LA FRANCE PITTORESQUE
Juillettiste et aoûtien
(Source : Le Figaro)
Publié le dimanche 31 juillet 2022, par Redaction
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« Les castors emploient les mois de juillet et d’août à construire leurs digues et leur cabane », souligne Pierre Larousse en citant Buffon dans son Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle. Avouons qu’il reste cependant difficile de qualifier ces laborieux rongeurs de « juilletistes » ou d’ « aoûtiens », d’autant plus que ces deux mots n’existaient pas...
 

Alors, humains que nous sommes, si nous avons la chance d’avoir des vacances, sommes-nous « juilletistes » ou « aoutiens » ? Et depuis quand ?

Juillet ou Quintil ?
En 1571, Maurice Delaporte publiait les Épithètes, un recueil de mots suivis d’une liste d’adjectifs épithètes pouvant les valoriser. Et voici que derrière le mot « juillet », surgissent alors les adjectifs « altéré, chaleureux, estival, ardent, enflammé ». Altéré ? Comprenons « desséchant », impliquant le besoin de se « désaltérer ». Quant à « enflammé », hélas le sens figuré est ici rejoint par le sens propre au moment où les incendies font rage.

Un heureux commentaire y est ajouté : juillet « est le nom d’un des mois de l’année, qui fut ainsi nommé en l’honneur de Jules César, lequel y naquit ». De Julius à juillet, il n’y a en effet que quelques lettres à intégrer. Maurice Delaporte précise par ailleurs que Juillet était jadis appelé « Quintil ». Tout simplement parce qu’il s’agissait du cinquième mois de l’année dans le calendrier romain qui, rappelons-le, commençait au mois de mars.

Août ou Sextilis mensis ?
Pour « aôut », d’abord tout simplement appelé le sixième mois de l’année par les Romains, « sextilis mensis », il n’était pas question qu’Auguste n’ait point, à la manière de « juillet » consacré à Julius César, lui aussi son mois. Et ce fut donc l’ « Augustus mensis » à la suite du « Julius mensis ».

Mieux même, on ajouta un jour au mois d’août, pris sur le mois de février, pour que l’empereur Auguste puisse disposer pour le mois qui lui était ainsi consacré autant de jours que Julius Cesar... Du latin populaire « agustus », on passa ensuite au milieu du XIIe siècle au français « aoust » ou « aost », avec des prononciations variables.

Quelle prononciation ?
« Aôut : prononcez ou » affirme Richelet en 1680, mais presque trois siècles plus tard, en 1968, quelques phonéticiens relèvent encore une variante de prononciation entre « ou » et « out ». Il est alors bon de pouvoir consulter l’Académie française, en sa neuvième édition bientôt achevée, qui selon son habitude de judicieuse greffière de l’usage offre ce commentaire : « aoû se prononce ou plutôt que aou ; t se fait parfois entendre. »

Juilletistes et aoûtiens ?
Attesté, semble-t-il, en 1969, le « juilletiste » ne précède pas l’ « aoûtien » dans l’usage, un « aoutien » qui serait apparu en 1960, contre toute attente chronologique. Ce sont certes deux mois privilégiés : pas de « juiniste » en effet. Quant aux « septembriseurs », ils ont la plus mauvaise presse, en désignant les auteurs des massacres révolutionnaires de 1792.

De son côté, le paisible « juillettiste » fait son apparition dans le millésime 1990 du Petit Larousse, en simple « personne qui prend ses vacances au mois de juillet », mais attention, s’agissant de l’ « aoûtien », dans le Petit Robert de 1967, c’est-à-dire le tout premier, il ne s’agit encore que de la « personne qui reste à Paris, dans une grande ville, en août », avant qu’il n’entre dans le Petit Larousse dans le millésime 1973, avec le sens élargi de la « personne qui prend ses vacances au mois d’août ».

Jean Pruvost
Le Figaro

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