LA FRANCE PITTORESQUE
Patois
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Publié le vendredi 4 février 2022, par Redaction
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Où l’on apprend que ce mot serait le fruit de deux autres signifiant à l’origine le parler de la patrie
 

Le Trésor de la langue française donne notamment comme définitions du mot patois : « Parler essentiellement oral, pratiqué dans une localité ou un groupe de localités, principalement rurales », ou encore « Système linguistique restreint fonctionnant en un point déterminé ou dans un espace géographique réduit, sans statut culturel et social stable, qui se distingue du dialecte dont il relève par de nombreux traits phonologiques, morphosyntaxiques et lexicaux », et rappelle qu’il est également utilisé péjorativement pour désigner un « langage obscur et inintelligible ».

Dans Le Courrier de Vaugelas, le philologue et grammairien Éman Martin (1821-1882) explique qu’en français, la finale ois sert à former tantôt le nom de l’habitant d’une ville ou d’une contrée (Lillois, Danois, etc.), tantôt le nom du langage parlé par l’habitant de cette ville ou de cette contrée (le genevois, le hongrois, etc.), tantôt celui du pays dont une ville est le chef-lieu (le Barrois, le Blaisois, etc.), et, dans tous les noms ayant cette finale, le radical est celui d’un nom de lieu.

Patois du Morvan

Patois du Morvan

Le mot patois a la même terminaison que les précédents ; il désigne comme eux le langage et l’habitant d’un certain pays (dans le Midi de la France, on dit un patois pour un compatriote), et voici un exemple qui le montre employé pour un nom de lieu :

« Plusieurs femmes y alloient [écouter un prédicateur] curieusement de nuict et de jour, qui se garnissoient en leurs patois [localités] de pierres, cendres, cousteaulx et autres ferremens et bastons pour frapper ceux qui lui voudroient nuire ou empescher sa dicte prédication » (Chronique scandaleuse de Louis XI)

Par conséquent, on est fortement autorisé à croire que patois, comme ses similaires, a été formé de la finale ois, jointe à un nom de ville, de bourg ou de contrée.

Maintenant, quel peut bien être ce nom, dont la première partie est pat ? À l’occasion du passage suivant du Trésor de Brunetto Latini (XIIIe siècle) : « Et s’aucuns demande por coi chis livres est escris en romans, selonc le patois de France, puisque noz somes Ytaliens, je dirai que c’est por II raysons... »

Le savant Michelant, après avoir consulté 19 manuscrits pour constater la vraie leçon dudit passage, en a trouvé 7 donnant patois, patrois et pratois, et 12 substituant langue, langage, parleure, etc. aux premiers, qui sont les plus anciens.

Or, il semble résulter de ce fait que pratois n’est autre chose qu’une métathèse pour patrois ; que ce dernier est la véritable leçon, et que patr est la première partie d’un mot qui ne peut être que patrie, puisque, dans les similaires cités plus haut, le radical, comme Éman Martin la fait remarquer, est un nom de ville ou de contrée.

D’où il conclut que, appliqué à un langage, le mot patois, corruption de patrois (la prononciation familière de celui-ci a supprimé l’r comme elle le fait encore dans quatre, autre, notre, etc. qu’elle fait sonner quate, aute, note, etc.), signifie littéralement le parler de la patrie, du pays particulier.

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