LA FRANCE PITTORESQUE
11 juin 1906 : inauguration des
autobus parisiens
(D’après « Le Petit Parisien », paru en 1906)
Publié le dimanche 11 juin 2023, par Redaction
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La date du 11 juin 1906 restera dans les annales de la circulation parisienne comme celle où l’on vit pour la première fois circuler, en service régulier, dans nos rues, les autobus ou omnibus automobiles. Déjà fort diminuée, depuis l’apparition des tramways mus par l’électricité ou l’air comprimé, la traction animale vivait ses derniers instants, tout au moins en ce qui concerne son adaptation aux moyens de transport en public.
 

Bien que les autobus ne dussent être inaugurés officiellement qu’à dix heures du matin, ils firent leur apparition dès les premières heures du jour, et ce fut là une joyeuse surprise. La première voiture — portant le numéro 455 A. M. — quitta, vers six heures et demie, c’est-à-dire à l’heure fixée pour le commencement de l’exploitation quotidienne de tous les véhicules de la compagnie, le dépôt de la rue Ordener.

« Pas de correspondance à l’impériale ? » demanda le contrôleur. Personne ne répondant, l’autobus s’ébranla, avec une petite secousse, et le conducteur, Monsieur Bernadon, comptant déjà vingt et un ans de service, sonna, non sans fierté, à son cadran, ses six premiers voyageurs. Car ils n’étaient que six. Mais au fur et à mesure que l’autobus avança dans Paris, leur nombre augmenta peu à peu.

Un autobus P2 de la firme Brillié-Schneider en 1906, mis en service sur la ligne AM (Montmartre-Saint-Germain-des-Prés) et se trouvant ici à la station de Montmartre

Un autobus P2 de la firme Brillié-Schneider en 1906, mis en service sur
la ligne AM (Montmartre-Saint-Germain-des-Prés) et se trouvant ici à la station de Montmartre

En deux minutes, l’autobus avait atteint la place Clichy. Il se dirigeait alors vers la gare Saint-Lazare pour s’arrêter au coin de la rue d’Amsterdam. Les autres arrêts eurent lieu place de l’Opéra, près de l’entrée de la gare du Métropolitain au Palais-Royal, au quai des Tuileries, rue de l’Université, à l’angle de la rue des Saints-Pères. Bref, trente-quatre minutes et demie après le départ, la voiture 455 A. M. arrivait triomphalement place Saint-Germain-des-Prés, point terminus du parcours.

Pendant ce premier voyage, vingt personnes avaient pris place sur l’impériale et dix-huit à l’intérieur. En route, il ne s’était produit aucune panne. Un seul incident : un voyageur avait perdu son porte-monnaie ! L’honnête conducteur Bernadon retrouva l’objet plus tard et le déposa au bureau d’arrivée, où il fut tenu à la disposition de son propriétaire. Le retour du premier autobus de la place Saint-Germain-des-Prés Montmartre s’effectua en vingt-neuf minutes, soit cinq minutes et demie de moins qu’à l’aller, et bien qu’ayant à gravir une partie de la Butte. Cette fois, il avait reçu vingt-deux personnes à l’impériale et vingt-quatre à l’intérieur.

Avec les omnibus chevaux, le trajet durait de quarante-cinq à quarante-sept minutes. Il y a donc une économie notable de temps. Les arrêts sont fixes, comme pour les tramways électriques. Des plaques bleues, installées sur des réverbères et portant ces mots : « Omnibus automobiles — Arrêt » indiquent leur emplacement. Ils sont distants, les uns des autres, d’environ deux cents mètres.

À part leur couleur vert foncé, les nouvelles voitures sont à peu près semblables aux autres. L’impériale a été munie d’un toit. En outre, un passage a été ménagé à l’endroit où se trouvait autrefois le siège du cocher. On peut donc faire le tour complet de ladite impériale. Le cocher, devenu wattman, est installé au même niveau que les voyageurs, sur le devant de la voiture, naturellement. Il est vêtu de gris.

Tous les wattmen sont d’anciens cochers titulaires de la compagnie. Quelques jours leur ont suffi pour apprendre leur nouveau métier. Cette constatation est suffisante, semble-t-il, pour rassurer ceux de leurs camarades que la perspective de l’avenir pourrait alarmer, relate Le Petit Parisien du 12 juin 1906. Elle fait honneur, d’autre part, à l’intelligence des cochers de la compagnie des omnibus.

Un autobus P2 de la firme Brillié-Schneider en 1906, sur la ligne J (Montmartre Rue du Poteau – Place Saint Michel) et se trouvant ici rue Saint-Denis

Un autobus P2 de la firme Brillié-Schneider en 1906,
sur la ligne J (Montmartre Rue du Poteau – Place Saint Michel) et se trouvant ici rue Saint-Denis

L’inauguration officielle de la nouvelle ligne eut lieu en présence de Monsieur Derval-Arnould, conseiller municipal rapportant, généralement, toutes les questions relatives aux tramways et aux omnibus. Les personnages officiels et les invités montèrent en autobus place de l’Opéra et, en dix-huit minutes, furent conduits place Saint-Germain-des-Prés. Vingt-cinq minutes plus tard, ils arrivaient à leur tour au dépôt de la rue Ordener.

Le remplacement de la traction animale sur la ligne Montmartre-Saint-Germain-des-Prés avait pour conséquence de supprimer d’un seul coup le service de près de 200 ! chevaux, 194 exactement. Le 15 juillet suivant, devait être inaugurée la seconde ligne reliant l’Hôtel de Ville à la Porte-Maillot. Puis devaient venir, dans l’ordre suivant, les lignes Place Saint-Michel-Montmartre (rue du Poteau), Pigalle-Halle aux Vins et Gare des Batignolles-Gare Montparnasse.

Ces diverses lignes devaient être desservies dès que la compagnie auraient reçu livraison des quatre-vingt-dix autres omnibus automobiles que l’on s’occupait, en ce mois de juin, de construire ou de transformer.

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