LA FRANCE PITTORESQUE
Parfums : de leur naissance antique
à leur plein épanouissement
sous la Renaissance
(D’après « Les parfums et les fards à travers les âges » (par Octave Uzanne)
paru en 1927, « Le Petit écho de la mode » du 1er septembre 1929
et « Le Passe-temps médical : journal des curiosités médicales, anecdotiques,
historiques, littéraires et scientifiques » du 25 février 1899)
Publié le dimanche 27 juin 2021, par Redaction
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Si durant l’antiquité les parfums jouèrent un rôle essentiel dans le culte des dieux et des morts avant de passer dans les habitudes de la vie quotidienne, si les Gaulois, sensibles à l’embellissement du corps humain, y recouraient déjà, si les reines franques usaient également de substances odoriférantes et si les invasions mauresques en favorisèrent l’usage, ce fut Catherine de Médicis qui vulgarisa en France leur emploi, René le Florentin, venu à sa suite, établissant sur le pont au Change une boutique où se pressa le monde élégant
 

C’est une chose très mystérieuse que la parfum. Invisible, impondérable, il semble être, dans la nature, l’âme des fleurs, l’attribut spécial des plantes. Ainsi chaque contrée est embaumée par sa végétation dominante. Les voyageurs reconnaissent de loin telle terre tropicale avant même qu’elle soit en vue, parce que son haleine parvient jusqu’au navire qui les porte. On sait que Napoléon goûtait de la sorte l’odeur des orangers de Corse que la brise lui apportait.

Chez les végétaux, le parfum réside tantôt dans la fleur ou le fruit, tantôt dans la feuille, dans l’écorce, dans la racine. Quelquefois, la plante entière est odorante : c’est le cas de l’oranger. Mais si la palme revient aux végétaux, en matière de parfum, le monde animal apporte, lui aussi, son tribut odorant : exemple, le musc, l’ambre, la civette, et ce ne sont pas le moins prisés.

Décoration découverte dans le tombeau TT52 du scribe Nakht (astronome d'Amon) situé dans la vallée des Nobles en Égypte et datant de la XVIIIe dynastie (1500 à 1300 avant notre ère)
Décoration découverte dans le tombeau TT52 du scribe Nakht (astronome d’Amon) situé dans
la vallée des Nobles en Égypte et datant de la XVIIIe dynastie (1500 à 1300 avant notre ère)

L’histoire est parfums doit être vieille comme l’humanité. Leur commerce fut prodigieux en Chine, aussi bien sous la dynastie des Changs que sous celle des Tchéou et des Ming. Les caravanes de matières parfumées, végétales et animales, se dirigeaient sans fin vers toutes les portes de la grande Muraille, venant d’Arabie, de Perse, du Caucase, du Turkestan et de l’Indoustan. Les ouvriers de l’Empire du Milieu excellaient dans l’art des extraits d’essences odorantes dont une goutte aurait suffi à dégager dans une piscine des senteurs persistantes. De subtiles odeurs montaient des palais et se dégageaient sur les villes et les campagnes. La Chine entière aromatisait : mobilier, vêtements, tentures, bannières décoratives, tout était imprégné de parfums essentiellement capiteux.

Les Célestes tiraient d’innombrables parfums de la flore et de la faune des pays d’Orient. Ils dégageaient des essences d’arbres odoriférants, des fruits, des plantes légumineuses, des poissons et des viscères d’animaux, autres que le musc. Dans le Palais des Fils du Ciel, on avait réservé un pavillon où les jeunes concubines étaient plongées dans des bains de senteurs de toute nature, à ce point que leur chair n’était plus qu’un sachet dégageant des bouquets plus subtils que ceux du cuir de Russie ou de peau d’Espagne. On nommait cette pagode le Pavillon de l’engloutissement dans les parfums.

On sait qu’en Égypte les rites religieux comportaient un usage presque immodéré des parfums qui, plus tard, servirent à la conservation des cadavres. Les prêtres d’Héliopolis donnaient en offrande chaque jour trois parfums : le matin, de la résine ; à midi, de la myrrhe ; le soir, un composé de seize ingrédients nommé kaphi. L’antiquité connaissait l’encens, la myrrhe, le safran, la cannelle, le cinnamone, l’iris, etc.

