LA FRANCE PITTORESQUE
Versailles (Château de) (Yvelines)
(D’après « Le Magazin pittoresque », paru en 1837)
Publié le mercredi 6 octobre 2010, par LA RÉDACTION
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En 1561, Martial de Loménie, secrétaire des finances de Charles IX, fit l’acquisition du domaine de Versailles. Il n’en demeura pas longtemps le maître. L’Estoile rapporte dans ses Mémoires (tome Ier, p. 26) que la reine Catherine de Médicis « fit étrangler, dans l’intérêt du comte de Retz, pour lui faire avoir le château de Versailles, le secrétaire d’Etat Loménie, qui en était possesseur. » Ce crime n’est pas très authentique, mais il n’est pas invraisemblable.
 

Quoi qu’il en soit, il est certain qu’en 1573, Albert de Gondi, comte de Retz, l’un de ces Florentins qui suivirent la fortune de Catherine en France, devint propriétaire du château et de la seigneurie de Versailles. Ce fut son fils, Jean-François de Gondi, archevêque de Paris, oncle du cardinal de Retz, qui le vendit ensuite à Louis XIII. Voici un extrait de ce dernier contrat de vente :

« Le 8 avril 1632, fut présent l’illustrissime et révérendissime Jean-François de Gondi, archevêque de Paris, seigneur de Versailles, reconnoît avoir vendu, cédé et transporté... à Louis XIII, acceptant pour Sa Majesté, messire Charles de l’Aubespine, garde des sceaux et chancelier des ordres du roi, et messire Antoine Rusé, marquis d’Effiat, surintendant des finances, etc., la terre et seigneurie de Versailles, consistant en vieil château en ruine et une ferme de plusieurs édifices ; consistant ladite ferme en terres labourables, en prés, bois, châtaigneraies, étangs et autres dépendances ; haute, moyenne et basse justice... avec l’annexe de la grange Lessart, appartenances et dépendances d’icelle, sans aucune chose excepter, retenir, ni réserver par ledit sieur archevêque, de ce qu’il a possédé audit lieu de Versailles, et pour d’icelle terre et seigneurie de Versailles, et annexe de la grange Lessart, jouir par Sadite Majesté et ses successeurs rois, comme de choses appartenantes. Cette vente, cession et transport faits, aux charges et devoirs féodaux seulement, moyennant la somme de soixante-mille livres, que ledit sieur archevêque reconnoît avoir reçues de Sadite Majesté, par les mains de..., en pièces de seize sous, de laquelle somme il se tient content, en quitte Sadite Majesté et tout autre, etc. » (Architecture françoise, par Blondel, liv. VII, p. 93)

Louis XIII n’eut pas l’intention de faire de Versailles une résidence royale, mais un rendez-vous de chasse. Son architecte construisit à cet effet le corps de logis principal et les deux ailes qui forment aujourd’hui la cour de Marbre avec des bâtiments de dépendances disposés en avant-cour. Ce petit château, quoique peu étendu, offrait au regard un ensemble agréable et commode. La disposition de ses pavillons d’angle et les fossés qui l’entouraient rappelaient encore les constructions féodales des siècles précédents, comme on peut en juger par la vue et le plan que nous donnons d’après un tableau unique que l’on a fait venir récemment de Saint-Pétersbourg.

Vue du château de Versailles sous Louis XIII, d'après un ancien tableau

Vue du château de Versailles sous Louis XIII,
d’après un ancien tableau

Il convient de remarquer que ce ne fut pas précisément sur l’emplacement du vieux château de Martial de Loménie que Louis XIII bâtit sa nouvelle habitation, mais sur un terrain qu’il acheta de Jean de Soisy, et que cette famille possédait depuis le quatorzième siècle. Il ne fit l’acquisition du château d’Albert de Gondi que pour le démolir, parce qu’il eût gêné la vue de la résidence royale. Si l’on en croit même quelques traditions, au sommet du plateau de Versailles, à la place même où l’on voit aujourd’hui le magnifique château, on ne voyait qu’un moulin à vent : un meunier régnait où régna Louis XIV.

