LA FRANCE PITTORESQUE
Chandeleur ou Présentation
de Jésus au Temple : origine,
signification et coutumes
(D’après « Les fêtes de l’Église romaine, avec l’explication de l’origine
de chaque solennité » (par Célon Galoppe d’Onquaire) paru en 1854
et « Les fêtes chrétiennes en Occident » (par Philippe Rouillard) paru en 2003)
Publié le samedi 1er février 2020, par Redaction
Imprimer cet article
Tombant au quarantième jour après Noël, et célébrée à Jérusalem dès le IVe siècle, cette fête de la Purification de Marie, de la Présentation du Seigneur au Temple ou encore de la Chandeleur — car la procession de pénitence se déroulant à cette occasion se faisait à la lueur de cierges —, portait en grec le nom d’Hypapante signifiant rencontre, réception qui se fait à ceux qui viennent de loin et au-devant desquels on va pour les honorer
 

Cette fête fut établie en commémoration du vieillard Siméon et d’Anne la prophétesse, qui allèrent à la rencontre de Jésus, lorsque Joseph et Marie vinrent le présenter au temple. La loi et l’usage voulaient alors que tout nouveau-né fût porté en présence du grand prêtre, quarante jours après sa naissance, pour être inscrit sur les registres, et, dans cette présentation, la mère elle-même devait être purifiée devant Dieu.

Certes, la mère du Messie, qui avait donné le jour à son fils sans perdre une seule des prérogatives de sa virginité, n’avait à se purifier d’aucune souillure devant Dieu. Aussi est-ce seulement pour donner l’exemple de l’obéissance à la loi qu’elle se soumet à cette formalité, qui la relève et la grandit encore aux yeux de ses serviteurs. Les saints livres nous apprennent que la loi voulait encore que toute femme, avant de se purifier, présentât un agneau en sacrifice ; mais celle qui était trop pauvre pour fournir cette victime pouvait y substituer deux colombes.

Présentation de Jésus au Temple. Peinture d'Andrea Mantegna (1465)

Présentation de Jésus au Temple. Peinture d’Andrea Mantegna (1465)

C’est Rome qui accueille, dans la seconde moitié du VIIe siècle, cette fête qui vient d’Orient — célébrée à Jérusalem dès 386 — et qui porte le nom grec Ypapanti (Hypapante), c’est-à-dire « rencontre » : rencontre entre l’Enfant Jésus que ses parents présentent au Temple et le vieillard Siméon qui attendait sans se lassera « la consolation d’Israël ». Le pape Serge Ier (687-701) établit que la messe célébrée à Rome en la basilique Sainte-Marie-Majeure sera précédée d’une procession qui partira du Forum. Comme cette procession commence de très bonne heure, ceux qui y participent portent un cierge en main, pour éclairer leur marche.

De façon surprenante — et là encore inspirée d’usages orientaux — cette procession revêt un certain caractère pénitentiel : le pape et ses diacres portent des ornements noirs (et jusqu’en 1970 le prêtre et ses ministres porteront des vêtements violets pour cette procession).

Dès le milieu du VIIIe siècle, un autre nom est employé dans les pays francs pour désigner cette fête : celui de Purification de Marie, inspiré par la loi juive imposant à la femme qui avait mis un enfant au monde de venir se présenter au Temple, quarante jours après la naissance, pour des sortes de « relevailles ». Cette fête de la Purification s’appelle encore la fête de la Chandeleur, parce qu’autrefois ce jour-là les prêtres et les assistants portaient à la main un cierge, une chandelle de cire allumée, touchant emblème de la mère divine portant dans ses bras l’enfant d’où devait rayonner toute lumière. Ce cierge, par sa blancheur, était encore le symbole naïf de la pureté de Marie, de la candeur de Jésus et de la droiture de Joseph.

Au Xe siècle, en Allemagne, la célébration commence par la bénédiction des cierges, qui n’est introduite à Rome qu’au XIIe siècle, son succès faisant qu’elle est toujours en usage. Il faudra attendre les liturgies françaises du XVIIIe siècle pour faire prévaloir, à juste titre, l’appellation de Présentation de Jésus au Temple. Joseph et Marie viennent présenter à Dieu leur fils premier-né : « Tout fils premier-né sera consacré au Seigneur », et ils offrent deux colombes en action de grâce.

La fête du 2 février fait vivre deux mystères bien distincts : la Rencontre avec Siméon et la Présentation au Temple, mais ces deux mystères sont liés l’un à l’autre de façon inséparable : c’est dans le Temple de Jérusalem, et à l’occasion de la Présentation au Temple, qu’a lieu la rencontre, qui ne pouvait se produire ailleurs.

Le vieillard Siméon est un homme d’attente. Saint Luc dit, de façon peu précise, qu’il attendait « le jour où Dieu aurait pitié d’Israël » et, de façon plus précise, qu’ « il avait été averti par l’Esprit-Saint qu’il ne mourrait pas avant d’avoir vu le Messie ». Siméon est semblable à un cierge, ou à une lampe à huile, qui brûle inutilement, sans éclairer personne, mais qui signifie une présence et une attente.

