LA FRANCE PITTORESQUE
Quartier artisanal datant
de l’Antiquité à Famars (Nord)
(Source : Inrap (Institut National de Recherches Archéologiques Préventives))
Publié le jeudi 23 avril 2020, par Redaction
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À​ Famars (Nord), une nouvelle campagne de fouilles de l’Inrap a révélé l’existence du quartier artisanal de Fanum Martis, habité du Ier au IVe siècles puis utilisé aux XVIIe et XVIIIe siècles
 

À Famars (Nord), une importante campagne de fouille a été menée par l’Inrap ​sur le site de l’agglomération gallo-romaine de Fanum Martis, à l’emplacement du futur Technopôle Transalley. Cette opération, qui fait suite à quatre campagnes de fouilles réalisées de 2011 à 2014, concerne une part de l’extrémité occidentale de l’agglomération antique, à proximité des carrières ayant fourni le grès pour les diverses constructions, publiques ou privées.

Ce secteur est implanté au cœur d’un quartier associant habitat et artisanat répartis dans des parcelles longeant de petites voiries. L’opération vise à comprendre l’organisation de la production dans ce centre urbain gallo-romain dont l’empreinte en Gaule-Belgique apparaît de plus en plus notable.

Vue de la cave maçonnée antique en en opus mixtum
Vue de la cave maçonnée antique en en opus mixtum. © Crédit photo : Inrap

Occupation dense dans l’Antiquité après une présence discrète
Alors que de nombreux artefacts préhistoriques ont été découverts au cours des premières campagnes de fouilles réalisées sur le Technopôle, aucun lieu d’occupation n’a été exploré. Cependant, la partie basse du terrain recèle des traces d’un habitat datable d’entre 30000 et 14000 avant notre ère. La Protohistoire n’est représentée que par quelques structures attribuables à l’Âge du Bronze moyen (1435-1290 avant notre ère) et final (1005-840 avant notre ère).

Située à la limite occidentale de la cité (civitas) des Nerviens, à environ 20 km de la capitale du Haut-Empire (Bavay) et de celle du Bas-Empire (Cambrai), Fanum Martis devient une localité nervienne importante au cours de la période gallo-romaine, au IIe siècle. Elle est située sur une voie reliant Cambrai à Pommeroeul, le long de la Rhonelle. Sa superficie est estimée à plus de 150 hectares. Ses limites orientale, occidentale et septentrionale sont connues, mais son extension vers le sud est toujours imprécise.

Un quartier d’habitat et d’artisanat
Les premières traces d’occupations de Fanum Martis remontent aux années 40 de notre ère. Les vestiges de cette première installation sont dispersés et placés à distance d’un fossé ceignant mares ou flaques. Les lambeaux d’un chemin de terre sont à associer à cette période, tout comme quatre inhumations réparties sans ordre apparent et caractérisées par un manque de soin au défunt. Alors que l’incinération prévaut à cette période, ces inhumations semblent plus être des rejets que de véritables sépultures.

Dès la seconde moitié du Ier siècle, la localité se développe. En plusieurs endroits, un habitat associé à de nombreuses activités de production est installé en périphérie du cœur urbain implanté sous l’actuel centre de Famars. Dans le secteur du Mont Houy, un parcellaire normé est établi tandis que les infrastructures et monuments publics (aqueduc, thermes, théâtre) s’élèvent dans l’agglomération. Les potiers, mais aussi, les forgerons, les vanniers, les tanneurs sont établis dans différents quartiers. La ville va connaître son apogée à la fin du IIIe siècle - début du IVe siècle de notre ère, période à laquelle elle est le pôle économique de la région et couvre environ 200 hectares. Vers 320, la fonction de Fanum Martis change : elle devient le siège des troupes militaires et du préfet des lètes nerviens (praefectus laetorum Nerviorum (in) ​Fanomantis Belgicae secundae). La ville se réduit alors à un castellum (place forte).

Tout au long de l’Antiquité, la plupart des constructions sont bâties en bois et en torchis, parfois fondées sur solin de grès, matériau provenant des carrières voisines. Si elles disposent généralement d’un cellier, trois sont pourvues de caves maçonnées en opus mixtum (appareil combinant lits de moellons de pierres et lits de brique). L’édification ultérieure du castellum (vers 320) ayant nécessité énormément de matériaux de réemploi dont les élévations explique qu’aucune élévation n’a été reconnue sur ces fondations de blocs de grès ou de craie damée. La présence de fragments de suspensura (sol suspendu), de pilettes et de rejets de béton de tuileau atteste la présence d’hypocaustes (système de chauffage par le sol) dans les demeures les plus vastes. Toutefois, seules les bases de l’un d’entre eux ont été découvertes lors des opérations précédentes dans le secteur du Technopole.

Vase à visages (IIIe siècle)
Vase à visages (IIIe siècle). © Crédit photo : Inrap

Les fouilles menées en 2019 ont permis d’identifier une zone de tannerie, l’atelier d’un glutinarius (fabricant de colle) et la présence d’une bourrellerie/cordonnerie, attestée par des alènes (poinçon servant à percer le cuir) et un lissoir. L’utilisation de l’os de bœuf pour la fabrication de colle par extraction du collagène s’avère être une activité importante sur ce site du IIIe au début du IVe siècle. La campagne de 2019 a également livré onze fours à céramique venus compléter la série des quinze déjà connus. Les ateliers produisent majoritairement des cruches et des amphores, mais aussi des pots lustrés destinés à la présentation ou encore des vases à visages moulés.

Une présence militaire aux XVIIe et XVIIIe siècles
La période moderne est représentée par quelques foyers témoignant de la présence de troupes de Louis XIV en cantonnement lors des sièges de Valenciennes de 1656, 1677, et de celles du général Dampierre lors de la guerre de la Première Coalition en 1793. Les traces les plus simples de ces campements sont de petits foyers, répartis de manière aléatoire sur le site, qui devaient être utilisés par les soldats pour s’éclairer et chauffer leur nourriture. Au nord du site, un foyer circulaire atteignant près de quatre mètres de diamètre, semble servir, quant à lui, pour l’éclairage des lignes. Ce type d’installation est décrit dans le Traité de l’attaque et de la défense des places de Vauban.

​Durant la Première Guerre mondiale, le terrain a servi de piste d’envol aux avions de la Jastaschule 1 pour attaquer les tranchées françaises et anglaises. Des sépultures de soldats allemands qui défendaient cet aérodrome ont été découvertes sur le site.

Inrap
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