LA FRANCE PITTORESQUE
DIGNE pendant la guerre 1914-1918
(par le chanoine Adrien Reynaud)
Publié le dimanche 3 janvier 2021, par Redaction
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À 9 heures du soir, le 1er août 1914, toute la population dignoise se trouvait réunie sur le Pré-de-Foire. M. Fontanès, préfet des Basses-Alpes, invita la foule à conserver son calme. Il déclara que l’heure était arrivée où chacun devait être prêt à faire le sacrifice de sa vie au pays et exhorta les mères, les épouses et les fiancées à supporter avec grandeur d’âme les épreuves qui allaient leur être imposées. Les adieux de la séparation firent couler les premières larmes mais l’amertume était atténuée par l’espérance que la guerre serait de courte durée.

L’hôpital mixte, civil et militaire, aménagea toutes ses salles pour accueillir le plus grand nombre possible de malades. L’école normale des institutrices et le collège de jeunes filles furent les premiers locaux mis à la disposition de l’armée et transformés en hôpital. L’État, déjà écrasé par les lourdes charges de la guerre, ne pouvant guère fournir les ressources nécessaires au fonctionnement de ces nouveaux établissements, l’évêque de Digne ordonna une première quête (bientôt suivie de nombreuses autres) dans toutes les paroisses du diocèse.

Les dévouements furent à la mesure des dons et, à certaines époques, près de deux cents personnes purent être accueillies simultanément. Paul Ventre fut un des premiers disparus au front. Nul ne le revit après le 19 août et sa mère conserva longtemps l’illusion qu’il avait été fait prisonnier. Ce n’est qu’après l’armistice qu’elle comprit tout son malheur : son fils avait sans doute trouvé la mort dans un des terribles combats livrés autour de Dieuze.

Bien d’autres disparurent ainsi, sans que personne ne retrouve jamais leurs traces. Jules Chabot, 28 ans, tambour au 203e, fut tué à bout portant par un officier allemand sur le point d’être fait prisonnier. Georges Bontoux, professeur agrégé au lycée de Digne, écrivait le 18 décembre 1914 à ses quatre sœurs dont il était l’unique soutien : « N’oubliez pas le grand frère qui est mort en soldat pour perpétuer dans la famille la tradition du devoir accompli sans faiblesse, et, si vous avez un jour des enfants, évoquez ma lointaine mémoire ». Quelques heures plus tard, il tombait, mortellement frappé d’une balle en plein front.

Jean Cauro s’engagea en mars 1914 au 3e d’infanterie. Parti pour le front dès le deuxième jour de la mobilisation, il fut blessé à la tête à Montcourt, le 14 août. Incorporé plus tard dans les tirailleurs sénégalais, il passa dix-neuf mois en Orient avant que sa santé soit si altérée par les fatigues, le climat et les privations qu’il fut évacué le 22 octobre 1918 à Lin, en Serbie. Après quatre ans d’héroïques combats et de souffrances, il y succomba à la veille de l’armistice.

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