LA FRANCE PITTORESQUE
Villa antique sous le château
de Marigny à Fleurville
(Saône-et-Loire)
(Source : Inrap (Institut National de Recherches Archéologiques Préventives))
Publié le jeudi 16 décembre 2021, par Redaction
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Un sondage archéologique au château de Marigny, à Fleurville, a confirmé la présence d’une riche villa gallo-romaine et de deux mosaïques, fait rare dans la moitié nord de la France. L’état de conservation inhabituel de cette villa, malgré les constructions postérieures, offre un cadre d’étude singulier pour ces résidences rurales.
 

En juillet 2021, l’Inrap a réalisé, sur prescription de l’État (Drac Bourgogne - Franche-Comté), un diagnostic archéologique au château de Marigny à Fleurville (Saône-et-Loire), inscrit aux Monuments Historiques. Menée préalablement à la réhabilitation en salles de réception du corps de ferme du château, cette opération a permis aux archéologues de confirmer la présence d’une riche villa gallo-romaine. Son état de conservation inhabituel, malgré les constructions postérieures, offre un cadre d’étude singulier pour ces résidences rurales.

Par ailleurs, la découverte de deux mosaïques constitue un événement rare dans la moitié nord de la France, même si ce type de décor n’est pas étonnant au sein des plus riches établissements. L’expertise de ces ensembles a pu être complétée par les équipes de l’Atelier de restauration de mosaïques de Saint-Romain-en-Gal (Rhône).

Vue générale du sol en mosaïque au motif de cercles sécants dessinant des pétales en fuseau de quatrefeuilles blancs et des carrés curvilignes noirs avec mur encore en élévation possédant son soubassement en enduit peint
Vue générale du sol en mosaïque au motif de cercles sécants dessinant des pétales
en fuseau de quatrefeuilles blancs et des carrés curvilignes noirs avec mur encore
en élévation possédant son soubassement en enduit peint. © Crédit photo : L. Gaëtan, Inrap

Un vaste bâtiment résidentiel au cœur de la villa de Marigny
La villa de Marigny, située à mi-distance entre Tournus et Mâcon, était déjà connue grâce à des découvertes lors de la construction de la voie ferrée Paris-Lyon en 1853. Vraisemblablement occupée du Ier au début du IVe siècle, l’aile de la résidence appelée pars urbana occupe une superficie minimale de 1500 m2.

Installée sur un léger relief surplombant la plaine de Saône, la monumentalité de la résidence est renforcée par un système d’aménagements en terrasses. Le bâtiment principal observé est bordé d’une galerie de 5 m de large ouvrant sur une cour intérieure. Celle-ci est longée, à l’est, par une autre aile constituée des balnéaires détruits au XIXe siècle par l’installation du chemin de fer. Sur la galerie de l’édifice s’ouvre une série de pièces, dont la nature des sols et des décors muraux, parfois en excellent état de conservation, permet de mieux qualifier la fonction des différents espaces repérés.

Deux pièces richement décorées
L’intervention archéologique a permis de mettre en évidence un ensemble de pièces de service (salle sur hypocauste, antichambre, couloir...) et d’accueil dont deux sont dotées de mosaïques. La première est située dans la pièce centrale correspondant sans doute à une grande salle de réception et/ou d’apparat de 136 m2. Le décor géométrique en bichromie noir et blanc représente un damier de carrés emboîtés avec croisette centrale pour le tapis d’entrée. Les bordures de la pièce, quant à elles, ont pour composition un quadrillage de cases entourées d’un filet noir et chargées de carrés alternativement droits et sur la pointe.

Parmi les pièces voisines, un autre sol en mosaïque ou opus tessellatum a été observé, associé à un mur au décor peint d’imitation d’opus sectile (décor de marbre) conservé sur 60 cm de hauteur. Appartenant peut-être à un espace de type cubiculum (chambre), cette mosaïque présente une composition de cercles sécants dessinant des pétales en fuseau de quatre feuilles blancs et des carrés curvilignes noirs. Ces derniers sont chargés de tesselles blanches aux quatre angles et d’un chevron central blanc donnant à l’ensemble un style très raffiné. D’après leur style, ces sols décorés pourraient être datés de la fin du Ier siècle.

Un ensemble architectural remarquablement conservé
Paradoxalement, la conservation notable de certaines structures antiques est la conséquence de la construction du château de Marigny à la fin du XVIe siècle, par Philibert Pelez, prévôt de Vérizet. L’aménagement du corps de ferme se fait à l’exact emplacement de l’aile de pars urbana alors à l’état de ruines marquant encore le paysage après un millénaire d’abandon.

Façade sur cour de l'aile nord du château de Marigny à Fleurville faisant face au corps de ferme
Façade sur cour de l’aile nord du château de Marigny à Fleurville faisant face
au corps de ferme. © Crédit photo : L. Gaëtan, Inrap

Dans le but d’aménager une plateforme sur laquelle est construite la longère de 80 m, les ouvriers ont récupéré une grande part des couches de démolition avant d’arriver sur les structures bâties antérieures. Celles-ci, parfois encore en élévation, ont été conservées ici et là de manière pragmatique dans le but d’asseoir les nouvelles fondations ou servir d’appui aux nouveaux sols.

Cette réutilisation opportuniste s’est d’ailleurs poursuivie au XIXe siècle, alors que les bâtiments du domaine connaissent une profonde restructuration. La découverte du mur sud de la pièce centrale de réception de l’édifice antique a ainsi permis sa réutilisation pour fonder l’élévation de l’écurie nouvellement créée. L’enchaînement architectural et fonctionnel de cet espace sur 2000 ans est tout à fait insolite.

Ce dialogue avec les vestiges perdurera d’ailleurs grâce à une mise en valeur des mosaïque au sein du projet de réhabilitation des dépendances du château de Marigny.

Inrap
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