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Être mal barré
(Source : Le Figaro)
Publié le vendredi 16 février 2018, par Redaction
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Aller au-devant de gros ennuis
 

Trop tard. C’est fichu. Fini. Foutu. Les dés sont jetés et désormais il ne nous reste plus qu’à constater ce qui va maintenant arriver. Comme le cinéphile devant son film, nous voilà passés du statut d’acteur à spectateur. Le synopsis est tout tracé. Littéralement, « mal barré ». Mais d’où vient cette curieuse expression ? Le Figaro revient sur son histoire.

Une histoire qui, bien loin de trouver ses sources dans nos salles obscures, remonterait au XIIe siècle. Car n’imaginons pas un instant que les fins télégraphiées de nos longs-métrages y soient pour quelque chose. Dérivé du mot barre, du latin médiéval barra « barrière », le verbe « barrer » signifie à l’origine, au XIIe siècle, « fermer », « consolider un objet à l’aide d’une barre ». Il s’emploie dans les maisonnées ou du moins dans des espaces, pour annoncer la « clôture » d’un passage. Au XVe siècle, le sens de « barrer » se précise. On l’emploie dès lors pour « faire opposition à quelque chose », « faire obstacle à quelqu’un » .

Le calme après la tempête
Mais qu’à cela ne tienne ! Loin de se « barrer » la route, notre verbe se « barrera » quelques siècles plus tard, au XIXe siècle très précisément, pour opérer une nouvelle pirouette sémantique. Il deviendra alors un synonyme du verbe « partir » dans l’argot des marbriers de cimetière avant de prendre le sens que nous connaissons aujourd’hui, grâce au vocable des mariniers.

À la fin du XIXe siècle, « barrer » signifie en effet, dans le lexique de la marine, « tenir, manœuvrer la barre du gouvernail ». La barre permet au capitaine de bien mener sa barque et ainsi, de tenir le cap. Mais attention ! Si les éléments ne sont pas cléments, c’est un équipage entier qui risque de se retrouver à l’eau et donc, « mal barré » ainsi que le note Georges Planelles dans son livre Les 1001 expressions préférées des Français.

Si la formule a dévié de sa trajectoire marine pour s’amarrer sur nos îles de béton, elle n’en reste pas moins la même depuis sa création. « Être mal barré », sur terre comme dans l’eau, c’est « aller au-devant de gros ennuis ». Si la tasse n’est jamais loin quand on est « mal barré », souvenons-nous toutefois que le calme revient toujours après la tempête !

Alice Develey
Le Figaro

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