À cette longue attente, à cette présence attentive, la promesse faite par l’Esprit-Saint ne sera pas démentie. L’Esprit-Saint, qui l’a pris sous son souffle, lui souffle de venir au Temple au moment où le Messie attendu y est amené par ses parents. Siméon prend l’enfant dans ses bras et bénit Dieu pour cette lumière qui illuminera les nations. Plus profondément que les bergers de Noël ou les mages de l’Épiphanie, Siméon reconnaît et accueille l’Envoyé de Dieu, le Sauveur universel.

La fête du 2 février est donc, après Noël et l’Épiphanie, une nouvelle manifestation ou théophanie du Verbe fait chair : la théophanie du quarantième jour. Les quarante jours de l’épreuve, de la recherche, de la marche dans le désert, trouvent leur aboutissement dans cette rencontre qui prend tout de suite un caractère liturgique puisqu’elle a lieu dans le Temple de Jérusalem.

C’est la rencontre du Christ avec le passé, avec la longue attente du peuple d’Israël, avec les préparations et les hésitations de l’Ancien Testament ; et c’est en même temps la rencontre lumineuse avec l’avenir, avec tous ces peuples de la terre auxquels est offert le salut. Comme le chante la préface de ce jour, nous sommes « joyeux nous aussi d’aller à la rencontre du Sauveur » qui vient à nous en cette fête. Pour chacun, il y a aujourd’hui une occasion de rencontre avec le Christ.

Le second volet de la fête est celui de la présentation au Temple. Au-delà de l’obéissance à la loi juive prescrivant que « tout enfant mâle premier-né sera consacré au Seigneur », quelle peut être la signification de la présentation de Jésus dans le Temple de Dieu son Père ? En ce jour et en ce mystère de la Présentation, Jésus entre pour la première fois dans le Temple de Jérusalem qui tiendra une si grande place dans sa vie et où il reviendra si souvent.

Lorsqu’il aura douze ans, il montera en pèlerinage à Jérusalem, faussera compagnie à ses parents qui, après trois jours de recherche, le retrouveront... dans le Temple, assis au milieu des savants. Et, à sa mère qui lui dit son inquiétude, il répond : « Pourquoi me cherchiez-vous ? Ne savez-vous pas que je dois être chez mon Père ? » Plus tard, il reviendra dans le Temple et en expulsera vigoureusement tous les « marchands du Temple » en citant l’Écriture : « Ma maison sera appelée maison de prière, et vous en faites une caverne de voleurs ». Et, dans ce Temple purifié, il guérit tous les éclopés qui se présentent à lui. Quelques jours plus tard, Jésus entre à nouveau dans le Temple et enseigne. De façon mystérieuse, il laisse entendre que le vrai Temple de Dieu n’est autre que son propre corps. Ainsi, la Présentation au Temple apparaît comme l’inauguration des rapports de Jésus avec la maison de son Père, maison qu’il admirera et sur laquelle il pleurera.

Présentation de Jésus au Temple. Peinture de Hans Holbein l'Ancien (1500)

Présentation de Jésus au Temple. Peinture de Hans Holbein l’Ancien (1500)

Dans cette première démarche, l’Enfant Jésus était accompagné et porté par ses parents. À leurs risques et périls. Siméon en effet, qui bénit Dieu parce qu’il lui a été donné de voir le Sauveur avant de mourir, se tourne ensuite vers Marie pour lui dire qu’un glaive lui transpercera l’âme. C’est peut-être là que se situe la véritable et redoutable « purification de Marie », appellation qui, pendant dix siècles au moins, a été la dénomination de cette fête.

Dans le monde rural traditionnel, le cierge bénit rapporté de la procession était soigneusement conservé à la maison, après qu’on lui eut fait parcourir les champs et les vergers, les étables — où l’on versait quelques gouttes de cire dans les mangeoires — et qu’on se fut longuement arrêté au rucher, devant les abeilles dont la cire a produit le cierge. Finalement, il était déposé sur le haut de l’armoire, d’où il protégeait toute la maisonnée. On l’allumait aux moments de dangers, en particulier lors des orages et lorsqu’un habitant de la maison était près de mourir.

Une autre coutume est largement répandue, au moins en France : celle des crêpes de la Chandeleur, qui à l’origine est peut-être un rite de protection sur le blé. Un dicton du Poitou et de Vendée assure : « Si point ne veux le blé charbonneux, mange les crêpes à la Chandeleur. . La préparation des crêpes est bien sûr confiée aux femmes, mais c’est aux hommes, et d’abord au maître de maison, qu’il revient de les faire sauter. C’est une assurance de chance et de bonheur si, tout en tenant dans la main gauche une monnaie d’or ou d’argent, le père de famille réussit à expédier la première crêpe sur le dessus de l’armoire, où elle rejoint le cierge bénit. Passablement desséchée, elle y restera un an, et sera elle aussi un gage de protection.

Copyright © LA FRANCE PITTORESQUE
Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

Imprimer cet article

LA FRANCE PITTORESQUE