LA FRANCE PITTORESQUE
Quand chacun fait son métier,
les vaches sont bien gardées
(D’après « Parémiographe français-allemand ou Dictionnaire des métaphores
et de tous proverbes français adaptés et sanctionnés
par l’Académie française » (par Jacques Lendroy), paru en 1820)
Publié le vendredi 21 février 2020, par Redaction
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Tout va bien quand chacun fait son devoir
 

Ce proverbe nous vient du trait d’histoire suivant. Louis Pfiffer (mort en 1594), d’une famille suisse, féconde en grands capitaines, entra fort jeune au service de la France dans les troupes Suisses ; et après avoir donné des preuves éclatantes de bravoure en maintes occasions, il fut fait colonel du régiment de Taumman, après la bataille de Dreux, où ce régiment se couvrit de gloire.

Cette bataille constituait le premier combat d’importance marquant les guerres de religion, opposant les troupes protestantes du prince de Condé et de l’amiral de Coligny à celles de l’armée catholique et royale comprenant Anne de Montmorency, le connétable de Charles IX, au nombre de ses chefs, qui en dépit de la victoire catholique fut fait prisonnier lors de cet affrontement, le 19 décembre 1562. Le cardinal de Lorraine, son intime ami, en rejeta la faute sur les Suisses, et conserva une telle animosité contre ces braves, qu’il ne les nommait plus que les Vaches Suisses.

Louis Pfiffer. Gravure de François Hubert (1784)
Louis Pfiffer. Gravure de François Hubert (1784)

Pfiffer, trop raisonnable pour se formaliser d’une allusion si déplacée dans la bouche d’un connétable, amena en 1567 et à la demande de la reine Catherine de Médicis, un régiment de 6000 Suisses au service de Charles IX — qui prennent à cette occasion le nom de Gardes suisses du roi, la création du régiment des Gardes suisses intervenant quant à elle plus tard, en 1616, sous le règne de Louis XIII.

Les désœuvrés et les envieux, pour faire la cour au cardinal, firent courir le bruit que ce beau régiment était vendu au prince de Condé, l’un des chefs protestants ayant perdu la bataille de Dreux, et qu’à la première affaire, il abandonnerait le parti du roi, pour se ranger sous les drapeaux de son antagoniste, le dit prince de Condé. Le cardinal, craignant que ces braves ne se vengeassent de sa rancune contre leurs frères d’armes, invita Pfiffer à se rendre au conseil de guerre qu’il fit assembler, la veille du jour où le prince de Condé et l’amiral de Coligny avaient fait leurs dispositions pour s’emparer de la personne du roi, qui se trouvait à Monceaux.

« Pfiffer, lui dit amicalement le cardinal, le roi est en danger ; peut-il compter sur vous ? » Avec tout le sang-froid qui n’est propre qu’à l’innocence, le colonel lui repartit : « Monseigneur ! Quand chacun fait son métier, les vaches sont bien gardées. » En effet, ce fut avec ce régiment que Louis Pfiffer sauva le 28 septembre 1567 Charles IX de Meaux à Paris, dans un bataillon carré que le prince de Condé, malgré tous ses efforts, ne put enfoncer.

Charles IX attaqué par les protestants à Meaux. Enluminure extraite du manuscrit 0156 de la Bibliothèque municipale de Lyon intitulé Carmen de tristibus Galliae (1577)
Charles IX attaqué par les protestants à Meaux. Enluminure extraite du manuscrit 0156
de la Bibliothèque municipale de Lyon intitulé Carmen de tristibus Galliae (1577)

Cette journée, appelée dans l’histoire la célèbre retraite de Meaux, également la surprise de Meaux ou encore la bataille de Meaux, justifie parfaitement la réponse de l’intrépide Pfiffer au cardinal, qui, à la vérité, était grand en diplomatie, mais bien chétif dans la tactique.

Le 30 septembre, les Suisses entraient dans Paris, le roi les recevant à la Porte Saint-Martin. Il leur donna de grandes louanges ainsi que la solde extraordinaire de bataille, et revêtit du collier de son ordre de Saint-Michel leur digne colonel, Louis Pfiffer. Le jeune monarque avait dit en arrivant à Paris, que sans son cousin le duc de Nemours et ses bons compères les Suisses, sa vie ou sa liberté étaient en grand branle.

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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