Les parfums jouèrent un rôle prépondérant dans le culte des morts. Sauf l’encens, on les employa tous pour l’embaumement. Puis l’on se mit à utiliser les parfums dans la vie civile, pour la toilette, dans les réceptions. Un luxe inouï se répandit en Égypte, qui gagna les Hébreux. Nous savons que les belles Juives se couvraient d’aromates. Et l’une des scènes les plus touchantes des Évangiles nous montre Marie-Madeleine versant sur les pieds de Jésus un parfum de grand prix : une livre d’huile de vrai nard.

Chez les Grecs, la parfumerie jouait un rôle considérable dans la médecine, les médecins d’alors prescrivant les aromates dans la plupart des maladies. Les femmes grecques s’occupaient beaucoup de leur toilette. Les dames d’Athènes y passaient toute leur matinée. Elles se lavaient le visage avec des eaux parfumées qui éclaircissaient leur teint ; elles se peignaient les sourcils et mettaient un opiat sur leurs lèvres dont l’éclat était admirable.

Les dames grecques et les éphèbes avaient adopté un parfum particulier pour chaque partie de leur corps. Les bras étaient voués à la menthe, la poitrine et les joues à l’huile de palmier. La marjolaine mêlait ses arômes aux pommades qui oignaient les cheveux et les sourcils, tandis que le lierre terrestre attachait fortement son essence aux genoux et au cou. L’esprit de rose baignait les seins, les hanches et le ventre. La fameuse courtisane Aspasie écrivit deux livres de recettes dont elle avait expérimenté la valeur des mélanges et la vertu des effluves.

Un médecin célèbre, Criton, affirme Galien, aurait composé un traité des odeurs et des cosmétiques inspiré des écrits d’Archigène, de la reine Cléopâtre et d’Héraclide de Tarente. Il s’y occupe de tous soins du corps, de la peau, de la chevelure, et y disserte sur es bains et toutes les compositions parfumées.

Cueilleuse de safran. Peinture murale grecque du XVe siècle av. J.-C.
Cueilleuse de safran. Peinture murale grecque du XVe siècle av. J.-C.

La passion des parfums domina tellement les relations sociales de l’antique Hellade, que les boutiques où l’on débitait les senteurs à la mode étaient fréquentées par les mondains : on se rendait chez les aromatopoles comme à un lieu de rendez-vous distingué, qu’un homme ou une femme de bon ton ne pouvait se dispenser de fréquenter.

Les anciens Grecs abusèrent certainement des parfums, puisque des législateurs tels que Lycurgue et Solon firent des lois pour en modérer les excès. Socrate protestait contre l’abus des senteurs, dont son jeune ami Alcibiade devait être mieux imprégné que sa maussade mégère Xanthippe.

Il y avait parmi les parfums les plus répandus le jonc odorant, le megalium, le malobratum, l’opobalsamum, le telinum, le nard, le cinnamum, le myrobalan et combien d’autres baumes dont les noms ont perdu leur signification.

Au pays des Messaline, des Agrippine, des Faustine, des Néron, des Caligula, des Tibère et Héliogabale, des orgies d’odeurs se déployaient dans l’ancienne Rome. Les femmes se servaient de tous les moyens possibles pour adoucir et parfumer leur peau. La fameuse Poppée, femme de Néron, employait tous les matins le lait de cinquante ânesses pour son bain auquel on ajoutait les essences les plus fines, tirées de l’Orient.

Les Romains ne se contentaient pas de verser des fleurs en pluie avec leurs convives, ils parfumaient les chiens et les chevaux. Les essences les plus fines coulaient à flot dans les baignoires, envahissaient chambres, lits de repos, tentures, inondaient les murs des palais, tombaient en pluie fine de l’immense velarium des salles de banquets ou de l’amphithéâtre qui abritait au cirque des milliers de spectateurs contre les ardeurs du soleil, et saturaient de senteurs fortes le pourpre des toges. Le cirque même, malgré les fauves, le sang répandu et les émanations des gladiateurs combattants, dégageait des effluves embaumés.

Cette profusion d’odeurs, ce gaspillage d’aromates étaient partout. Juvénal, Horace, Martial, Ovide, Pline, Properce ont parlé de la fougue qui entraînait leurs contemporaines vers l’abus de la parfumerie. Martial écrivait cet apophtegme réprobateur et juste : Male olet qui bene semper olet (Qui sent toujours bon finit par sentir mauvais).