Le vendeur de farine avait pour habitude
D’y vivre au jour le jour, exempt d’inquiétude ;
Et de quelque côté que vînt souffler le vent,
Il y tournait son aile, et s’endormait content.

La résolution de Louis XIV, de transformer le petit château de son père en l’un des plus merveilleux palais de l’Europe, causa beaucoup de surprise parmi les courtisans : on fit des critiques, mais à demi-voix, comme l’on pense bien. Il reste cependant des témoignages de ces secrètes oppositions ; le lieu parut surtout mal choisi. « Versailles, lieu ingrat, dit Saint-Simon, triste, sans vue, sans bois, sans eaux, sans terre, parce que tout est sable mouvant et marécage, sans air, par conséquent qui n’est pas bon. »

Enhardis par la cour, les architectes objectèrent à Louis XIV que le château de Louis XIII n’était pas solide ; il leur répondit : « Je vois où l’on en veut venir : si le château est mauvais, il faudra bien l’abattre ; mais je vous déclare que ce sera pour le rebâtir tel qu’il est. » Le château ne fut donc pas abattu, et les deux édifices furent tellement liés ensemble qu’ils ne font qu’un même corps, et cependant tellement distincts que la vue de l’un ne laisse pas soupçonner l’existence de l’autre. Placés, à proprement parler, dos à dos, les deux édifices n’ont chacun qu’une façade.

Le sentiment héréditaire ou dynastique entra sans doute pour beaucoup dans cette volonté de Louis XIV. Il faisait remonter aussi haut que possible la date historique et royale de cet endroit qu’il choisissait pour sa future résidence : il imposait à ses successeurs le respect conservateur dont il donnait l’exemple. On verra ce motif formellement exprimé dans la suite par Napoléon.

Les constructions nouvelles commencèrent peu de temps après la mort du cardinal Mazarin. On suivit les plans de Levau, qui furent continués et amendés par Mansart. Le château fut ouvert au roi et à la cour dès le mois de février 1672, bien qu’il fût inachevé. Louis XIV habita le château de Versailles pendant cinquante-trois ans. Le régent ne voulut pas cesser d’habiter son palais de Paris. Mais Louis XV, dont le règne fut aussi long que celui de Louis XIV, fit du château de Versailles sa résidence habituelle. Il y ajouta quelques dépendances, changea plusieurs distributions intérieures, et ordonna une restauration générale dont l’architecte Gabriel fut chargé, et qui se borna à la construction d’un seul pavillon et d’une partie de l’aile près de la chapelle, exécutés en 1772 et 1774.

A peine monté sur le trône, Louis XVI voulut rétablir le château de Versailles ; il entreprit de replanter le parc, et il décora l’un des bosquets dans un goût nouveau dont les Anglais avaient amené la vogue en 1780. Il demanda aux architectes les plus célèbres de cette époque des projets pour restaurer d’une manière convenable ce grand édifice, où l’on voyait déjà les constructions de Louis XIII presque en ruines, et celles de Louis XV abandonnées sans avoir été achevées. Ces projets n’eurent pas de suite. La révolution arriva ; on ne s’occupa plus des anciens monuments, à moins que ce ne fût pour les détruire. Le château de Versailles, dépouillé de ses richesses, resta pendant quinze ans abandonné sans entretien, après avoir servi d’hôpital et de caserne.

Lorsqu’en 1807, Napoléon voulut restaurer le château de Louis XIV, il fut effrayé de l’argent que cette entreprise engloutirait. M. Gondouin, architecte habile à qui nous devons l’Ecole de médecine, avait, dans un volumineux travail, fait des plans, des devis et des projets qui auraient entraîné une dépense de près de cinquante millions. Saint-Cloud, Fontainebleau, Compiègne, Rambouillet, les deux Trianons, venaient d’être établis et rendus habitables ; il fallut ajourner Versailles, se contenter d’entretenir les bâtiments principaux, réparer les couvertures, les façades, et faire dans les grands appartements les premiers travaux nécessaires à leur conservation.

Quatre ans après, les succès obtenus contre la Prusse et l’Autriche, l’alliance qui venait de donner à Napoléon un successeur, ramenèrent les espérances de paix et permirent de s’occuper du rétablissement du château de Versailles. MM. Percier et Fontaine furent alors chargés de faire des projets et des devis.

