LA FRANCE PITTORESQUE
Amiens (Cathédrale d’) (Somme)
(D’après un article paru en 1833)
Publié le mercredi 6 octobre 2010, par LA RÉDACTION
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De tous les édifices gothiques qui existent encore en France, la cathédrale d’Amiens est un des plus curieux pour la grandeur, l’élégance et l’unité de style qui règnent dans l’ensemble et les détails ; ce monument peut être regardé comme un des chefs-d’œuvre de l’architecture du moyen âge.

Ses fondements furent jetés en l’année 1220, sous le règne de Philippe-Auguste, et cette superbe basilique fut achevée en 1288. Les maîtres auxquels on doit ce chef-d’oeuvre d’architecture, furent Robert de Luzarches, Thomas et Renault de Cormont son fils. Tous trois faisaient sans doute partie de ces corporations d’artistes qui, s’étant voués à la construction des édifices religieux, parcouraient alors le monde chrétien, offrant leurs services dans les diocèses. Le chef de l’entreprise était appelé maître de l’art. C’est de semblables associations que faisaient partie les architectes qui bâtirent, dans le XIIIe siècle, les églises cathédrales de Cologne, de Strasbourg, de Fribourg, et autres églises d’Allemagne.

La cathédrale d’Amiens surpasse, par la grandeur de ses proportions et la richesse de ses ornements, la plupart des temples construits en Europe dans le moyen âge ; on admire surtout la rectitude de son plan, la magnificence de son ensemble, la perspective majestueuse de ses larges percées, et l’heureuse harmonie de ses lignes.


La gravure ci-contre reproduit la façade principale de la cathédrale. Trois portiques occupent toute l’étendue de la partie inférieure de la façade ; ils sont décorés d’un système uniforme d’ornements, qui consiste en un soubassement continu, enrichi de caissons en forme de trèfles, contenant 118 bas-reliefs, et qui est décoré d’un fond de mosaïque.

Sur ce soubassement s’élève un rang de colonnes légèrement engagées, dont chacune porte en avant une statue de grande proportion, élevée sur une console et surmontée d’un dais, le tout terminé par de profondes voussures ogives, disposées en cul-de-four, dont les arcs multipliés, présentant une diminution progressive, sont remplis d’une grande quantité d’anges, de séraphins, et d’autres personnages en rapport avec le grand tableau en relief, sculpté sur le fond du tympan ; enfin, ces trois portiques sont surmontés par des pignons triangulaires, ornés de chardons qui se détachent d’une manière pittoresque sur des renfoncements obscurs, et l’arc d’ouverture du choeur est enrichi d’un cordon à fleurs et d’une dentelle en pierre délicatement découpée.

Les trois portes de cette façade ont chacune une dénomination particulière : celle du milieu est appelée la Porte du Sauveur ; celle de droite est dite de la Mère de Dieu, et celle à gauche de Saint Firmin le martyr. La plupart des ornements et des figures des portiques, ainsi que ceux des extrémités de la croisée, portent encore l’empreinte des différentes couleurs et de l’or dont ils furent originairement revêtus, suivant le système de décoration tout oriental, importé en Italie par les Grecs, pendant le moyen âge. La partie des trois façades au-dessus des trois portiques se compose d’une galerie à jour en forme de péristyle, qui règne dans toute la largeur, et dont les arcades ogives sont subdivisées par d’autres arcs en forme de trèfle ; cette galerie est soutenue par une autre, également à jour, et dont les entre-colonnements sont décorés d’une série de vingt-deux statues colossales, que l’on croit représenter les monarques français bienfaiteurs de cette église, qui ont gouverné le royaume depuis Childeric II jusqu’à Philippe-Auguste.

Au-dessus se voit une grande rose à compartiments, en pierre, d’un magnifique travail ; toute cette partie de la façade est surmontée d’une balustrade à jour, à hauteur d’appui, régnant dans toute la largeur, et formant une riche ceinture horizontale. A cette hauteur se termina pendant longtemps le portail de la cathédrale d’Amiens ; les deux tours et la galerie vitrée qui les unit à la base n’ont été élevées que plus d’un siècle après l’achèvement du bâtiment de l’église. Le premier clocher de la cathédrale, bâti en pierre, avec le corps de l’édifice, vers l’an 1240, fut détruit par la foudre, le 15 juillet 1525. Les travaux du nouveau clocher furent achevés en 1533.

L’intérieur de cette basilique est remarquable par ses dimensions colossales, par l’élévation et le jet hardi de ses voûtes, la délicatesse de ses fenêtres, la régularité et l’heureux accord de leurs proportions. Le vaisseau, dont le plan est en forme de croix latine, consiste en une nef, un choeur et une croisée ou transept, accompagnés de vastes bas-côtés, disposés sur le même axe et bordés de chapelles, qui règnent autour de la nef et du choeur. Les voûtes, élevées sur cent vingt-six grosses colonnes, sont généralement à arêtes, et reposent sur quatre nervures croisées diagonalement. Les grandes fenêtres sont au nombre de quarante-et-une, non comprises celles des chapelles et de la galerie qui entoure le choeur.

L’église a beaucoup perdu de son effet par l’absence des verres de couleur qui décoraient ces fenêtres. L’intérieur est encore éclairé par trois grandes roses, remarquables par leur forme circulaire et la délicatesse de leurs compartiments, dont les ramifications, contournées avec toute la souplesse des métaux les plus ductiles, servent d’encadrement à une nombreuse suite de sujets peints sur verre. La chaire de l’église, exécutée en 1775, est un monument de sculpture qui jouit d’une grande réputation. Les chapelles de la cathédrale, qui sont au nombre de vingt-quatre, n’avaient pas été comprises dans le plan primitif de Robert de Luzarches ; elles ont été successivement érigées depuis à diverses époques.

Le travail de la boiserie des stalles du choeur, disposées en deux rangs étagés de chaque côté, est riche et élégant. Le grand autel, disposé à la romaine, est décoré d’un bas-relief doré, représentant Jésus-Christ faisant sa prière au Jardin des Olives. Derrière le maître-autel s’élève une grande gloire rayonnante construite en pierre et en bois, et dont l’immense proportion produit un bel effet dans la perspective du temple.

Pour célébrer le passage à l’an 2000, la cathédrale d’Amiens, subtilement décapée au laser, a retrouvé pendant quelques jours sa polychromie grâce à un jeu de lumières. Les gris et les noirs qui patinaient la pierre, dissimulaient des fragments pigmentés. Prélevés, ces bribes de peinture ont permis de reconstituer les couleurs qui recouvraient, jadis, les statues des trois portails de la façade. La technologie lumineuse a permis de retrouver sans dommage et irréversibilité, la polychromie d’origine...
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http://ds.u-picardie.fr/ patrick/Cathedrale/visite.html

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