Bien avant que l’honnête Grégoire de Tours nous ait révélé les raffinements des reines légendaires, séduisantes et fourbes, présidant aux luttes sanglantes des royautés franques, Clotilde (qui épousa en 492 ou 493 Clovis Ier, roi des Francs), Brunehaut (qui épousa en 566 Sigebert Ier, roi d’Austrasie), Galswinthe (qui épouse en 566 Chilpéric Ier, roi de Neustrie), ou encore Frédégonde (qui épouse en 568 ce même Chilpéric Ier) et autres souveraines, savaient s’entourer de parfums précieux, et l’art des senteurs s’était amplement développé en Austrasie et parmi les Wisigoths d’Ibérie.

Les chroniqueurs prétendent nous insinuer que les parfums pénétrèrent en France avec l’ère des croisades, grâce aux nobles chevaliers et vaillants paladins qui guerroyèrent, à maintes reprises, contre les musulmans. Si certes l’on admet que les héros venus en Terre Saintes, à la suite de Pierre l’Ermite et de Godefroy de Bouillon rapportèrent en Occident des eaux de rose cristallisées, des essences rares et aromates d’Arabie aux châtelaines, qui auraient été très coquettes et raffinées dans leur toilette intime, on est cependant enclin à penser que les Gaulois, ces fameux migrateurs, si ingénieux dans tous leurs arts, innovèrent les parfums et pratiquèrent plus que tous autres les sciences de la cosmétique.

Les Gaulois se mettaient volontiers au service des autres peuples organisés, et on les trouve presque partout, avec leurs chevelures longues, parfumées ou teintes de couleur bleuâtre. On peut considérer qu’ils étaient parfumeurs, coiffeurs, assouplis à tous les métiers d’embellissement et d’odorisation du corps humain.

Femmes cueillant des roses pour faire de l'eau de rose avec les pétales. Enluminure extraite du Tacuinum sanitatis datant du XIVe siècle (manuscrit latin n°9333 de la BnF)
Femmes cueillant des roses pour faire de l’eau de rose avec les pétales. Enluminure extraite
du Tacuinum sanitatis datant du XIVe siècle (manuscrit latin n°9333 de la BnF)

Les femmes germaniques et franques furent éprises de pâles couleurs et de manières alanguies. Elles se plaisaient à exhiber des bras laiteux, des mains ivoirines et des visages de clair de lune. Pour obtenir ce teint maladif, ces carnations de camélia blanc, elles usaient de saignées fréquentes et connaissaient toutes les crèmes susceptibles de rendre la peau blême, transparente, opaline.

Certains érudits inclinent à l’affirmation d’un grand souci de propreté chez les femmes blasonnées du temps médiéval, surtout chez ces puissantes dames à hennin démesuré, si rudement corsetées de fer. Il y aurait eu, dans ces massives demeures féodales, des bains à l’orientale : tepidariums — dans la Rome antique, partie des thermes où les Romains prenaient des bains de vapeur tièdes — et piscines, avec tout le jeu des lotions parfumées.

On découvre, certes, des parfumeurs à Paris, dès la fin du XIe siècle. Mais la profession n’était pas encore bien spécialisée. C’étaient alors les marchands merciers qui débitaient les matières odorantes, poudres aromatiques, et alcoolats. Tout cela se vendait avec la droguerie, qui très probablement, venait s’ajouter à ce genre de négoce.

La fabrication des senteurs était sommaire. La distillation des fleurs et plus particulièrement de l’essence de roses remonte, à vrai dire, au Xe siècle. L’invention en est attribuée au plus illustre des médecins arabes, Abou-Ali-el-Heissein, plus connu sous le nom d’Avicenne et surnommé à bon droit « le Prince des docteurs ». C’était un précurseur. Il a laissé des traités de physiologie et d’anatomie qui nous déconcertent par un incroyable génie d’observations et une vision aiguë de la thérapeutique future. Il faut attribuer à Avicenne l’essence de jasmin, celle des milles fleurs et aussi cette subtile essence de banane qui ne s’est jamais acclimatée en Occident.