En juillet 1811, l’empereur vint à plusieurs reprises, de Trianon qu’il habitait, visiter le château de Versailles, pour connaître lui-même d’une manière exacte l’état des choses ; mais, plus incertain encore après avoir tout vu, après avoir reconnu les difficultés auxquelles le mauvais choix de Louis XIV avait donné lieu, il ajourna encore. C’est à cette époque qu’après avoir visité les appartements jusque dans les plus petites pièces, effrayé du désordre et de la confusion de cette immense distribution, et surtout des difficultés qui s’opposaient à ce qu’on pût jamais arriver à rien faire de bien, il s’écria en présence de M. Fontaine : « Pourquoi la révolution n’a-t-elle pas démoli le château de Versailles ? Je n’aurais pas aujourd’hui un tort de Louis XIV sur les bras, et un vieux château mal fait, comme ils l’ont dit, un favori sans mérite à rendre supportable. » La campagne de 1812, qui fut le terme de nos gloires, fut aussi celui des grands projets de constructions au nombre desquels le château de Versailles était au premier rang.

Louis XVIII, en remontant sur le trône, voulut de suite faire remettre le château de Versailles en état d’être habité ; on donna à ce sujet les ordres les plus pressants. Le parti adopté comme le plus facile et le moins dispendieux fut de conserver et rétablir la galerie, les grands appartements, les pièces d’apparat, et tout ce qu’a fait Louis XIV ; d’achever du côté de Paris la façade commencée, d’après le plan de Gabriel, sous Louis XV ; de pourvoir dans les intérieurs aux améliorations que les habitudes et les besoins d’aujourd’hui commandent.

Tel était le programme que l’on mettait à exécution, lorsque le retour de Napoléon en 1815 fit suspendre pendant trois mois seulement la continuation déjà fort avancée des restaurations de Versailles. Après les Cent-Jours, les travaux furent repris avec activité, et en 1818 les façades du château et ses principales dépendances étaient entièrement rétablies, les peintures qui ornent les plafonds des grands appartements et les dorures étaient restaurées, les distributions étaient rendues plus commodes ; en 1820, le pavillon correspondant à celui bâti sous Louis XV était élevé, les abords étaient dégagés, toutes les dépendances étaient remises en état : on avait dépensé environ six millions. Il ne restait plus que les travaux nécessaires à son ameublement pour qu’il pût être habité. Mais ces travaux furent entièrement suspendus sous Charles X, et le château était dans l’état où l’avait laissé Louis XVIII, lorsque vint la révolution de 1830.

Il nous souvient que peu après cette époque on proposa un grand nombre de projets différents relativement à la nouvelle destination qu’à la suite d’une révolution populaire il convenait de donner à un château qui est un des symboles les plus positifs et les plus expressifs de l’idée de monarchie absolue. Les uns voulaient que l’on en fît un refuge pour les pauvres ouvriers blessés et mutilés au service de l’industrie, un hôtel des Invalides rival de celui qu’avait fondé Louis XIV ; d’autres, qu’on y ouvrît un établissement modèle de tous les enseignements populaires ; d’autres enfin, que l’on y transportât les écoles supérieures de Paris, l’Ecole polytechnique, l’Ecole normale, etc. Aucun de ces plans ne fut adopté. Le nouveau roi résolut de transformer le château en un vaste musée historique.

Pour réaliser ce projet, il a fallu modifier l’ancienne disposition intérieure du château, et convertir en immenses galeries ou en salons des suites de petits appartements désormais inutiles. On a dû également redorer les lambris, restaurer les plafonds, remettre à neuf ou compléter l’ameublement ; enfin, réunir un nombre considérable d’oeuvres d’art anciennes ou nouvelles déjà existantes ou exprès commandées, tableaux, bustes, statues ; les distribuer par séries, en observant pour chacune de ces séries un ordre chronologique.

Nous vous conseillons la visite du site Internet officiel du château de Versailles :
outre les rubriques dédiées à la vie au château, aux chefs-d’œuvre qu’il contient
et à l’actualité, vous pourrez également visualiser des images en 360°
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