sceau en bronze du XVe siècle dans une poche de charbons dans l’aile nord du logis
 

Depuis 2020, les archéologues accompagnent, sur prescription de l’État (Drac Hauts-de-France), la rénovation du château royal de Villers-Cotterêts menée par le Centre des monuments nationaux (CMN). Cette résidence royale est construite en 1528 par François Ier qui y signe en août 1539 la fameuse ordonnance de Villers-Cotterêts imposant la langue française à la place du latin dans tous les actes officiels de de l’administration et de la justice.

Les fouilles archéologiques, menées par les archéologues de l’Inrap et du service archéologique de l’Aisne, ont débuté au printemps 2020 aux abords du logis royal et dans la cour du jeu de paume. En novembre 2020 une deuxième fouille portée par l’Inrap a concerné la cour des Offices. Depuis janvier 2021, les archéologues procèdent à des suivis de travaux dans le logis et à une étude de bâti sur l’ensemble des bâtiments.

Matrice de sceau avec au centre gravé en creux un cavalier (saint Georges) surplombant un dragon, entouré d'une légende en lettres gothiques, puis d'un cercle perlé
Matrice de sceau avec au centre gravé en creux un cavalier (saint Georges) surplombant un dragon,
entouré d’une légende en lettres gothiques, puis d’un cercle perlé. © Crédit photo : Serge Le Maho, Inrap

Les journées « portes ouvertes » organisées en mars dernier ont permis notamment à l’Inrap et au CMN de présenter au public la jolie découverte d’une matrice de sceau médiévale.

Sceau, matrice de sceau et sigillographie
Un sceau est l’empreinte, généralement sur de la cire, d’images et/ou de caractères gravés dans un objet en pierre ou en bronze appelé matrice (par extension, le mot désigne également cette matrice). Apparu en Mésopotamie au VIIe millénaire, le sceau précède de peu l’écriture. En France, il est repris dès le haut Moyen Âge par les souverains mérovingiens et devient un droit régalien.

À partir du Xe siècle, ce monopole royal s’effrite au cours du temps au profit des évêchés, des princes, de la classe seigneuriale et des villes. Au XIIIe siècle, le sceau est partout dans la société médiévale. À partir du milieu du XVe siècle, les progrès du notariat, la diffusion de la signature autographe et la généralisation du papier entraînent le déclin du scellage. Au Moyen Âge, le sceau est l’unique moyen d’authentifier un document.

Les sceaux forment un objet d’étude idéal pour la connaissance du Moyen Âge parce qu’ils cristallisent sur leur petite surface des aspirations politiques et sociales, des modes de représentation, des usages diplomatiques et juridiques mais aussi des pratiques anthropologiques. Peu de matrices de sceaux ont survécu et moins encore sont découvertes lors d’opérations archéologiques : à la mort du titulaire du sceau, la matrice était brisée, fondue ou, plus rarement enterrée avec son propriétaire.

Le sceau inconnu d’un prieuré oublié
La matrice de sceau a été retrouvée dans une poche de charbons dans une pièce de l’aile nord du logis : son propriétaire l’a probablement perdu, près d’une cheminée par exemple, et elle a été rejetée au centre de la pièce en même temps que les cendres. Encore mobilisés sur le terrain, les archéologues disposent de premiers éléments sur cet objet.

Il s’agit d’une matrice de bronze d’un sceau équestre, avec au dos un système de préhension avec anneau de suspension (la matrice pouvait être portée, grâce à une chaîne, un ruban, un lacet tressé ou une lanière en cuir, soit autour du cou, soit accrochée à une ceinture). Elle mesure environ 22 mm de large, 17 mm de haut et 5 mm d’épaisseur. La face est gravée en creux : au centre un cavalier (saint Georges) surplombant un dragon, entouré d’une légende en lettres gothiques, puis d’un cercle perlé.

La légende peut être lue : « I P PRI/EUR / DEVILLERS / LESM / OINE ». L’armure du cavalier (avec l’emploi d’un heaume fermé « de joute ») porte à dater la matrice du début du XVe siècle. Il n’est répertorié dans aucune archive.

Matrice de sceau de profil
Matrice de sceau de profil. © Crédit photo : Serge Le Maho, Inrap

Il appartiendrait au prieur du monastère Saint-Georges, à Villers-les-Moines, dépendant de l’abbaye de-la-Chaise-Dieu (en Auvergne). Situé à environ 1 km au nord-est du château de Villers-Cotterêts, ce prieuré est peu documenté. Il est transformé en couvent de bénédictines (Saint-Rémy-Saint-Georges) au XVIIe siècle.

Cette découverte inattendue montre l’apport de l’archéologie à la connaissance historique. Une fois les opérations de terrain terminées, les scientifiques pourront investiguer non seulement l’archéologie du château, mais aussi les relations entre celui-ci et son environnement politico-historique en associant étroitement recherches archéologiques, archivistiques et historiques.

Inrap
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