LA FRANCE PITTORESQUE
1949 : un feu de forêt
dans les Landes traumatise la France
(Source : Ouest France)
Publié le lundi 13 janvier 2020, par Redaction
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Si la France n’a jamais connu d’incendie d’une ampleur comparable à celle des flammes ravageant l’Australie ayant détruit plus de 6 millions d’hectares et entraîné la mort de 26 personnes, l’un est resté dans les annales, celui de la forêt des Landes en 1949 : 82 personnes ont péri en ce mois d’août. Retour sur ce que l’on a appelé « l’incendie du siècle ».
 

Nous sommes en 1949. La France suffoque. Une nouvelle sécheresse s’ajoute à celles des années précédentes. Les incendies se multiplient durant l’été. On en signale dans le Roussillon, dans le Gard, sur la Côte d’Azur, dans l’Aude, en Saône-et-Loire... Mais « les départements de la Gironde et des Landes semblent être les plus éprouvés par les incendies de forêts » titre le journal Le Monde le 16 août listant des foyers à Martillac, Arès, Saint-Savin-de-Blaye ou Lartigue…

La situation est préoccupante : d’ailleurs, le préfet de Gironde a interdit la circulation voitures au gazogène (véhicules fonctionnant avec du gaz), mais aussi le camping et les pique-niques dans les zones non prévues à cet effet.

Photo prise lors de l'incendie du 22 août 1949, dans la forêt des Landes
Photo prise lors de l’incendie du 22 août 1949, dans la forêt des Landes.
© Crédit photo : Intercontinentale / AFP

« L’incendie du siècle », comme on l’appellera plus tard, aurait pris naissance bêtement. Le 19 août, la scierie de Saucats, à une trentaine de kilomètres au sud de Bordeaux, est à l’arrêt. À cause des risques de feu justement. Un gardien tue le temps en fumant. Quelques brins de tabac incandescents s’écrasent sur le sol. L’extrême sécheresse et le vent violent font le reste. Un immense incendie débute et occupe rapidement un front de 8 kilomètres dans cette forêt des Landes plantée un siècle plus tôt sous Napoléon III : avant le XIXe siècle, il n’y avait ici que des marécages hostiles.

Le Barp, Mios, Marcheprime, Cestas, les communes alentour sont rapidement touchées. Les hommes valides sont sur le pont pour tenter d’éteindre les flammes, à l’aide d’eau, mais aussi de contre-feux. Le lendemain, ils luttent toujours contre ce feu. Samedi, alors que des colonies de vacances sont évacuées et que les habitants fuient, on estime que l’incendie s’étend sur un front de 18 kilomètres. Les fumées sont visibles jusqu’à la capitale régionale.

« La tempête de feu submerge les sauveteurs de cendres incandescentes »
L’après-midi sera tragique. Le vent change de sens, l’incendie se met à tourbillonner. « Le feu monte d’un seul coup, se déchaînant en un puissant ouragan, créant un immense appel d’air comme dans une gigantesque cheminée », écrit Robert Chevrou dans Pourquoi les incendies de forêts sont-ils si meurtriers ? Avant de reprendre : « La tempête de feu submerge les sauveteurs de cendres incandescentes, projette sur eux de longs jets de flammes horizontales, embrase la végétation loin derrière eux. » Plusieurs dizaines d’hommes sont ainsi pris au piège. 29 habitants de Canéjan y laissent leur vie... Soit plus que pendant les deux guerres mondiales. Le 33e régiment d’artillerie de Châtellerault perd 23 des siens.

En cette funeste après-midi, 82 personnes meurent, ce que rappellent encore les monuments que l’on croise dans la région aujourd’hui : « Ici périrent dans les flammes 82 héroïques sauveteurs. Pour honorer leur mémoire, respectez et protégez la forêt. 20 août 1949. »

L’incendie n’a pourtant pas dit son dernier mot. La forêt brûlera encore pendant une semaine. Plusieurs milliers d’hommes, dont certains dépêchés depuis la Grande-Bretagne, seront nécessaires pour en venir à bout. Au final, 50 000 hectares sont partis en fumée, détruisant 125 habitations.

L'aérium d'Arès est évacué le 22 août 1949, lors de l'incendie qui ravage les Landes
L’aérium d’Arès est évacué le 22 août 1949, lors de l’incendie qui ravage les Landes.
© Crédit photo : STF / Intercontinentale / AFP

Des scènes poignantes sont décrites par les journalistes de l’époque. Ainsi Paris Match, qui republiait une de ses archives l’été 2019 à l’occasion des 70 ans de l’incendie, écrit : « Au lieu-dit Saint-Jacques, la ferme de Mme Videau a disparu en une heure de temps. D’une vaste propriété, il ne reste que deux douzaines d’assiettes, une lampe à pétrole, une caisse d’oignons, une nasse. Chez Mme Callède, sept vaches ont été brûlées vives en un quart d’heure ; dans un coin de la maison, un petit tas de charbon de bois au bout d’une chaîne : Finette, l’épagneul préféré. » Les reporters parisiens rapportent également l’histoire tragique de ce garagiste de Cestas : « M. Bellos, jusqu’au dernier moment, essaya de protéger de l’asphyxie ses deux jeunes employés. » Les trois seront retrouvés morts.

Des leçons en ont été tirées
À chaque grande catastrophe, ses leçons. « L’incendie du siècle », le plus meurtrier à ce jour en France, s’est notamment propagé à cause du manque d’entretien de la forêt. Les pare-feux, ces espaces sans arbres, étaient recouverts de broussailles qui ont participé à la propagation les flammes.

Alors, des mesures sont prises : débroussaillage, matériel neuf chez les pompiers, création de points d’eau pour alimenter les secours, création d’une chaîne de commandement efficace… Aujourd’hui, la Gironde connaît toujours 1 500 départs de feu à l’année. Mais l’efficacité du dispositif d’intervention permet de circonscrire la surface brûlée à « seulement » 1 800 hectares.

Nicolas Montard
Ouest France

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