Lorsque le fameux calife de Bagdad, Haroun-al-Raschid, dit « le Juste », envoya, vers l’an 800 de notre ère, une ambassade chargée de présents à Charlemagne, empereur d’Occident, nombre de parfums, onguents, cosmétiques, inconnus de nous jusqu’alors, y figuraient, mais les fameuses essences d’Avicenne n’étaient pas encore créées.

L’invasion des Maures en Espagne, leurs incursions sur nos côtes du Sud contribuaient à favoriser les apports de parfums chez nous. Ce n’est qu’après la découverte du continent américain que nous prîmes connaissance de ces merveilleux produits qui ont nom vanille, baume du Pérou, cacao, muscade, clou de girofle, tolu et autres parfums végétaux aujourd’hui d’un usage courant.

Sur la fin du XIIe siècle, en 1190 exactement, les parfumeurs, désireux de se réunir en une corporation reconnue et protégée, sollicitèrent du roi Philippe Auguste, qui la leur accorda, une charte formelle confirmée en 1357 par Jean sans Peur, puis par Henri II d’Angleterre, se disant roi de France en 1426, et renouvelée par le roi Henri III, et enfin en 1658 par Louis XIV, qu’on nommait alors « Le souverain le plus fleurant ».

Habit de parfumeur. Mosaïque réalisée d’après une gravure de Nicolas de Larmessin
extraite de la série Les costumes grotesques : habits des métiers et professions (1695)

Nicolas de Montaut, dans son Mirouër des Français, qui parut en 1583, reprocha aux demoiselles de son temps l’effroyable abus qu’elles faisaient des parfums : eaux cordiales, ambre gris, civette et mus. Les parfums passaient cependant pour être hygiéniques et préserver des épidémies, beaucoup étant, en effet, fort antiseptiques.

Le sage Montaigne écrivait, à peu près à la même date que Nicolas de Montaut, ces paroles nourries de son rare bon sens : « Les médecins pourraient tirer des odeurs plus d’usages qu’ils ne le font, car j’ai souvent aperçu qu’elles me changent et agissent en mes esprits suivant ce qu’elles sont. L’invention des parfums et encens aux églises, si ancienne et si espandue en toute nation et religion, regarde à cela de nous réjouir, esveiller et purifier le sang pour nous rendre plus propres à la contemplation. »

Au XVIe siècle, le sceptre de la parfumerie fut tenu superbement par les artistes italiens attirés chez nous, surtout à Paris, par François Ier et Catherine de Médicis. La France fut alors véritablement italianisée, aussi bien dans les modes du langage que dans celles de la toilette et des mœurs intimes. Une énorme vague d’aromatisme venue de la péninsule submergea tout notre pays. Le snobisme du « bel mondo » et de « la moda elegante » subit cette « influenza » sous toutes ses formes capiteuses.

Les savants préparateurs de la « fattuccheria » et de « l’alchimia criminosa » se donnèrent rendez-vous dans notre hospitalière capitale où triomphait René le Florentin. La boutique du Pont-au-Change où ce dernier vendait les senteurs, était achalandée par les beaux muguets et dames d’atour et de gentes manières de la Ville et de la Cour. La marjolaine, l’origan, le thym, les eaux de Jouvence, les poudres et sachets odorants y étaient en grande vogue.

La corporation des parfumeurs de la Renaissance s’était jointe et confondue à celle des gantiers désignés du nom de gantiers-parfumeurs. Les gants à senteurs fortes étaient seuls admis dans la société distinguée. Plus tard, en 1776, les gantiers-parfumeurs réunis aux boursiers et ceinturiers, avaient pour mission de débiter les essences s’accommodant aux ornements ouvrés dans le cuir, les pellicules, maroquin, chevreau, dermes et épidermes des animaux. Nous avons conservé comme senteurs le cuir de Russie et la peau d’Espagne. Nous pourrions ajouter la frangipane qui prit naissance avec les gants parfumés, et sur l’origine de laquelle nous pourrions disserter savamment.

La mode exigea jusqu’au début du XVIIe siècle — alors que l’Espagne exerçait à son tour son influence despotique — que les parfums de bonne origine fussent fabriqués en Italie, y compris gants de senteur venant principalement de Rome.

