Homme d’État, Richelieu avait la conscience nette et le sentiment de n’avoir manqué à aucun des grands devoirs de sa charge, précisément parce qu’il avait agi, agi toujours quand les « intérêts publics » l’exigeaient. En privilégiant la lecture de Richelieu lui-même, de ses textes politiques et théologiques, de ses lettres et documents d’État, l’auteur de cet ouvrage tente de lui restituer une part de sa vérité profonde.
Le credo temporel de Richelieu était l’évidence : lorsqu’on gouverne une communauté humaine, il n’est pire péché que de laisser aller les choses, de ne rien trancher, de temporiser à l’infini. Dans les premiers jours de décembre 1642, l’évêque Philippe Cospeau, qui avait jadis enseigné la théologie au jeune Richelieu et était resté son ami en dépit de tant de puissance et de vicissitudes, vint voir le redouté ministre dans son ultime agonie. Le vieux prélat devait confier ensuite à l’un de ses proches que, à sa grande surprise, l’homme d’État qui avait imposé au royaume entier l’exigence et l’âpreté de sa vision, de ses projets, de ses vastes ambitions, semblait mourir en paix avec lui-même.
De Richelieu demeure trop souvent l’image d’un politique froid et déterminé, animé depuis son plus jeune âge par une ambition sans limites et conduit par les seuls impératifs de la raison d’Etat. S’il est désormais admis qu’il fut à ses débuts un évêque appliqué, l’« Homme rouge » est décrit surtout comme un politicien sinueux et un maître de l’intrigue, perçu à l’aune de nos critères actuels.
Richelieu. L’aigle et la colombe, par Arnaud Teyssier. Éditions Perrin |
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En réexaminant ses années de jeunesse, en relisant avec une attention nouvelle ses abondants écrits politiques et religieux, en réinterprétant l’imposante production de ses documents d’État, Arnaud Teyssier propose un Richelieu étonnant qui tranche sur la tradition : un grand politique certes, mais habité par une vision constamment religieuse du monde. Il redessine ainsi une aventure d’homme d’État qui reste sans équivalent dans l’histoire de la France et de l’Europe : celle d’un ministre qui, en des temps tragiques, raisonne constamment en prêtre et lutte pied à pied contre la faiblesse des hommes celle du roi, celle des Grands, celle des corps constitués, la sienne propre. Tel est le vrai secret de « cette puissance morale qui a fait de lui un des hommes les plus extraordinaires qui aient existé » (Alexandre Dumas, Les Trois Mousquetaires).
Arnaud Teyssier, qui, à travers plusieurs biographies saluées par la critique (Lyautey, Péguy, Louis-Philippe), s’est attaché à éclairer la personnalité profonde de figures historiques par trop figées dans leur image, jette ici un éclairage nouveau sur celle du cardinal ministre, qui reste l’un des grands mythes de notre histoire.
INFORMATIONS PRATIQUES :
Richelieu. L’aigle et la colombe, par Arnaud Teyssier. Éditions Perrin. 396 pages. Format 15,6 x 24,1 cm. 24,50 euros. ISBN : 978-2-262036003. Paru en août 2014 |
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