LA FRANCE PITTORESQUE
Grandeur d’âme du chevalier Bayard
(D’après « Vies des hommes illustres de la France, depuis le commencement
de la monarchie jusqu’à présent » (par Jean Du Castre d’Auvigny, oeuvre
continuée par l’abbé Gabriel-Louis Pérau et par Turpin), Tome 9 paru en 1744)
Publié le vendredi 3 juillet 2020, par Redaction
Imprimer cet article
Comment le chevalier Bayard s’épargna un crime en domptant sa passion, et contribua au bonheur d’une infortunée
 

Le chevalier Bayard avait remarqué dans Grenoble une jeune fille d’une grande beauté. Il s’informa de son nom et de son état, et l’obscurité de sa naissance, ainsi que la misère de ses parents, laissant plus de liberté à ses désirs, il les confia à son valet de chambre.

Ce domestique, ayant trouvé moyen de s’introduire chez la mère de la jeune fille, reconnut dans la première plus de préjugés que de véritables sentiments d’honneur, et surtout un grand amour du gain ; mais la jeune fille, retenue par l’exemple et les leçons de quelques personnes considérables qui la recevaient chez elles, et fière, comme le font toutes les belles, laissait moins d’espérance au confident du chevalier, qui la savait d’ailleurs prévenue d’une forte passion pour un jeune homme de son état. Voulant satisfaire son maître, le domestique parla ouvertement à la mère, lui offrit de l’argent et obtint sa fille.

Bayard est acclamé à Grenoble le 17 mars 1515. Lithographie de Paul de Sémant extraite de Histoire du Chevalier Bayard par Théodore Chalu (1898)
Bayard est acclamé à Grenoble le 17 mars 1515. Lithographie de Paul de Sémant
extraite de Histoire du Chevalier Bayard par Théodore Chalu (1898)

La réputation de générosité que s’était acquise le chevalier Bayard fut en partie la cause de son peu de résistance : elle vint dans la chambre du héros, où, le voyant seul, elle se jeta à ses genoux : « Monseigneur, lui dit-elle en pleurs, vous qui avez sauvé des villes entières et l’honneur à tant de familles, voudriez-vous ravir celui d’une malheureuse qu’on vous livre malgré elle, et dont votre vertu devrait vous rendre le premier défenseur ? »

Ces mots touchèrent le chevalier, qui ne vit plus dans son action que ce qu’elle avait de capable de rebuter un homme délicat : « Levez-vous, ma fille, lui dit-il ; vous sortirez de chez le chevalier Bayard aussi sage et plus heureuse que vous n’y êtes entrée. » En même temps, il la conduisit chez une dame de ses parentes, à qui il recommanda le secret, et d’avoir soin de cette fille.

Le chevalier envoya, le lendemain de bonne heure, chercher la mère de la fille, qui fut consternée quand au lieu de la récompense qu’on lui avait promise, se vit exposée aux reproches de Bayard. Cette femme allégua la misère et l’impuissance où elle s’était trouvée de marier sa fille, n’ayant point de bien.

« Combien vous demande-t-on pour cela ? dit Bayard. — Six cents francs, répondit-elle. » Le généreux chevalier les donna sur-le-champ, ajoutant deux cents autres livres pour les habits de la fille, et pour aider la mère à subsister.

Copyright © LA FRANCE PITTORESQUE
Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

Imprimer cet article

LA FRANCE PITTORESQUE