La passion des onguents, aromates, pommades, lotions, eaux de toilette, gants odorants, poudres essentielles, atteignit telles proportions que les disciples de René le Florentin songèrent à dissimuler dans les parfums des produits toxiques susceptibles d’expédier sans bruit dans un monde meilleur ceux auxquels on les offrait en présent. Blancs onctueux, dentifrices, fards, étaient les véhicules de poisons corrosifs ne laissant aucune trace apparente. Ils s’introduisaient par les pores de la peau ou les muqueuses et cheminaient lentement à travers le corps où ils atteignait mortellement les organes vitaux.

Le roi Henri III, en vrai petit maître qu’il était, croyait effacer ses taches de hâle en portant la nuit un masque, connu sous le nom de masque de Poppée et qui se fabriquait avec de la farine et des blancs d’œufs, qu’il faisait sécher sur son visage et qu’il enlevait le matin avec de l’eau de cerfeuil.

Diane de Poitiers, grâce aux cosmétiques dont elle faisait usage — bien que quelques biographes aient affirmé qu’elle n’usait que de l’eau du ciel —, conserva ses charmes, sa beauté, son ardeur de jeunesse à un âge extrême. Elle était encore fort belle quand, plus de deux siècles après sa mort, on l’exhuma de son tombeau du château d’Anet. Tenait-elle ses secrets de beauté du fameux alchimiste Paracelse, ou bien la châtelaine d’Anet était-elle une simpliste, ne demandant qu’à la seule nature ses remèdes contre le temps dévastateur ? Énigme durable ! Toutefois Brantôme ne nous laisse guère ignorer comment ses honnêtes dames en usaient savamment pour réparer des ans l’irréparable outrage.

Frontispice et page de titre du Parfumeur royal ou l'art de parfumer avec les fleurs et composer toutes sortes de parfums, tant pour l'odeur que pour le goût par Simon Barbe paru en 1699
Frontispice et page de titre du Parfumeur royal ou l’art de parfumer avec les fleurs et composer
toutes sortes de parfums, tant pour l’odeur que pour le goût
par Simon Barbe paru en 1699

Avec Henri IV, parfait Béarnais, sain et vigoureux, fier soldat et roi soucieux du bien-être public, l’esprit français italianisé à outrance sous le règne des Valois-Angoulême se modifia rapidement et totalement. Aux types efféminés de souverains félins, perfides et cruels, entourés de mignons et de bretteurs, de damoiseaux aux mœurs fort équivoques et qui se parfumaient comme des courtisanes, succédèrent de francs et loyaux gentilshommes aimant la vie active, la chasse, la belle galanterie.

Le Vert-Galant fut-il très sensible aux senteurs ? Cela semble plus que douteux. S’il en usa, ce fut pour combattre et dissimuler la violente odeur de fauve qu’il dégageait âprement, comme d’ailleurs tous les rois de sa lignée.

Les parfums, alors que gouvernait le cardinal de Richelieu, épris de fines senteurs, parvenaient de notre Provence que Godeau, évêque de Grasse et bon poète, devait nommer « La Gueuse parfumée » parce qu’elle était pauvre au point de solliciter des subsides de la Cour. Les femmes recherchaient alors des recettes multiples pour entretenir le corps en santé, et les parfumeurs étaient chargés de leur fournir les produits les plus réputés, tels que l’ « Eau vitale de jeunesse », l’ « Eau impériale », l’ « Eau thériacale pour le rajeunissement », accréditée par le célèbre médecin Fernel.

Il entrait dans ces préparations des épices, des herbes parfumées, des fleurs, des fruits. C’était compliqué, à la façon des drogues de sorciers ou des remèdes de bonne femme. Il y avait de tout : des racines de gentiane, des feuilles de rue, des clous de girofle, du gingembre, du bois d’aloès, du cubèbe, du romain, de la bourrache, de l’hysope, de la sauge, de l’eau de rose, du vin blanc, du chardon-bénédic, du citron, de l’orange, du nénuphar. Mais déjà les produits n’étaient plus très purs. La fraude se développait et le philosophe des Essais écrivait : « Les hommes ont fait de la nature comme les parfumiers font de l’huile, ils l’ont sophistiquée. »

Il faut lire le Traité des odeurs de Théophraste, imprimé par Vascosan, d’après Adien Turrebo, en 1556, ou bien Le Parfumeur françois qui enseigne toutes les manières de tirer les odeurs des fleurs ou bien encore Le Parfumeur royal, sinon le Discours apologétique sur les vertus principales de l’eau de la reine de Hongrie.

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